À genoux et les mains vides...

Crise mondiale — crise financière



Jean Charest a participé, lundi, à une rencontre fédérale-provinciale sur la situation de l'économie avec le premier ministre Stephen Harper et ses homologues provinciaux. Cette réunion, harmonieuse de l'avis des participants, n'a pas mené à des ententes formelles et elle a surtout servi à préparer le terrain pour un rendez-vous plus substantiel en janvier.
Est-ce un échec? J'aurais plutôt tendance à croire que non. Le premier ministre Harper est un homme transformé. Après avoir été apôtre de l'immobilisme pendant la campagne électorale fédérale, il s'est mis à l'action. La situation économique est maintenant sa grande priorité, il favorise un programme d'infrastructures, il se prépare activement à sa participation au sommet du G20, il s'est mis en mode écoute avec les provinces. Le virage est bienvenu.

Mais au Québec, ce n'est pas comme ça qu'on voit les choses. M. Charest a été accueilli par ses adversaires avec une brique et un fanal. Pour Pauline Marois, le chef libéral était «à genoux»: «Jean Charest s'est écrasé encore une fois. Il avait fait une belle liste de demandes pendant la campagne fédérale. Et il l'a oubliée à Québec.» Pour Mario Dumont, avec son sens de la formule: «Il est rentré en TGV, il est sorti en trottinette.»
Le rituel est connu. Le retour d'Ottawa de nos premiers ministres est obligatoirement évalué en fonction de deux critères. Le principe de verticalité: était-il debout, à genoux? Et le principe d'abondance: est-il revenu bredouille, les mains vides?
Comme si Ottawa était un gros guichet automatique. Comme si une rencontre fédérale-provinciale était un petit tour au Costco avec une liste d'épicerie. Ou que le Québec n'était bien défendu et représenté que si ses dirigeants manifestent des signes extérieurs de fermeté. Il faut élever la voix, s'agiter devant les caméras, taper du pied, d'une façon qui n'est pas sans rappeler les expressions d'agressivité de nos cousins primates.
Quand va-t-on sortir de ce folklore? La situation économique est assez sérieuse pour qu'on accepte, sans se trahir collectivement, quatre petites idées.
Premièrement, parce que la rencontre fédérale-provinciale portait sur un enjeu sérieux, il était normal que les premiers ministres, dans un premier temps, fassent le point, qu'ils essaient de s'entendre sur un diagnostic et qu'ils mettent de leur côté leurs différends. Le combat contre le ralentissement ne peut pas se faire uniquement à coups de demandes. Il y a aussi un besoin pour des interventions macroéconomiques communes. On oublie souvent que les provinces, avec des dépenses de 340 milliards, ont plus d'impact économique que le gouvernement fédéral et ses dépenses de 250 milliards.
Deuxièmement, parce que le ralentissement est sévère, il était normal que les premiers ministres se concentrent sur les interventions qui pouvaient avoir un impact rapide sur la situation économique. Même le projet de TGV proposé par M. Charest, une excellente idée au demeurant, n'y avait pas sa place, en raison de son horizon trop lointain.
On ne peut pas reprocher à M. Charest, comme le fait Mme Marois, de ne pas avoir ressorti sa liste de demandes formulées pendant la campagne fédérale. Elles n'avaient vraiment rien à voir avec la situation économique: Kyoto, armes à feu, jeunes contrevenants, pouvoir de dépenser. Mme Marois peut le comprendre, elle qui, dans cette campagne, distingue soigneusement son plan d'action contre le ralentissement de sa plateforme plus générale.
Troisièmement, il y a des problèmes économiques presque partout au Canada, souvent pires que les nôtres. Un gouvernement central, par définition, doit tenir compte de l'ensemble de ces problèmes. Il devra venir en aide au Québec, mais aussi aux autres provinces. Il devra faire des arbitrages. Ça aussi, il faut l'accepter.
Quatrièmement, nous sommes tous conscients de la précarité des finances publiques québécoises. On devrait donc être intellectuellement capables de comprendre que ces problèmes existent aussi au fédéral. La marge de manoeuvre est serrée à Ottawa, après le déséquilibre fiscal, la baisse de la TPS et, maintenant, la perte de la vache à lait pétrolière. Les conservateurs évoquent même la possibilité d'un déficit. Le gouvernement fédéral, serré lui aussi, ne pourra pas tout financer.
Il est vrai que les relations avec Ottawa reposent souvent sur des négociations et des rapports de forces. Mais parfois, nos rituels guerriers tombent à plat. Faut-il nécessairement que des Québécois, intelligents et matures, se retrouvent avec un âge mental de 11 ans et demi dès qu'il s'agit de relations fédérales-provinciales?


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