45 ans de militantisme anti-Parti québécois

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La Presse est un organe de propagande libéral qui ne doit pas être financé par l'argent public

Les gens de La Presse se sont présentés devant les parlementaires la semaine dernière et l’un des éléments qui ont le plus retenu l’attention, c’est l’acceptation – ou pas – de la ligne éditoriale du quotidien.


Que des propriétaires privés se paient un quotidien dont l’équipe éditoriale est engagée, notamment, pour combattre un parti politique en particulier, on dira que c’est leur prérogative.


Mais pour bien des citoyens, indépendantistes ou pas, que des deniers publics servent à assurer la pérennité de cette ligne éditoriale militante, voilà qui passe beaucoup plus mal. D’autres ont soulevé la question, des parlementaires aussi. Je m’en tiendrai à ça pour le moment.


45 ans de militantisme anti-Parti québécois


Plus de 45 ans de militantisme. Voilà le bilan du travail éditorial de La Presseen politique québécoise. Et pour avoir un aperçu complet de la chose, le meilleur moyen est de se retaper l’essentiel de l’œuvre éditoriale.


Amis indépendantistes, ce n’est pas pour les cœurs sensibles. Tout y passe; les épouvantails convenus et tant de fois répétés, de la mauvaise foi aussi, et beaucoup d’esprit militant.


Des contorsions aussi pour que s’efface un peu cet esprit militant quand, de façon faussement solennelle, on lit avant chaque élection provinciale, «Le choix de La Presse...» en sachant fort bien que, peu importe le bilan de gouvernance ou tout esprit d’analyse critique, ce choix s’arrêterait sur le Parti libéral.


Quelques extraits émanant de différentes époques, afin d’avoir une meilleure idée de ce parcours militant...



Jeudi le 23 avril 1970. Texte de Jean Pellerin.


Quelle est la meilleure façon de ne pas trop nuire au Parti libéral? Les jeunes sont intéressés par ce nouveau parti «séparatiste» (oui, on refusera le plus souvent de référer aux «indépendantistes», histoire d’user du néologisme popularisé par Jean Chrétien pour discréditer, par le langage même, le Parti québécois), mais il y a aussi l’Union nationale qu’il faut tenir à carreau.


«S’il faut en croire les sondages, la majorité des jeunes optent pour le Parti québécois tandis que la majorité des personnes en responsabilité (!) restent plutôt fidèles aux vieux partis. Il n’y aura donc pas seulement confrontation séparatistes-fédéralistes, mais aussi les jeunes et les autres.


Aux yeux de quelques-uns, la menace que constitue le nationalisme d’une part, ainsi que la menace que semble vouloir constituer d’autre part la solidarité des jeunes face aux adultes de l’Establishment, crée un état de crise qui nécessite la mobilisation de tout ce qui peut contribuer à empêcher le Parti québécois de passer.



Samedi le 27 octobre 1973. Texte de l’Éditeur et président de La Presse Roger Lemelin.


Le Parti québécois : les méchants de l’univers manichéen de La Presse...


«Jusqu’à présent, pour la majorité des Canadiens-français, l’option fédéraliste a été celle de la grande prudence. L’autre option est celle du Parti québécois, qui prône en gros la séparation. [...]


L’option PQ continue donc de comporter aux yeux de la population de si grands éléments de risque que les sondages indiquent une réélection de l’équipe libérale [...]


Il reste à souhaiter que, lundi prochain, chaque électeur raisonne froidement les conséquences de son choix, laisse de côté toute passion, tout romantisme [...] L’enjeu du vote de lundi est le plus grave de notre histoire ».


On croirait un curé qui sermonne ses ouailles...




La période électorale de 1976 a été particulièrement féconde en attaques de toutes sortes envers le Parti québécois chez La Presse. On sent bien le désarroi d’une équipe éditoriale qui voudrait tout faire pour empêcher le PQ de prendre le pouvoir, mais qui, il faut bien l’admettre, manque de munitions et d’arguments pour réussir à effrayer la population de voter pour les «séparatistes».


Cela n’empêchera pas les Marcel Adam et Ivan Guay, notamment, d’y mettre toute la gomme : «le Parti québécois s’est disqualifié», «Un choix entre la peste et le choléra».


Samedi le 11 avril 1981. Texte de l’Éditeur Roger Lemelin. Un véritable manifeste de la défense de la ligne éditoriale de La Presse. L’auteur la défend telle quelle, dans un texte où l’équipe éditoriale en appelle à voter pour le Parti libéral, bien sûr.



Mais l’éditeur tient un discours plus conciliant – peut-être que ça devient gênant à la longue de réécrire toujours le même éditorial à chaque élection – et note une certaine «sympathie éprouvée pour plusieurs dirigeants du PQ», mais fait suivre cette ouverture (les fleurs) par un pot bien senti : «LA PRESSE continue de désapprouver les objectifs fondamentaux du Parti québécois, parce que contraires aux intérêts profonds de notre société nord-américaine. Nous espérons l’élection du Parti libéral avec le souhait que ses membres nous débarrasseront des ambiguïtés du parcours électoral et qu’ils feront triompher un libéralisme équilibré».


Aussi, l’Éditeur Lemelin tient à insister dans son texte sur le fait que si le Parti libéral de Claude Ryan est élu, «LA PRESSE montrera envers lui la même sévère vigilance que nous avons souvent eue envers M. Lévesque».



En terminant, télescopons-nous vers le mercredi 13 septembre 1989. Je retiens un texte de l’éditorialiste en chef de La Presse à cette époque, un certain Alain Dubuc.


Intitulé «La souveraineté face au mur de l’indifférence», Dubuc insiste sur un crédo qui dure encore aujourd’hui : la souveraineté n’intéresse pas les Québécois. Elle ne fait pas partie des «vraies affaires» comme on nommera, plus tard, tout ce qui est plus important que la question constitutionnelle. Dans le sens de tout.


Il y a aussi dans ce texte, le soulignement à grands traits des optiques irréconciliables, semble-t-il, entre «pressés» et «étapistes». Un schisme qui dure encore aujourd’hui. Lévesque l’étapiste, Parizeau le pressé.


Dubuc trouve que le 39% d’appuis à la souveraineté que crédite alors un sondage de l’époque est peu fiable, car il y a dans la question du sondeur les «très favorables» et les «assez favorables». Il note, en passant, que le PQ reçoit moins d’appui en pourcentage que celui qu’on crédite au Oui.


L’appui à la souveraineté aujourd’hui a finalement bien peu fléchi. Les éditorialistes fédéralistes au Québec continuent de tenter de faire croire que cette question n’intéresse plus les Québécois et les mêmes fractures demeurent au sein du mouvement indépendantiste.


Comme quoi l’indifférence, ça dure longtemps.


Vous pourrez consulter ici un éventail assez fouillé de tous ces textes et plusieurs autres, de 1970 à 2008. Tout le reste est aisément disponible en archive sur le site du quotidien de la rue Saint-Jacques.


Une chose est certaine, quand on s’y replonge page après page, on comprend vite pourquoi cette «ligne éditoriale», qui est en fait un puissant levier de militantisme pro-PLQ, ne devrait jamais bénéficier d’une «cenne» d’argent public. Cela serait déloyal pour tous les adversaires du parti que ce quotidien appuie, sans fléchir, depuis plus de 45 ans.