Rapatriement de la Constitution

30 ans d'insouciance

30e du rapatriement de 1982



Il y aura 30 ans mardi, Elizabeth II proclamait sur l'esplanade du parlement d'Ottawa la nouvelle Constitution que le Canada se donnait à la suite de son rapatriement depuis Londres. L'exclusion du Québec de cette nouvelle Constitution a marqué une rupture entre les deux communautés linguistiques du pays. Pour les Québécois, cette Constitution sera illégitime aussi longtemps que cette erreur n'aura pas été corrigée.
Un certain discours veut que cette exclusion du Québec de la Constitution ne soit en rien dramatique. Trente ans plus tard, le Canada ne fonctionne-t-il pas toujours et à certains égards de meilleure façon? Le croit volontiers l'ancien chef du Parti libéral du Canada Stéphane Dion, qui dans nos pages cette semaine invitait ses concitoyens à en revenir de cette exclusion. L'important à ses yeux est le résultat qu'auront produit les changements à la Constitution.
Banaliser ainsi l'exclusion du Québec ne sert qu'à occulter la véritable signification de cet événement que plusieurs politiciens voudraient repousser au plus profond des limbes politiques. L'amnésie ne saurait modifier la réalité des choses. La réalité est que le 17 avril 1982, l'un des deux peuples fondateurs a proclamé sa supériorité sur l'autre en lui imposant une Constitution qui réduisait sa capacité légale à protéger sa langue et sa culture. Le compromis historique de 1987, accepté de mauvais gré par les Québécois à l'époque, se trouvait altéré. Le Canada n'en était pas à son premier déshonneur.
Pour certains, ce fut un coup d'État. Plus certainement, ce fut l'occasion pour le Canada anglais, appuyé de fédéralistes québécois, de procéder à une refondation du Canada selon ses propres termes, comme le soulignait cette semaine Louis Bernard qui a participé aux négociations constitutionnelles de 1981 et 1982 aux côtés de René Lévesque. Vrai, la Terre continue de tourner depuis. La réalité est cependant que les deux peuples fondateurs se sont éloignés. Leur isolement est plus grand que jamais. Après l'échec de l'accord du lac Meech qui avait cherché réparation à cet outrage, le Québec s'est réfugié dans une autarcie politique qui l'a amené à se mettre en marge en élisant massivement des députés du Bloc québécois pendant près de 20 ans, et maintenant ceux du NPD.
Réparer 1982 apparaît inutile à certains et impossible à d'autres. Ceux qui croient au Canada devraient s'inquiéter. L'éloignement des deux communautés ne peut que s'approfondir avec le temps, chacun se tournant vers des valeurs et des intérêts différents qui seront de plus en plus difficiles à réconcilier. Penser autrement, c'est oublier que la loi fondamentale du pays n'aura de légitimité que si elle recueille l'adhésion de tous.
Qui aura le courage de s'attaquer à l'impasse actuelle? Pour l'instant, c'est le fait de quelques universitaires qui tentent de renouer un dialogue. À l'élection de l'an dernier, Jack Layton avait bien évoqué la réintégration du Québec dans la Constitution. On ne sait si c'était un souhait plus qu'un engagement. Il faut toutefois savoir que réintégrer le Québec dans la Constitution ne pourra se faire en lui redonnant simplement les pouvoirs qui lui ont été enlevés. Trente ans plus tard, trop de choses ont changé. Il faudra vouloir refléter la réalité politique qui est celle d'aujourd'hui. Il y a là un vaste chantier. Il ne faut pas se faire d'illusions quant à la volonté qui sera celle du Canada anglais s'il ne lui est donné un grand choc pour le sortir de l'insouciance dans laquelle il se complaît depuis trente ans.
bdescoteaux@ledevoir.com


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