24 déclarations d'amour à la langue française

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Une fidélité personnelle et collective


À notre invitation, vous avez été nombreux à prendre la plume pour déclarer votre amour du français. Puissent vos mots rayonner aux quatre coins de la Belle Province, à l’occasion de notre fête nationale. Et préservons ensemble ce joyau qu’est la langue française.  



Le courage de tenir bon  





Photo Courtoisie




L’usage de la langue française est une remarquable épopée qui met en scène le courage, l’audace, la détermination de générations successives de Québécois, depuis le Traité de Paris en 1763 jusqu’à aujourd’hui. Leurs luttes incessantes, à toutes les époques de notre Histoire, ont enraciné la langue française comme fondement de l’identité nationale et de la culture québécoise. 








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Je voudrais vous présenter un modeste épisode de cette résistance tenace qui concerne mon père alors que j’étais enfant. C’est là un exemple parmi tant d’autres du courage d’un nombre innombrable de citoyens et citoyennes.


Pour lire la suite de la lettre de Louise Harel, cliquez ici.



Hommage à notre langue  





Photo Courtoisie, Dominic Gouin




Alors que notre Fête nationale se déroule cette année sous le thème « Notre langue aux mille accents », je suis fier d’ajouter ma voix à celles et à ceux qui célèbrent, en ces pages, cette langue française qui est la nôtre. 


Héritage de notre histoire, enrichie de mille apports, notre langue dans toutes ses tonalités est l’expression de qui nous sommes, ensemble, devenus comme nation. Elle est la quintessence de notre culture et le reflet de nos progrès, de notre solidarité et de notre ouverture. Dans toutes ses démonstrations et ses manifestations, notre langue est l’affirmation de notre identité collective. 


Depuis toujours, Québecor, l’entreprise que j’ai le privilège de diriger, a fait de la diffusion et de la promotion de la langue française, un engagement au cœur de ses activités parce qu’une langue qui rythme notre quotidien est encore plus vivante lorsqu’elle est écrite, parlée, chantée et fêtée par ses artistes et ses artisans. 


L’avenir de notre langue, du français, a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois, tant à sa gloire qu’à sa dérive. Je reste avec cette profonde conviction qu’il est nécessaire de la défendre, de la protéger et de la valoriser. Elle est, et doit demeurer, pour nous toutes et pour nous tous, l’accent de notre accueil et de notre fierté. 


Pierre Karl Péladeau



La langue de mes émotions  





Photo Courtoisie, Sébastien Sauvage




Comme bien des auteurs-compositeurs, j’ai commencé à écrire des chansons à l’adolescence, principalement dans la langue de Shakespeare. Probablement parce que mes inspirations et idoles étaient anglophones. Peut-être aussi parce que ça sonnait bien, et que je pouvais dire comment je me sentais sans trop que ça paraisse, sans trop ressentir, justement. Puis c’est lors de mes études à l’École nationale de la chanson de Granby, où le français était imposé, que j’ai compris la pertinence d’écrire en français. 


Je suis littéralement tombée en amour avec ce matériau riche d’images et de sonorités qui me permet d’exprimer avec précision mes émotions, de décrire des lieux, des ambiances, comme on peint une toile. Ou encore de créer des allitérations douces et mélodieuses qui agissent comme les traits lents d’un archet sur un violoncelle, ou encore percussives et mordantes pour appuyer un propos franc ou un rythme plus entraînant. Je prends un malin plaisir à bâtir mes histoires à l’aide de champs lexicaux, de rimes et d’assonances. Je m’impose des contraintes, je joue avec les mots comme une enfant dans un carré de sable. On appelle ça des «jeux de mots» parce que le plaisir est au cœur de l’exercice. 


Je ne retrouve pas cette même réjouissance avec les langues qui me sont plus étrangères. Ma langue maternelle me colle à la peau, à l’âme et à la créativité. Elle est la force de mes textes parce qu’elle me permet d’être vraie, d’être unique. Le français est une identité artistique en soi, une couleur, un bijou que l’on porte fièrement, et qu’on n’enlève jamais. Et qu’on ne veut surtout pas perdre, parce qu’il nous est transmis de génération en génération, comme un objet précieux qui prend de la valeur. Je ressens le besoin de protéger ma langue, mais surtout de la mettre de l’avant, de l’exporter et de l’exhiber. Un véritable joyau que l’on se doit d’entretenir afin d’en conserver l’éclat.


Andréanne A. Malette

auteure-compositrice-interprète 



Notre langue française, il faut la faire fleurir  





Pierre-Paul Poulin / Le Journal




J’ai cherché un nouvel argument pour prévenir contre le danger que court la langue française au Québec. Il me semblait que tout avait été dit et redit. Puis me sont revenus en tête les derniers vers du Vaisseau d’or d’Émile Nelligan: «Qu’est devenu mon cœur, navire déserté? Hélas, il a sombré dans l’abîme du rêve.» Il ne faut pas laisser la langue française sombrer dans l’abîme du rêve, il faut la faire fleurir, il faut la faire régner! 


Michel Tremblay

auteur



Vivre en français avec fierté  





Photo courtoisie




La langue française est au coeur de ce qui fait de nous des Québécois et des Québécoises. Elle fait partie de L’ADN de notre nation. Elle est au centre de notre histoire, de notre culture et de notre identité. Quatre siècles après Champlain, nous continuons à nous tenir debout et à vivre en français avec fierté. 


Nos artistes nous la chantent haut et fort, nos écrivains la manient pour nous raconter qui nous sommes et nos jeunes se la réapproprient, génération après génération, pour continuer à la faire fleurir. Notre langue commune, qu’elle soit faite de joual ou de vers, elle est riche et belle. 


Pour lire la suite de la lettre de François Legault, cliquez ici.



Nous avons besoin du français  





Photo courtoisie




«Nous n’avons pas besoin de parler français, mais nous avons besoin du français pour parler». 


Cette phrase d’André Belleau m’a toujours hanté. Car elle est d’une poignante vérité. Le français, au Québec, n’est pas qu’une langue de communication. Ce n’est pas qu’une « langue publique commune ». 


C’est l’expression de notre identité la plus profonde, qui remonte aux origines de notre histoire. J’ajouterais qu’au cœur de cette identité, on ne trouve pas que la langue française, mais le combat pour la langue française. 


L’expérience historique québécoise, dans toutes ses dimensions, se dit en français. Pour nommer nos malheurs, nos bonheurs, nos espoirs, nos désespoirs, nos victoires, nos défaites, nous avons besoin du français. Nous avons besoin du français pour dire la vérité intime de notre être collectif. 


IDENTITÉ


Si le Québec en venait à raconter sa réalité en anglais, ce ne serait plus le Québec. Tout simplement. Ce serait un autre peuple. 


Nous avons besoin du français pour parler. 


Et j’ajouterais, dans ce français bien de chez nous, qui porte en lui quatre siècles d’histoire. Oh, nous devrions nous délivrer des anglicismes et des tournures anglaises qui déstructurent son génie, qui abîment sa beauté. 


Mais nous aurions bien tort de sacrifier ces mots de chez nous, comme «astheure», ces expressions de chez nous, comme «face de carême», ces jurons de chez nous que nous avons sortis de l’église et que nous conjuguons de manière quasiment artistique. 


Petite confession: cela fait neuf mois que je suis en France. Quand je suis vraiment en colère, je ne dis pas «putain de bordel», mais une déclinaison bien de chez nous de sacres. 


Cela ne m’empêche pas de croire à ce qu’on appelle le français international. Il n’entre pas en tension avec le français de chez nous. Il le transcende. 


Je reviens un instant sur le possible effacement de notre langue – c’est-à-dire, notre possible disparition comme peuple. 


Une chanson a su rendre compte de cette angoisse : Mommy Daddy. Elle date de 1971. Elle met en scène des enfants, dans un futur pas si éloigné, où les Québécois ont perdu la bataille pour leur langue, leur culture, leur identité. Ces enfants demandent à leurs parents : pourquoi avons-nous perdu? 


Je crains ce destin pour notre peuple. Sentez-vous, comme moi, notre peuple se dissoudre peu à peu, renoncer à sa métropole, se laisser convaincre qu’il est de trop, se soumettre progressivement à l’empire anglo-saxon continental? 


Il n’est pas bien vu de s’inquiéter pour l’avenir du français aujourd’hui. On veut y voir une forme de fermeture à l’autre, de xénophobie, de racisme, même. 


ENRACINEMENT


Nous avons tort de nous laisser ainsi intimider. C’est cela, la vraie bataille pour l’âme du Québec. Nous nous sommes enracinés en Amérique, il y a plus de quatre siècles. Nous avons rêvé ce continent en français. Nous l’avons habité en français. Nous avons voulu y vivre libres en français. 


Et c’est pour cela que nous avons besoin d’un pays à nous. Où plus jamais nous ne demanderons de «permission d’exister». 


Mathieu Bock-Côté

sociologue et chroniqueur



Le cadeau de ma mère  



Denise Bombardier et James Jackson.

Photo Agence QMI, Joël Lemay

Denise Bombardier et James Jackson.




Dernière d’une famille de 11 enfants, elle adorait l’école et se faisait un devoir d’être première en français. 


Pour sortir de son milieu, ma mère, timide, mais déterminée à étudier longtemps, fut la plus instruite de sa famille. Elle quitta l’école après 11 ans de scolarité. 


Enfant, ma mère a enseigné à son père analphabète à lire et à écrire. Ce fut sa plus grande fierté. 


Elle m’a inscrite à trois ans au cours de diction de Camille Bernard. Celle-ci ressemblait à une sorcière, mais j’ai compris qu’elle avait la clé pour me faire entrer dans la langue française et découvrir ses mots si riches et si compliqués que mes tantes adorées ignoraient. 


Très vite, j’ai quitté mademoiselle Bernard qui criait après les enfants peu appliqués, ça n’était pas mon cas, pour l’école du Bon parler français de la merveilleuse madame Jean-Louis Audet. 


Son sous-sol, rue Saint-Hubert, où se déroulaient nos leçons, attirait tout le futur gratin artistique de Montréal, et même le héros mythique du hockey, Maurice Richard, pétrifié de timidité, venu apprendre à parler et prononcer correctement. Et d’abord son nom, Maurice Richard, et non Maurice «Richord». 


Madame Audet fut mon idole. Je la craignais et l’admirais. Elle m’ouvrait les portes de la langue française et sa culture si vaste me devint accessible. 


Ma mère désirait avant tout que je m’instruise. D’une timidité maladive qui l’avait empêchée de s’imposer en classe, elle souhaitait que je parle cette langue belle, précise et élégante, et non le joual comme mes tantes adorées, non instruites, mais très intelligentes, donc honteuses de leur ignorance. 


Très jeune, j’ai choisi mon camp pour la vie, celui du français parlé et écrit selon les règles. Chaque jour, ma mère m’apprenait de nouveaux mots du dictionnaire, le seul livre à la maison. Je devenais une grande praticienne de la langue comme d’autres deviennent championnes olympiques. J’étais obsédée par les mots et je cherchais à cerner tous les pièges du français, de sa syntaxe et ses fameuses exceptions. 


À l’école primaire de mon quartier, j’appris que nous, les Canadiens français, étions traités en inférieurs par les Anglais parce que nous étions des Français. Au secondaire, je devins consciente qu’il fallait mener un combat collectif pour conserver notre langue. Et à la fin de mon adolescence, je découvris que notre histoire en était une d’humiliation et de défaite. 


J’étais bilingue et consciente de cette arme qui me donnait une supériorité sur les Anglais unilingues. Je devins à 20 ans une combattante acharnée du français, indissociable à mes yeux de la culture française. Voltaire, Diderot, Flaubert, Maupassant et Camus étaient aussi de ma famille, et la France me séduisait et m’attira vers elle... 


J’ai gardé ma passion pour la langue française, mais que me reste-t-il du Québec de l’espérance nationaliste, de la tolérance et de l’ouverture? Pourquoi sa langue est-elle aujourd’hui méprisée par des anglophones, mais aussi par des francophones dédaigneux ou indifférents à nos combats anciens devenus douloureux à vivre? 


Ma Rose, cinq ans, m’a déclaré il y a déjà un an: «Grand-maman, moi, j’adore notre belle langue française. J’ai beaucoup de mots pour parler, mais j’ai envie d’en apprendre des millions d’autres!!» 


Hélas, ma mère n’a pas connu Rose. Mais elle aurait reconnu dans ma propre fierté, sa propre fierté maternelle de m’avoir guidée vers les cieux ensoleillés du français. 


Denise Bombardier

journaliste et écrivaine



Parcours d’un Anglais francophile   


Aussi surprenant que cela puisse paraître, je suis britannique et francophile. En fait, je suis francophile depuis ma plus tendre enfance. Je suis né à Liverpool dans une famille pauvre où les hommes depuis plusieurs générations avaient toujours travaillé aux docks. Cette tradition s’est arrêtée avec moi. Grâce à une institutrice qui m’a enseigné Frère Jacques quand j’avais six ans. 


J’avais huit ans quand, un dimanche matin, le curé a annoncé que la paroisse allait accueillir une chorale de jeunes garçons français. Il cherchait des familles pour les héberger pendant quelques jours. Ma famille en a reçu deux. Ce furent les trois jours les plus exotiques de ma jeune existence. 


Rencontrer de jeunes Français, les accompagner quand ils se rendaient à une répétition, je n’avais jamais vécu auparavant une telle expérience. Pendant trois jours, je me trouvais dans un état d’excitation permanent. Un des deux choristes couchant chez nous nous parlait en anglais. J’étais tellement ébloui que je me suis promis que j’apprendrais le français un jour. C’est une promesse que j’ai tenue. 


Quand je passe en revue mes jeunes années, je constate que c’est l’émotion suscitée par mon premier contact avec la langue française, aussi mince fût-il, et ensuite avec des Français, qui s’est emparée de moi. J’étais donc bien préparé quand je commençais à apprendre le français à l’âge de 11 ans. 


En 1960, ma paroisse a récompensé les servants de messe les plus assidus en leur offrant un voyage à Rome par minibus. Nous étions neuf jeunes et trois adultes, dont un prêtre, mais j’étais le seul à savoir parler français. En neuf mois, j’en avais appris assez pour me faire comprendre en France. Je le constatais chaque fois que je demandais l’heure à un passant. Juste pour le plaisir de converser en français. 


Curieusement, le temps fort de mon voyage ne fut pas la visite de Rome et de ses grands monuments historiques. Ce fut un achat que j’avais fait à Nevers quelques jours avant, mais je ne m’en suis rendu compte que plus tard. J’entrai dans un petit magasin à la recherche d’un écusson de la ville. «Je voudrais acheter ça», dis-je en désignant l’objet. «Celui-ci?» dit la dame derrière le comptoir. «Oui, celui-ci», répondis-je en répétant un mot que je n’avais ni appris ni entendu avant. 


À la rentrée, le nouveau cours de français traitait des pronoms démonstratifs, comme le mot que j’avais appris à Nevers. C’est ainsi que j’ai découvert que la meilleure façon de maîtriser la grammaire française était d’imaginer une situation concrète où je m’en servirais dans une conversation avec un Français. 


Dès lors, le français n’avait plus de secrets pour moi. Muni d’un doctorat de l’université d’Oxford, j’ai passé 25 ans à enseigner le XVIIIe siècle et la littérature québécoise à l’université de Dublin. 


Mon parcours comme professeur universitaire de français aura fait de moi un francophile, mais ma francophilie n’est pas juste intellectuelle. Quand je chante Frère Jacques avec ma petite-fille, Rose, la mélodie déclenche chez moi autant d’émotion que ressentait Proust quand il mangeait une madeleine trempée dans du thé. 


Et ma passion pour le français, c’est aussi ma passion pour la femme que j’ai épousée. Une Québécoise francophone, naturellement. 


James Jackson

historien



Que serais-je sans mots?   





Joël Lemay / Agence QMI




Rien! Rien de ce que je suis, en tout cas. À vrai dire, si je n’avais pas de mots, je ne pourrais ni vous en parler ni même y penser. 


Nous sommes notre langue quand on pense, quand on rêve, quand on se nomme, quand on réfléchit à voix haute ou en silence. 


Chacun de nous n’est rien sans les mots, et en plus, ce qui est fascinant, c’est que les mots n’existent que par les autres. Si nous étions seuls, nous n’aurions pas besoin de mots, ça va de soi. La parole et l’interaction qu’elle permet sont l’essence même de l’être humain et chaque groupe humain se dessine et se nomme par ses mots, par sa langue. Ainsi, ce qui est en nous n’est palpable que par les mots et ce qui est en jeu quand on se porte à la défense de notre langue, c’est l’essence même de notre être individuel et collectif. 


Pour lire la lettre complète de Paul Piché, cliquez ici.



Mon français rapaillé  





Chantal Poirier / JdeM




Mon français abîmé, j’ai mal pour toi, quand je vois une jeune chanteuse à succès qui écrit en franglais, qui commence ses phrases dans la langue de Molière, les termine dans la langue de Shakespeare et au final, parle la langue de Personne/Nobody. 


Mon français écorché, j’ai de la peine pour toi quand Serge Denoncourt, un metteur en scène francophone, qui vient de monter une pièce de théâtre de Michel Tremblay, sort du Théâtre du Nouveau Monde, dans la métropole francophone d’une province d’expression française et qu’il n’est pas capable de se faire servir en français dans un Tim Hortons de l’autre côté de la rue. 


Mon français dépouillé, je m’inquiète pour toi, quand je vois les moins de 20 ans qui se fichent de toi comme de leur première chemise, qui lèvent les yeux au ciel quand nous, les «militants», réclamons, dénonçons, exigeons, bref, que nous sommes des empêcheurs de tourner en rond. 


Mon français altéré, tu te fais enfirouaper, quand tes artistes t’ont abandonné, ignoré, délaissé. 


Mon français égratigné, j’ai mal à toi. Quand je lis sous la plume d’une auteure à succès qu’elle est «flabbergastée» lorsqu’elle reçoit un témoignage d’amour du public, je me dis qu’une femme qui vit grâce aux mots aurait pu piger parmi mille et un choix de vocabulaire : estomaquée, abasourdie, épatée, étonnée, surprise, renversée, bouleversée, touchée, etc. Bref, n’importe quel mot du dictionnaire au lieu du «traduit de». 


Mon français dépiauté, je me fais du souci pour toi quand j’entends disparaître des expressions charmantes, les citations de grands auteurs. Qui, aujourd’hui, dit encore : «conter fleurette» alors qu’on a Tinder? Qui dit encore : «piquer une jasette» quand on a Twitter? Et qui cite encore Montaigne qui expliquait son amitié avec La Boétie: «Parce que c’était moi, parce que c’était lui» à une époque où on n’a qu’à liker son bestfriend sur Facebook ? 


Mon français étiolé, tu te réduis comme peau de chagrin, quand un grand restaurant de 20 000 pieds carrés ouvre ses portes sur la rue de la Montagne, à Montréal et que ses médias sociaux sont uniquement en anglais parce que «que voulez-vous, business talks on Mountain Street». 


Mon français appauvri, tu t’amenuises quand je reçois un communiqué pour m’annoncer une soirée de «bien cuit» dans un gala d’humour et qu’on m’énumère les noms des personnalités qui seront roastées


Mon français, tu glisses, quand l’anglais s’immisce dans tous les interstices. 


Mais mon français, on peut te revigorer, te rabibocher, te rafistoler, te rapiécer. 


Mon français, on peut, non on doit, te rapailler. 


Sophie Durocher

chroniqueuse au Journal de Québec et Journal de Montréal

animatrice à QUB radio



Notre langue, c’est nous   





Photo Stevens LeBlanc




Au gré des années, saison après saison, elle se transforme, elle s’adapte et continue de brandir haut et fort la fierté qui nous habite tous. Jour après jour, un mot à la fois, nous contribuons à l’héritage collectif unique de notre Québec. 


On ne la dit pas, on ne la vit pas, on la ressent. C’est ancré en nous. Au travers des dédales de sa complexité qui forge son unicité, c’est de toutes nos forces que nous devrions crier, jour après jour, notre amour pour celle qui nous rallie. Notre place dans le monde lui est dédiée. Sa renommée n’est plus à faire, c’est à nous de la faire rayonner. Radieuse. Inspirante. Forte. Tant de mots se bousculent pour exprimer l’éventail qu’elle nous offre. 


Pour lire la lettre complète de Bruno Marchand, cliquez ici.



La langue française, c’est notre langue!  





Chantal Poirier / JdeM




La langue française nous unit, nous définit et nous distingue. 


Elle est un précieux héritage qui a aujourd’hui mille accents, de Félix Leclerc, à Dany Laferrière, en passant par Kim Thuy et Richard Desjardins. 


À titre de métropole francophone d’Amérique du Nord, Montréal a à cœur la valorisation et le rayonnement du français dans toutes les sphères de la vie. La langue française constitue d’ailleurs un avantage culturel, économique et social inestimable. C’est pourquoi nous devons en prendre soin. 


Pour lire la lettre complète de Valérie Plante, cliquez ici.



Notre belle langue, une richesse inouïe!   





Photo Chantal Poirier




Ma grand-mère maternelle, née en 1915 à Saint-Georges de Beauce, avait dû quitter l’école après sa sixième année pour s’occuper de ses quatorze frères et sœurs cadets. Quand j’étais petite, elle aimait me raconter sa jeunesse sur la ferme, à trimer dur, à repriser des vêtements, à passer de porte en porte dans le quartier favorisé de la station pour vendre ses choux et ses navets. Elle avait rêvé de grandes études de lettres. 


Grand-maman Marguerite me gardait souvent. On jouait au Scrabble alors que je savais à peine épeler mon prénom (bien sûr, elle jouait à ma place) et je vous jure, elle se réjouissait sincèrement lorsqu’elle gagnait la partie ! Lectrice vorace, elle laissait traîner ses gros volumes dans le salon, dans la salle à manger ou encore sur sa table de chevet, à côté du chapelet. Pour ma grand-mère, les mots, c’était la joie, le jeu, l’évasion. 


Est-ce grâce à Marguerite que la présence des livres me procure depuis toujours autant de réconfort? Je veux vivre entourée de livres, toujours. Les mots qu’ils contiennent sont pour moi autant de promesses de voyages et de liberté. 


Ma grand-mère a quitté ce monde alors que j’entrais dans l’adolescence. J’ai continué de dévorer les livres. J’ai commencé à écrire des chansons. J’ai poursuivi des études en littérature. Un jour, un professeur m’a dit : une langue est une vision du monde. Je ne l’ai jamais oublié. 


En chérissant notre langue, en la connaissant, en la soignant, en la partageant, c’est notre monde que nous embellissons. Nous nous donnons, en la maîtrisant, la liberté de réfléchir et de choisir, car nos pensées se forment avec les mots que nous avons. Savoir analyser, synthétiser, comprendre, argumenter, planifier, imaginer, rêver, chanter : nous le faisons avec nos mots! Les mots détiennent un pouvoir de libération et de guérison extraordinaires. Il faut prendre le temps de bien les choisir, de les apprivoiser. S’exprimer avec justesse peut tout changer. Détruire ou tisser des liens. 


Bien sûr, avec ses exigences, ses caprices et ses exceptions, la langue française nous en fait parfois baver... mais elle nous le rend au centuple! L’histoire fabuleuse qu’elle nous raconte, la musique et la poésie qu’elle nous chante, le caractère, la fougue, le courage et la beauté qu’elle nous révèle de nous-mêmes, fiers gardiens des derniers bastions francophones d’Amérique. 


Vibrante, vivante, libre, colorée, sexy! Notre belle langue française en Amérique demeure, pour nous-mêmes comme pour le monde entier, une richesse inouïe. 


Amélie Veille

auteure-compositrice-interprète



Le français, au-delà des love-in  





Courtoisie




Au Québec, tout le monde dit «aimer» le français, à différents degrés. C’est presque un lieu commun. 


Même parmi les plus fervents haïsseurs de notre loi 101, il s’en trouve encore pour s’autoproclamer «francophiles»... 


Mais alors, que peut bien signifier l’«amour», le vrai, si ce n’est tout d’abord une grande responsabilité, comme dirait le poète? 


Aimer autrui, n’est-ce pas, au minimum, vouloir son bien?


Mieux : c’est y veiller.


Or, on ne peut, en même temps, «aimer» le français et, pourtant, acquiescer à son dépérissement. On ne peut, du même souffle, prôner son salut, mais rejeter les mesures qui, dans notre contexte politique bien particulier, s’imposent à cette fin. 


De nos jours, nul ne saurait minimiser le défi herculéen que représente le combat contre l’anglicisation de notre métropole et de ses banlieues. La gravité de la situation fait que notre langue ne peut plus se satisfaire d’un amour en paroles, d’un amour en bla-bla. Elle en a soupé, notre chère langue française, des love-in rituels, et sans lendemain, que d’aucuns lui réservent en certaines occasions, comme pour se donner des airs de patriotes... 


Plus que jamais, le français réclame de notre part un amour en actes. 


Quelle en serait la meilleure preuve? 


Eh bien, que nos élus au pouvoir se montrent véritablement à la hauteur de leur responsabilité élémentaire à cet égard. Cette responsabilité, cette obligation de résultat qui leur incombe consiste à garantir, pour la suite du monde, ne serait-ce que le maintien de la vitalité observable du français par rapport à l’anglais au Québec ou, préférablement, à susciter sa croissance. 


Pour y arriver, il n’y a pas mille solutions. Il s’agit d’aménager ici un environnement linguistique qui soit à peu près normal – c’est-à-dire qui soit digne d’une société normale... Sachant que «dans une société normale, dixit René Lévesque, elle se parle toute seule, la langue.» 


Tel était bien le but poursuivi par la loi 101 des origines ; la normalité. Hélas, Ottawa en décida autrement. Armé de son arsenal judiciaire et constitutionnel, le «kænədə» n’aura eu de cesse, depuis 1977, de torpiller le monument législatif du docteur Laurin. Au diable, donc, l’espoir d’une vie normale pour le français à l’intérieur du carcan fédéral. 


Au référendum de 1995, 49,42 % des votants optèrent, avec une bonne dose d’amour, pour que le Québec s’extirpe une fois pour toutes de ce carcan, en vue d’accéder à la vraie normalité. Celle des nations libres. Chez les francophones – de naissance comme d’adoption –, pas moins de six sur dix s’exprimèrent en ce sens. 


Depuis lors, la question nationale parut entrer en hibernation, non sans que notre langue en pâtisse. Mais, dernièrement, plusieurs signaux laissent penser que l’hiver tire à sa fin. 


Il serait plus que temps. 


Dans cette perspective, et à la veille de notre fête nationale, j’aimerais donc nous inviter, tous et toutes, à méditer un instant sur le devenir de ce Québec et de cette langue que nous aimons tant. 


Il n’en coûte rien. 


Voulons-nous, oui ou non, aller au bout de cette Histoire d’amour? Au bout de cette responsabilité sacrée dont nous sommes débiteurs envers celles et ceux qui nous succéderont? 


Moi, oui.


Maxime Laporte

président du Mouvement Québec français (MQF)



Une langue en 3D  





Chantal Poirier / JdeM




Avant de rendre hommage à cette belle et ou vaisseau à trois ponts, chargé d’angoisses grande langue, un aveu, une confession. 


Comme tous ceux qui m’écoutent à QUB radio le savent, j’utilise souvent des expressions anglaises pour « faire image » quand je parle. 


Trop souvent.


Beaucoup trop souvent.


«Two wrongs don’t make a right


«Damned if you do, damned if you don’t


«Money talks


Et chaque fois, je m’en veux. Surtout lorsque l’équivalent français existe. Et qu’il veut dire exactement la même chose. 


Mais j’essaie de m’améliorer. 


Un jour, qui sait, je serai peut-être comme Mathieu Bock-Côté, et crierai : «Mais diantre! Ciel d’Afrique et patte de gazelle!» lorsque je me cognerai le pouce avec un marteau. 


D’ici là, je me contente de hurler: «Câlisse!» Mot qui, je tiens quand même à le souligner, apparaît dans le très sérieux Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron. 


Bref, retournons à nos moutons.


La langue française, donc.


La beauté de la langue française.


Dans Madame Bovary, chef-d’œuvre de Gustave Flaubert qui trône au sommet de mon palmarès personnel des plus beaux romans du monde (et que je relis régulièrement, le glissant dans un Playboy pour ne pas paraître snob), l’auteur nous parle d’une femme mal mariée qui s’ennuie à mourir. 


Voici ce qu’il écrit : «Au fond de son âme, elle attendait un événement. Comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l’horizon. Elle ne savait pas quel serait ce hasard, le vent qui le pousserait jusqu’à elle, vers quel rivage il la mènerait, s’il était chaloupe ou plein de félicités jusqu’aux sabords. Mais, chaque matin, à son réveil, elle l’espérait pour la journée.» 


Je vous mets au défi de lire ce passage sans frémir. 


On la voit, la pauvre Emma, les yeux grands ouverts, regardant par la fenêtre, comme un naufragé scrutant désespérément l’horizon! 


N’est-ce pas magnifique? 


C’est ce que j’appelle «écrire en 3D». Avec du relief, des textures, des vallées, des monts. 


Avec des mots qui goûtent, qui sentent. Qui se dévorent, se sucent, se dégustent. C’est ça, la langue française.


Une langue en 3D. 


Même pas besoin de mettre des lunettes. 


Ça vous donne des vertiges, tellement c’est riche. 


Un jour, quand je serai grand, je pourrai peut-être écrire une phrase, une petite phrase, qui ressemblera de loin, de très loin à trois mots alignés par le grand Gustave, qui lisait ses romans à voix haute pour que ses mots aient de la gueule. 


Et on devrait être honteux de parler cette langue? 


On devrait switcher (pardon : passer) à l’anglais dès qu’un vendeur borné nous accueille par un ô combien montréalais «Bonjour / Hi»? 


Non merci. 


Certains se font poser des dents en or pour montrer leur richesse. 


Pour moi, la richesse, la vraie richesse, est de parler avec des mots étincelants, comme mon ami Mathieu. 


Câlisse, que je trouve ça beau!


Richard Martineau

chroniqueur au Journal de Québec et Journal de Montréal

animateur à QUB radio et LCN



Nous parlons un français unique  





Courtoisie




J’aime la langue française, mais c’est surtout le français tel qu’il est parlé au Québec que j’aime profondément. La langue québécoise est bourrée d’expressions qui nous ressemblent, qui parlent à la fois de notre spontanéité, de notre sens de l’humour, de notre tempérament. «Tiguidou», «ben voyons don», «se faire passer un sapin», «se calmer le pompon», «niaiser avec la puck», «avoir de la broue dans le toupet», «en avoir plein son casse»... notre langue parle de l’existence d’un univers mental, conceptuel et émotif qui est le nôtre et qui est unique au monde. 


Au cœur de mon engagement politique, il y a la question du droit, pour cet univers québécois, d’exister dans le monde, également de son droit à une pérennité. Célébrer la langue française au Québec, c’est à mes yeux célébrer sans aucune gêne que nous parlons un français unique au point que nos cousins d’Europe ont souvent de la difficulté à nous comprendre. Et nous ne devrions jamais avoir honte de cette différence, de ce bagage. 


Combien de fois avons-nous entendu, au cours des dernières années, l’argument selon lequel avant d’envisager de protéger le français, il faudrait commencer par le parler correctement? Le français de mes aïeux – qui, pour reprendre l’expression de Dégénération, ont passé leur vie à «ramasser des cennes noires» et n’avaient même pas «une neuvième année forte» – n’est peut-être pas le français du prestige européen, mais c’est mon français, c’est ma langue. 


Quand je pense à notre désir de protéger notre langue et à notre façon unique au monde de nous exprimer, il me vient toujours en tête cette phrase si juste de Pierre Bourgault : lorsque nous défendons le français chez nous, ce sont toutes les langues du monde que nous défendons contre l’hégémonie d’une seule. Car n’oublions pas que le peuple québécois ne défend jamais que sa langue. Il défend le droit de tous les peuples de la terre à bâtir leur monde dans les langages qui les habitent, de faire les choses à leur manière, de vivre comme ils l’entendent. 


Ainsi, défendre le français, ce n’est jamais se fermer aux autres, comme ne cessent de l’affirmer malhonnêtement certains. C’est défendre la différence des peuples, se faire le fer de lance de la diversité culturelle mondiale. C’est perpétuer cette fantastique aventure d’une petite nation aux portes de l’un des plus grands empires culturels de l’histoire de l’humanité. 


C’est rappeler, comme l’écrivait à juste titre René Lévesque, notre obstination collective qui a permis de conserver vivante cette partie d’Amérique qu’on appelle le Québec. Célébrons-la, notre langue, et donnons-nous la mission de la faire connaître au reste du monde, en accordant à notre culture et au pays qui existe déjà dans nos cœurs le droit d’exister pour de bon et de fleurir pour toujours. 


Bonne fête nationale à tous! 


Paul St-Pierre Plamondon

Chef du Parti Québécois









Langage est un pays nomade et sédentaire!


Les mots... ses habitants, font le tour de la terre.


Si tu les reconnais, si ces mots sont les tiens,


Ils sont ton passeport... ce pays t’appartient!


Le pays de chacun est une étrange chose


Qui dort de longs hivers comme au jardin, la rose. Puis s’éveille au printemps quand j’allais l’oublier Composant un jardin nombreux et singulier


Il est tout à la fois : maison, jardin, navire,


L’océan, la fontaine et l’arbre et le papier.


À peine ces mots-là sortis de l’encrier,


J’entends le vent qui chante. Une voile qui vire M’invite à préparer le voyage au long cours...


Que proposent les mots sur la planète entière


Dans l’espace et le temps, sans souci des frontières... Faut-il partir de nuit ? À la pointe du jour?


La nuit fait un miroir de la moindre fenêtre


Et me fait voir les mots par lesquels me connaître.


À l’aube... on se croit bien attendu quelque part. Lutèce, Athènes, Rome... était-ce mon histoire?


Le mot LANGAGE, immense et profond territoire, Me dira d’où je viens, où je vais... et je pars! 





Photo d'archives





Gilles Vigneault, 3 septembre 2021

* «Comme un prologue», Gilles Vigneault, livret de l’album Comme une chanson d’amour (2021)


Célébrons notre nation, célébrons notre langue  





DIDIER DEBUSSCHERE/JOURNAL DE QUEBEC




Nous célébrerons bientôt la fête nationale du Québec. Aux quatre coins du Québec, de la Gaspésie aux Laurentides, en passant par Chaudière-Appalaches et la Montérégie, par les Îles-de-la-Madeleine et l’Estrie, les Québécoises et les Québécois se réuniront, s’exclameront, chanteront, festoieront. Et ils le feront en français. 


S’il est possible aujourd’hui de célébrer notre nation et de le faire dans notre langue officielle et commune, c’est grâce au travail acharné d’un peuple déterminé à être et à demeurer lui-même. Les Québécoises et les Québécois forment un peuple uni et fier s’étant tenu debout et ayant relevé les défis politiques, économiques, juridiques et démographiques qui ont parsemé sa route. 


Il aura fallu beaucoup de ténacité, d’audace et de patience à nos ancêtres pour édifier le Québec français que nous connaissons et que nous aimons. 


La langue française est le point d’ancrage de notre nation. Elle nous permet de nous définir collectivement et d’exprimer fièrement notre identité. Elle est à la fois ce qui nous distingue en Amérique du Nord et ce qui nous unit à plus de 250 millions de locuteurs à travers le monde. 


Elle porte avec elle notre histoire, nos convictions, nos valeurs et nos aspirations. 


Il est de notre responsabilité, de notre devoir à tous, de la protéger et de la garder bien vivante afin que notre avenir et celui de ceux qui nous succéderont puissent continuer de s’écrire en français. Le gouvernement du Québec doit agir comme chef de file et être le principal gardien de notre langue. Trop longtemps cette responsabilité n’a pas été assumée, condamnant ainsi le français au déclin et à la précarité. 


À travers ce vaste continent, la langue française sera toujours vulnérable et nous devrons toujours être vigilants. Le gouvernement du Québec doit déployer tous les efforts et se doter des meilleurs outils pour assurer la pérennité de notre seule langue officielle et commune, le français. 


Soyez assurés de trouver en moi un défenseur indéfectible et inébranlable de notre langue. 


Pour que, demain encore, il nous soit possible de célébrer notre nation en français. 


Simon Jolin-Barrette

ministre de la Justice et procureur général du Québec

ministre de la Langue française



Langue française: nous continuerons le combat, Monsieur Lévesque!   





Chantal Poirier / JdeM




La langue française n’est pas une langue simple à manier. Je peux en témoigner avec ma dysphasie (trouble de développement du langage) que j’ai su résorber avec l’aide de professionnels tels que des orthophonistes et mes enseignantes, entre autres. D’ailleurs, je remercie celles-ci de m’avoir aidé à relever ce défi. Ce n’était pas facile de m’apprendre à prononcer, entre autres, les «s» et les «r».


Grâce à elles, j’ai pu apprendre à parler ma magnifique langue maternelle qui a su traverser l’océan Atlantique et les époques. 


Cette langue aux richesses de ses accents, de son histoire, de son vocabulaire et de ses expressions colorées fait monter en moi un amour profond pour elle. Non seulement elle m’est nécessaire pour vivre et m’épanouir dans mon pays, mais elle est aussi la langue commune de mon peuple qui a lutté contre l’assimilation. 


La langue française est ce qui me permet d’interagir avec mes frères et sœurs québécois de toutes provenances, et c’est l’élément fondamental qui nous différencie du reste de l’Amérique. Jamais, je ne renoncerai à toute cette richesse dont nous sommes les seuls à profiter sur notre continent. 


Je dédie à René Lévesque cette victoire de la langue française comme langue commune et d’inclusion des Québécois de toutes origines jusqu’à aujourd’hui. Il fut l’homme qui a inspiré les Québécois à voir grand et surtout à voir en leur langue un avantage de s’ouvrir sur le monde comme on ne l’avait jamais fait auparavant. L’adoption de la Charte de la langue française en 1977 fut le tournant d’un «temps nouveau» dans la relation qu’ont les Québécois avec cette langue aux «accents d’Amérique». 


Toutefois, nous savons que pour des raisons géographiques, la langue française devra toujours être défendue, à chaque génération de Québécois qui prendra sa place au sein de notre société. C’est ce qu’a fait René Lévesque en son époque. Je suis certain que les jeunes de ma génération reprendront tôt ou tard le flambeau de la lutte pour la diversité culturelle que la survie de notre peuple représente, et ce, comme l’ont fait les générations précédentes. 


Nous continuerons le combat, Monsieur Lévesque! 


Jessy Gareau

diplômé du Centre collégial de Mont-Laurier en sciences humaines

et actuellement étudiant à l’UQAM



J’aime la langue française parce que c’est une langue qui goûte bon  





Chantal Poirier / JdeM




Ma grand-mère maternelle était québécoise francophone. 


Elle s’appelait Henriette Lépine. 


Ma grand-mère ne m’aura jamais entendu ni parler ni chanter en français. 


Je pense à elle. 


Elle rougirait de bonheur aujourd’hui de voir son petit-fils honoré de cette façon. 


À l’âge de 20 ans, sans pour autant quitter ma famille irlandaise d’origine, je me suis donné en adoption à la grande famille québécoise francophone et j’ai été bien accueilli. 


J’ai vécu, à ce moment-là, une renaissance heureuse et bénéfique. 


Une révolution intérieure profonde, sereine et tranquille. 


Richard Desjardins a déjà dit de moi : «Jim Corcoran, y’a appris l’français. Y’en est jamais revenu...!!» 


C’est juste... Merci, Richard. 


Je remercie les gens de Sherbrooke, ma ville natale, qui m’ont toujours aidé et encouragé dans mon apprentissage de la langue, de la culture et des traditions québécoises. 


C’est à Sherbrooke que j’ai appris ce qu’étaient un public, un concert, une chanson, une carrière. 


Carrière...


Je n’ai jamais eu un plan de carrière.


J’ai toujours été attentif, réceptif, étonné même devant les fabuleuses propositions qu’on me faisait. 


V’là une trentaine d’années, André Gagnon m’a proposé un rôle dans son opéra romantique Nelligan


Plus récemment, on m’a invité à chanter Gaston Miron avec les Douze hommes rapaillés


Et il y a deux ans, Gilles Vigneault m’a proposé la réalisation de son plus récent disque: Comme une chanson d’amour


Quand je dis que j’ai été bien accueilli dans cette grande famille québécoise, vous voyez bien ce que je veux dire. 


Je remercie aussi mes si généreux professeurs de français qui ont compris l’urgence et la volonté qui m’habitaient de bien apprendre, bien. Comprendre et bien utiliser cette langue latine complexe et si capricieuse. 


À force de me faire si souvent poser la question sur le pourquoi de ma fascination et de mon attachement à la langue française j’ai voulu, un jour, en finir avec la question en répondant ainsi : 


«J’aime la langue française parce que c’est une langue qui goûte bon et je m’accuse de m’en être servi, parfois seul, parfois avec d’autres, mais toujours pour le plaisir de son mouvement dans ma bouche et dans mes oreilles. Toutes les langues peuvent goûter bon. Question d’hygiène... d’entretien... et de bon usage...» 


Un grand merci aussi au légendaire chroniqueur sportif René Lecavalier... Cet orfèvre de la langue française. 


J’écoutais des matchs de hockey surtout pour l’entendre. 


Sa diction impeccable, la richesse de son vocabulaire si précis et si fabuleux, René Lecavalier m’a marqué, motivé et formé. 


Pendant 30 ans j’ai été animateur-scripteur de l’émission À propos sur CBC, le réseau anglais de Radio-Canada. 


Une autre magnifique proposition. 


Chaque semaine je présentais et je célébrais la nouvelle chanson francophone d’ici. 


J’ai eu le bonheur de rencontrer et de me lier d’amitié avec de jeunes artistes exceptionnels qui sont en train de façonner une nouvelle chanson francophone actuelle et éminemment nord-américaine. 


Depuis 1973, on m’a permis de documenter ce qui me plaisait, de dire ce qui me préoccupait et d’en faire une œuvre écrite et chantée... en français. 


On m’a accordé une place parmi les partisans de la chanson francophone d’Amérique. 


J’en suis heureux, honoré... reconnaissant. 


Je suis fier de mes origines irlandaises et tout aussi fier de chanter, de célébrer et de défendre la langue de Miron... La langue de Vigneault... 


De persister et de soigner... ma plume. 


*Discours prononcé par Jim Corcoran, auteur-compositeur-interprète, lors de la remise du Prix mérite du français dans la culture en avril dernier.


La langue qui nous rassemble   





Photo d'archives, Stevens LeBlanc




La langue française est au cœur de qui nous sommes. Le français que nous partageons a été le véhicule de notre histoire. Aujourd’hui, il fait partie de notre vivre-ensemble. Il est un point d’ancrage et de rassemblement autour duquel les Québécoises et Québécois de tous les âges, de toutes les origines et de toutes les régions peuvent se rassembler pour bâtir le Québec de demain. 


Alors que les francophones demeurent une minorité en Amérique du Nord, la protection de la langue française au sein du Québec reste une priorité pour toutes et tous. En 1974, le Parti libéral du Québec, alors dirigé par Robert Bourassa, faisait du français la langue officielle du Québec. Cet événement est devenu la fondation de qui nous sommes aujourd’hui. Plus encore, cet événement est devenu un engagement collectif dans une perpétuelle vigilance pour assurer non pas seulement son maintien, mais aussi sa vitalité tant dans les arts et la culture que dans l’espace public pour ainsi favoriser l’affirmation d’une société juste, prospère et inclusive. 


Si les mesures dans lesquelles nous nous engageons doivent indéniablement être affirmées et fortes, elles doivent se faire dans le respect de tous les Québécoises et Québécois avec qui nous travaillons main dans la main, non pas en confrontation, afin de protéger et de promouvoir notre langue. De cette façon, la protection du français doit s’ancrer dans une démarche fondamentalement rassembleuse, plutôt qu’être utilisée comme un instrument de division sociale. 


Si le Québec est riche des gens qui le composent, la différence ne doit pas être positionnée comme une menace à la survie du français ni à la nation québécoise. Au Parti libéral du Québec, nous croyons que pour protéger notre langue nous devons être 8,5 millions à le faire. Nous croyons à une approche qui nous rassemble, et non à ce qui nous divise. 


C’est dans cette ouverture vers l’autre et vers le monde que le français sait si bien nous réunir. Parce que c’est en ralliant toute une société qu’ensemble, nous pourrons agir pour le français afin de léguer aux générations futures une société battant au rythme d’une langue forte et vigoureuse, aux accents bien de chez nous. 


Dominique Anglade

Cheffe du Parti libéral du Québec



Le français, la langue de la solidarité  





Courtoisie




Pourquoi protéger le français? Pour la plupart d’entre nous, la réponse vient du cœur. Le français est la langue que j’aime et c’est en français que j’aime, que je borde ma fille et que je chuchote des mots doux à mon amoureuse. C’est en français qu’on raconte notre histoire et nos histoires, qu’on chante en chœur, tout le monde en même temps, la veille de la fête nationale. Le français met l’accent sur la richesse de notre culture et l’extraordinaire diversité du peuple québécois: qu’on le parle avec l’accent du Chili ou du Lac-Saint-Jean, c’est en français qu’on se comprend et qu’on se mêle au «nous» collectif. 


Parler français dans notre coin d’Amérique a toujours été un geste de résistance indissociable des revendications sociales et économiques du peuple québécois. Sur les planchers des usines, le français était la langue de l’ouvrier et l’anglais, celle du contremaître, du «boss». À l’époque de mon grand-père, électromécanicien de l’Alcan à Arvida, «I don’t speak English» rimait avec promotions refusées. Je l’ai appris adolescent, quand mon père m’emmenait dans ses assemblées syndicales. On ne peut pas raconter l’histoire de la loi 101 sans raconter le rôle joué par les travailleurs et les travailleuses pour le droit de travailler dans leur langue. Si «je parle français» est devenu synonyme de justice sociale, si ma génération a le droit de travailler en français, c’est grâce aux combats de nos parents, de nos grands-parents. Ne l’oublions pas. 


Protéger le français à l’ère de la mondialisation et de la pression toujours plus grande exercée par la «langue des affaires», c’est reconnaître que la discrimination linguistique existe encore sur les milieux de travail. Comme le soulignait le député poète Gérald Godin, «c’est dans le milieu de travail que la langue se fait vraiment et c’est là qu’elle se crée, qu’elle meurt ou qu’elle se renouvelle, qu’elle rajeunit ou qu’elle vieillit». Certains politiciens pointent du doigt les nouveaux arrivants pour le déclin du français: les faits racontent une autre histoire. Les immigrantes et les immigrants font des pieds et des mains pour apprendre le français et la grande majorité d’entre eux le parle, malgré les obstacles. Peut-on en dire autant du PDG d’Air Canada? 


Au lieu de pointer du doigt, rassemblons. Responsabilisons et accompagnons les entreprises, donnons-leur un plus grand rôle auprès de leurs employés. Enlevons les obstacles qui empêchent encore trop de gens d’avoir accès à la francisation. En cette fête nationale, parlons la langue de la solidarité : c’est la seule façon d’assurer l’avenir de notre langue commune. 


Gabriel Nadeau-Dubois

Chef parlementaire de Québec solidaire



Cultiver la fierté de notre langue auprès des jeunes  





Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC




Comme je me plais à le répéter toutes les fois où j’en ai l’occasion, j’ai eu l’extrême privilège, au cours de ma carrière, d’exercer le plus beau métier du monde, à savoir l’enseignement du français qui m’a ouvert les portes toutes grandes sur la transmission de la fierté de notre langue à mes élèves.


D’entrée de jeu, assez tôt au début de l’année scolaire, j’amenais mes élèves dans une incursion dans une petite histoire du franco-québécois dans le but de leur faire réaliser toutes les embûches que notre langue a dû surmonter avant de devenir ce qu’elle est aujourd’hui, une langue fière et belle. Mon objectif était simple: on ne défend bien que ce que l’on connaît bien.


Pour lire la lettre complète d'Henri Marineau, ex-enseignant de français au secondaire, cliquez ici.



Protéger notre langue: un engagement de tous les jours  





Pierre-Paul Poulin / Le Journal de Montréal / Agence QMI




Il y a toutes sortes de choses difficiles à trouver dans ce monde. 


Certains s’efforcent de chercher midi à quatorze heures, d’autres d’éplucher les bottes de foin à la recherche d’une aiguille. Ces battues sont laborieuses, mais elles présentent ce petit quelque chose de ludique pour ceux qui tentent jusqu’au soir de leur existence de découvrir carrément un sens à leur vie. 


Moi, j’ai eu la chance de trouver un sens à ma vie, un soir d’automne en 2011, à l’intérieur d’un petit livre modestement rangé dans la bibliothèque de mon père. En dévorant les pages de Rien n’est plus précieux que la liberté et l’indépendance, de Pierre Falardeau, je compris que dans ce monde, il fallait se tenir debout, se battre pour ses idées. Je compris aussi que les luttes étaient parfois longues et difficiles, que cela prenait du courage pour s’accrocher, qu’il fallait pour ce faire demeurer humble face à l’histoire longue, accepter de n’être qu’un détail d’une expédition qui nous dépasse. 


Près de dix ans plus tard, la philosophie de Falardeau oriente toujours le cours de ma vie. Je conçois la bataille pour la protection du français comme un engagement de tous les jours, un salut aux ancêtres, une éthique de vie, mais surtout la transmission d’un héritage de battant pour les enfants que j’aurai et ceux qu’ils choisiront peut-être de mener au monde. 


Certains pourraient poser un regard condescendant sur mon engagement, prétendre qu’il est voué à l’échec. D’autres, un peu plus sympathiques à ma cause, seraient tentés d’y voir un sacrifice. Pour des raisons différentes, ces gens auraient tous tort. 


Dans Raisons communes, Fernand Dumont se demande s’il existe «meilleur divertissement que la passion des tâches inachevées». Cette question m’obsède et alimente mon engagement. Le sens à ma vie se trouve donc dans cette tâche inachevée et inachevable qui consiste à défendre le français en Amérique. 


Pensons-y: bientôt, parce que certains jours ne savent qu’arriver, le Québec sera indépendant. Il y aura alors normalement des célébrations pour souligner l’arrivée à ce qui commence, comme disait Miron. Sauf qu’au lendemain de ces célébrations, parce que le Québec existera désormais pleinement sur un territoire de près de 400 millions d’anglophones, il faudra continuer de se battre pour la langue française. Nous n’aurons jamais vraiment de répit. C’est précisément cette conjoncture qui nous maintient et qui nous maintiendra vivants. 


Il n’y a donc pas meilleur divertissement qu’un engagement quotidien. 


Ceux qui nous regardent de haut et qui affirment que le français est destiné à une mort certaine ne savent pas ce que nous sommes prêts à faire par passion. Nous sommes familiarisés avec la défaite, nous avons même déjà côtoyé l’ombre du désespoir et de grandes vagues d’épuisement, mais notre histoire est catégorique: n’en déplaise à nos adversaires, nous ne savons pas ce que c’est que renoncer. 


C’est pourquoi nous continuerons de donner un sens à nos vies en nous battant pour le français. 


Et nos enfants découvriront eux aussi le goût de l’inachevé. 


Rémi Villemure

auteur et étudiant à la maîtrise en histoire









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