«Yes, we can too»

Quant à la politique étrangère du Canada, si tant est qu'il y en ait une, on peut faire confiance à M. Lawrence Cannon, le maître du bla-bla-bla.

"Crise dans le monde arabe" - Maghreb


Ces mots étaient écrits exactement comme ça, sur une banderole que portaient deux Égyptiens au cœur de la place Tharir, au Caire, il y a quelques jours. C'était juste avant que la violence n'éclate et qu'on réalise que le gouvernement Moubarak avait finalement trouvé des appuis dans la population.
Les partisans de Moubarak ont mis du temps à se manifester, mais dès mercredi, ils ont remis les vieilles méthodes à l'ordre du jour et ont tapé sur tout ce qui bougeait. Après neuf jours de manifestations paisibles, impressionnantes et efficaces de la part de ceux et celles qui réclamaient le départ de Moubarak, cet homme qui tient le pays d'une main de fer depuis 30 ans, les enragés du statu quo sont arrivés. Et le sang a coulé.
La banderole était un formidable clin d'oeil plein d'humour et d'espoir envoyé au président américain Barack Obama, histoire de lui faire comprendre que la révolution qui se déroulait sous ses yeux, par le biais de la télévision, était inspirée de ses propres paroles, de son désir de voir tous les peuples vivre en démocratie, assurés de la liberté dont l'Égypte était privée depuis si longtemps. «Yes, we can too.» Avec la certitude que les États-Unis ne pouvaient qu'être sensibles à cette petite phrase qui devait rassurer les Américains et leur faire comprendre que le peuple égyptien était enfin debout. Remplis d'espérance, les Égyptiens appelaient au secours.
C'est l'hésitation américaine qui a jeté la douche froide sur ceux qui menaient la lutte avec détermination, mais avec patience aussi. Il nous a fallu à tous quelques jours pour nous souvenir que les Américains ont «des intérêts» qui souvent ne concordent pas avec leur message de démocratie et de liberté. Ils jouent à mener le monde comme ils joueraient une partie d'échecs. Leurs «besoins» passent avant les revendications des autres peuples. Leur politique internationale est trop souvent dictée par leurs besoins en pétrole, leur choix de déléguer à des marionnettes qui sont à leur service le soin de contrôler toute volonté des peuples à redresser la tête et à prendre leur avenir en main.
La seule bonne chose qui soit sortie de l'aventure égyptienne jusqu'à maintenant est le fait que plusieurs Américains ont réalisé pour la première fois que leur gouvernement fait vivre des dictateurs à travers le monde avec l'argent qu'on leur envoie chaque année pour bien s'assurer de les maintenir en poste. Quand le cas de l'Égypte aura été réglé d'une façon ou d'une autre, il se pourrait que certains d'entre eux aient envie de poser plus de questions sur la politique étrangère des États-Unis.
Quant à la politique étrangère du Canada, si tant est qu'il y en ait une, on peut faire confiance à M. Lawrence Cannon, le maître du bla-bla-bla. On a souvent l'impression que le Canada n'existe plus sur le plan international. Disparu de la map. Sans opinion, sans objectif, sans véritable influence, sans solution, incapable de se démarquer ou même de faire bouger les choses. Rapatrier les citoyens canadiens coincés en Égypte... une véritable épopée.
Les Égyptiens, eux, auront compris que les dés sont pipés. Ils vont probablement devoir se rendre à l'évidence que les États-Unis ne souhaitent pas soutenir leur mouvement de libération. Pas en ce moment du moins. Peut-être changeront-ils d'avis dans quelque temps, quand toute la région aura pris les rues d'assaut afin de faire valoir son droit à un choix de gouvernement, un droit que les Américains défendent si farouchement pour eux-mêmes.
La révolte égyptienne était spontanée. Aucun groupe n'en a revendiqué l'organisation. C'est à la fois sa force et sa faiblesse. Sa force parce qu'elle est vraiment née du peuple lui-même. Sa faiblesse parce qu'il est arrivé un moment où il a bien fallu se demander qui remplacerait le président Moubarak et qu'aucun nom ne pouvait être avancé comme un choix qui rassemblerait la majorité de la population.
Quelle sera la fin de l'histoire? Personne n'en sait rien. Chaque jour apporte des perspectives tout à fait nouvelles. Combien de temps les Égyptiens peuvent-ils tenir? Impossible de le dire. La violence peut-elle conduire à une guerre civile? Quel rôle joue véritablement l'armée? La police? Quel autre peuple envisage de descendre dans la rue à son tour?
Moi, j'ai vécu ma première révolution en direct à la télévision, grâce aux images de CNN. C'est évident qu'il y aura d'autres soulèvements dans les semaines à venir. J'ai constaté les limites de nos services d'information. On a beau avoir deux diffuseurs d'information continue en français au Québec, ce n'est pas chez eux qu'on peut comprendre ce qui se passe en Égypte. Il ne suffit pas d'envoyer un correspondant sur place. Il faut beaucoup plus, surtout quand le monde est en train de changer sous nos yeux. Pierre Nadeau me manque.


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