L'Occident se méfie des démocraties naissantes

"Crise dans le monde arabe" - Maghreb



Fouad Sahyoun Né en Palestine, l'auteur a grandi en Égypte.* - À la suite du départ des troupes anglaises de la terre d'Égypte après la Deuxième Guerre mondiale, suivi du renversement militaire du roi Farouk, se sont succédés trois dictatures: celle du jeune officier de l'armée Gamal Abdel Nasser, décédé d'après les rumeurs d'un empoisonnement, puis du général Anouar el-Sadate, signataire de la paix avec Israël, décédé d'une balle dans la tête, et finalement du général Hosni Moubarak expulsé du pouvoir par Facebook.
Ce renversement, tellement spectaculaire, nous force à repenser nos politiques envers le Tiers-Monde. Ces dictatures multiples dans la majorité des pays arabes n'auraient jamais survécu sans le support financier et physique des puissances occidentales.
La fin du colonialisme après la Deuxième Guerre mondiale ne s'est faite que physiquement, puisque les puissances occidentales se sont dotées de moyens sûrs pour continuer à maîtriser les pays desquels ils se retiraient.
Premièrement, les frontières ont été tracées en vue de mieux contrôler les intérêts économiques, en prépondérance l'extraction du pétrole ainsi que l'accès aux marchés de consommation. Le Koweït est un flagrant exemple. Ce pays a été soustrait de l'Irak, malgré une population d'une centaine de milliers d'habitants, mais d'une réserve pétrolière considérable. La Palestine a été sectionnée en deux grâce aux efforts de notre ex-premier ministre Lester B. Pearson, récipiendaire du prix Nobel de la paix.
Deuxièmement, il était important de donner support à des dictateurs en dédaignant les aspirations des peuples de la région. Le président Moubarak lui-même était un promoteur de cette politique. Durant l'ère postcoloniale, les puissances occidentales préféraient traiter avec des individus qu'ils connaissent plutôt qu'avec des démocraties «tournantes». Nous avons récemment vu la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, prise au dépourvu, qui assurait le monde que le régime égyptien était stable alors que le soulèvement populaire venait à peine de commencer.
Quand la démocratie s'installe, les puissances occidentales se méfient du choix du peuple, difficile à prévoir; d'où la peur de la présence des Frères musulmans. Les dernières élections palestiniennes, décrites par l'ex-président américain Jimmy Carter comme étant des plus transparentes, ont porté le parti du Hamas au pouvoir après qu'elle ait obtenu une majorité des sièges au parlement.
Le Canada a été le premier pays à boycotter ce gouvernement en gelant l'aide financière et en empêchant tout contact avec ses membres. Quant à Israël, elle a carrément emprisonné un grand nombre de députés et de ministres sans aucune objection du monde occidental.
Que fera donc le gouvernement Harper si les Frères musulmans remportent un grand nombre de sièges aux élections égyptiennes à venir?
Il est temps de libérer nos dirigeants au Canada et ailleurs des désirs de répression des aspirations des peuples du Tiers-Monde. Une fois libres, ces sociétés seront plus portées à s'intégrer socialement et économiquement au reste du monde. Dans un monde juste et paisible, la pauvreté sera combattue et le champ ne sera plus fertile au recrutement de terroristes. La globalisation portera fruit aux pays développés tout comme aux pays du Tiers-Monde.
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* L'auteur a travaillé aux Nations unies à New York et Genève, puis pour des multinationales dans les pays du Golfe Persique et au Liban, avant de venir s'installer au Canada en 1990.


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