« J’aime bien lire vos chroniques, mais là je ne vous suis pas quand vous parlez des migrants irréguliers alors qu’il s’agit carrément d’illégaux. »
C’est ainsi que j’ai été interpellée par une sympathique lectrice du Journal, lors d’un événement public, samedi dernier. Et elle n’était pas la seule à m’en faire amicalement la remarque.
Ce n’est pas ceux que l’on croit
Oui, il y a des immigrants illégaux au Québec et au Canada, mais ce ne sont pas nécessairement ceux que l’ont croit.
Aux États-Unis, on en dénombre 11 millions. Le président Trump a menacé de les expulser. En Europe, ce sont des ressortissants étrangers qui y entrent clandestinement et y vivent, sans papiers, dans une extrême vulnérabilité.
Par contre, les migrants irréguliers du chemin Roxhan, à Lacolle, sont entrés en plein jour et avaient leurs papiers d’identification. Ils ont été accueillis par des agents du gouvernement fédéral qui les ont confiés aux bons soins du gouvernement du Québec.
On ne peut pas les blâmer de vouloir améliorer leur sort et celui de leurs enfants quand l’invitation leur a été adressée par le premier ministre du Canada, Justin Trudeau.
Combien y a-t-il d’immigrants illégaux au Canada ? D’où viennent-ils ? Comment vivent-ils ? Quelle menace font-ils peser sur la sécurité du pays ? C’est le secret le mieux gardé.
On ne dispose pas de données statistiques ni d’enquête sérieuse à ce sujet. Selon des chercheurs cités par Radio-Canada, il y aurait entre 200 000 et 500 000 immigrants illégaux au pays.
Pour en dresser le portrait, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) se base sur un indicateur approximatif, celui du nombre d’immigrants condamnés à la déportation.
Elle a estimé le nombre de ces derniers à près de 19 000, en 2012, et à plus de 15 000, l’année dernière (CBC, 20 novembre 2017). Selon cette même source, « de 11 % à 15 % des étrangers expulsés entre 2011 et 2015 étaient des criminels » (Radio-Canada, le 2 décembre 2016).
Le désenchantement
Quel que soit le poste frontalier par lequel passent les demandeurs d’asile, de façon régulière ou irrégulière, ils doivent tous se présenter en audience devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) et faire la démonstration que leur vie ou leur sécurité sont menacées.
Or, la plupart des revendicateurs de statut de réfugié ne passent pas le test de cette étape cruciale où les dossiers sont examinés cas par cas. Plus de la moitié d’entre eux échouent à en faire la preuve et sont déboutés.
Dans le cas des migrants qui avaient pris d’assaut la frontière canado-américaine, l’année dernière, et ceux qui continuent d’affluer, le désenchantement sera très grand.
Les données régionales de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié, pour l’Est, dont fait partie le Québec, le démontrent clairement. Sur les 20 393 demandes de réfugiés reçues par la Commission, seuls 3409 dossiers ont été acceptés, 1844 ont été rejetés et 19 679 étaient encore en instance de traitement le 31 décembre 2017.
Il est possible de se prévaloir du droit d’appeler de la décision de la Commission ou de se désister en cours de route, mais tous ceux qui ont été refusés doivent impérativement quitter le territoire canadien dans un délai prescrit, sinon ils s’exposent à l’expulsion.
Et c’est là que certains immigrants déboutés tentent le tout pour le tout et prennent le risque de vivre au Canada, sans papiers.
Il est fort probable qu’une fois refusés, certains migrants du chemin Roxhan deviennent des illégaux. Ils le seront non pas parce qu’ils auraient franchi la frontière de façon irrégulière, mais parce qu’ils ne se qualifient tout simplement pas comme réfugiés.