Vers un regain démocratique ?

Élections fédérales du 14 octobre 2008


Quatre citoyens sur 10 ne croient pas que la tenue d’élections générales s’imposent, et deux autres sont embêtés par la question. Tirées d’un sondage Ipsos-Reid effectué à la mi-août, ces données alimentent les pires craintes quant à la participation électorale.

Depuis 20 ans, la participation des citoyens aux scrutins fédéraux a décliné d’une manière très inquiétante : 75 % en 1988, 71 % en 1993, 67 % en 1997, 64 % en 2000, et 61 % en 2004 ! Les plus hauts taux de participation de l’histoire politique canadienne ont été enregistrés à la fin des années 50 et au début des années 60.
Cette tendance lourde n’est cependant pas strictement canadienne. Dans bien des démocraties, des déclins semblables ont été enregistrés. Et ce ne sont pas que les votes qui soient en cause : le « membership », le financement populaire et la capacité à mobiliser ont été emportés par cette dégringolade.
Même si la causalité n’est pas nette, on associe souvent cette désaffection à la méfiance des électeurs à l’endroit de la classe politique. Ainsi, au milieu des années 60, les deux tiers des Américains estimaient que la plupart des élus se préoccupaient réellement du sort de la population ; 30 ans plus tard, il n’y avait plus qu’un Américain sur trois à être de cet avis.
En ne considérant ce phénomène que sur le long terme, on peut craindre que le prochain scrutin fédéral soit marqué par un absentéisme encore plus prononcé.
Écrans radars
Et pourtant, les écrans radars montrent l’émergence de phénomènes encourageants. Le premier signe de regain démocratique est sans aucun doute celui qui marque les élections présidentielles américaines. Lors des caucus et des primaires qui se sont échelonnés de janvier dernier au début de l’été, c’est quelque 50 millions d’Américains qui se sont exprimés. Du jamais vu ! Presque 15 millions de plus qu’en 2000, alors que les deux partis cherchaient aussi à choisir leurs chefs. Le grand rendez-vous démocrate au stade de Denver est aussi un signe. Qui aurait cru que les politiciens susciteraient à nouveau l’enthousiasme ?
Si cette tendance n’était qu’américaine, on pourrait croire qu’elle relève du double phénomène Obama/Clinton. Or, la France a montré un regain semblable. Lors des élections présidentielles de 2007, 84 % des électeurs se sont rendus voter, ce qui représente une quinzaine de points de plus qu’en 2002. Et des hausses, bien que moins spectaculaires, ont aussi été enregistrées au Royaume-Uni, en Pologne, en Suède, en Suisse et en Norvège. Le scrutin présidentiel russe de 2007 a également montré une croissance du taux de participation. Au Japon, en 2005, la hausse fut de huit points !
Sur les écrans radars, des signaux encourageants proviennent aussi du Canada. En janvier 2006, lors du tout dernier scrutin, le taux de participation avait montré des signes de redressement puisque la participation avait gagné quelques points, passant de 61 % à 65 %, et ce, en dépit de sa tenue en plein hiver.
Qu’adviendra-t-il cette fois ? Difficile de le prédire. À tout le moins, rien n’autorise un pessimisme catégorique. Si trois des quatre chefs sont les mêmes que lors du dernier scrutin, les partis présentent des programmes assez démarqués, voire opposés, ce qui est un facteur d’intérêt. Les partis devront aussi trouver des moyens originaux pour rejoindre les électeurs, les jeunes en particulier.
Et si le taux de participation devait chuter d’une manière marquée, il faudra se rappeler la sévère mise en garde de Jean-François Revel : « L’humanité de demain est condamnée à la démocratie, parce que, sans la démocratie, elle est condamnée tout court. »
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Jean-Herman Guay
L’auteur est professeur de sciences politiques à l’Université de Sherbrooke et directeur de l’École de politique appliquée.


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