Vente de l’Alcan et de Van Houtte : la recolonisation du Québec se poursuit

Économie - Québec dans le monde

La vente de l’Alcan et de Van Houtte à des intérêts étrangers soulève toute la question de la propriété étrangère de l’économie québécoise et canadienne
Alors que d’autres pays beaucoup plus puissants que le Québec et le Canada refusent carrément que soient vendus à l’étranger des joyaux nationaux, au nom de l’intérêt stratégique et de la sécurité nationale, ici au Québec, c’est dans l’indifférence et plus souvent dans l’enthousiasme que sont cédés à des étrangers même nos instruments collectifs.
Aux États-Unis, en Europe, on s’offusque plus qu’au Canada de prises de contrôle par des étrangers. J’ajouterais que les intérêts des Québécois et des Canadiens sont généralement opposés à celui des actionnaires et des dirigeants et qu’en Europe et aux États-Unis, l’État intervient souvent pour bloquer des ventes d’entreprises nationales à l’extérieur.
Vous vous dites sûrement pourquoi alors, si les autres le font et vont même jusqu’à la nationalisation directe ou indirecte, avec une forte participation de l’État qui lui donne le contrôle effectif ou un droit de veto sur la vente à l’étranger de compagnies, nous ne le faisons pas ici et encore plus compte tenu de la petitesse de notre secteur économique et de sa vulnérabilité face aux multinationales étrangères beaucoup plus imposantes et dotées de moyens financiers infinis?
Eh bien, la raison est simple : nous sommes dirigés par des politiciens à la fois vendus et ignorants qui ont principalement à coeur leur propre personne et celle de leurs amis, et non l’intérêt supérieur de la majorité.
JEAN-PAUL GAGNÉ, CHAMPION TOUTES CATÉGORIES
Le comble de l’imbécillité et de la soumission la plus totale est Jean-Paul Gagné, l’éditeur du journal Les Affaires . Dans son éditorial du 1er juillet 2006, intitulé : Vente d’Inco et de Falconbridge : Ottawa doit dire oui , il a écrit : «Un veto d’Ottawa enverrait un mauvais message (sic) dans les marchés financiers et notamment à Washington (sic), où on voit le Canada un peu (je dirais même beaucoup) comme le prolongement (je dirais même la colonie) des États-Unis (sic). Toute transaction qui affaiblit notre souveraineté économique est difficile à accepter (sic) mais le système économique dans lequel nous vivons nous oblige (vous m’en direz tant!) à accepter (faut se soumettre sans rechigner) les règles du jeu (quelles règles?) qui l’accompagnent ». Faut le lire pour le croire !
Heureusement, d’autres ont une autre compréhension du phénomène. Dans un article du Journal de Montréal du 5 décembre 2001 titré : Le président de CGI s’inquiète des trop nombreuses ventes d’entreprises à des étrangers , Serge Godin déclare que : «Les ventes très nombreuses d’entreprises québécoises et canadiennes à des intérêts étrangers m’inquiètent beaucoup. Je suis persuadé que ces déplacements de centres de décision vers l’extérieur ont un effet nocif sur notre économie, sur l’emploi, sur notre capacité d’établir le maximum de synergie entre nos entreprises pour générer la richesse chez nous ».
QUAND NIKE ACCROCHE LES PATINS DE GAÉTAN BOUCHER
Le cas de la vente de Bauer à Nike l’illustre bien comme le décrit cet article de Simon Drouin paru dans La Presse du 7 juin 2001 et intitulé : Bauer Nike Hockey retranche Gaétan Boucher . On peut y lire ce qui suit : «Le congédiement de M. Boucher, 43 ans, fait partie d’une restructuration des activités de Bauer Nike Hockey au Québec. Au terme de cette opération, l’usine de Saint-Jérôme comptera 135 employés de production et 72 employés de bureau. Lors de l’achat de Bauer par le géant américain Nike en décembre 1994, 1200 personnes y travaillaient.
Bauer Nike Hockey compte aussi vendre ou louer une portion considérable de l’édifice de Saint-Jérôme. Quant au siège social de Montréal, il fermera ses portes à la fin du mois. Le congédiement de Gaétan Boucher (le plus grand médaillé québécois de l’histoire des Jeux Olympiques) fait partie de notre plan de restructuration et, comme tous les autres employés, c’est très malheureux, a dit Michelle Mc Sorley, porte-parole de Bauer Nike Hockey ».
Il y a beaucoup d’autres exemples. Au cours des dernières années, la vente d’entreprises québécoises présentes dans des secteurs stratégiques pour l’émancipation de la province et surtout de compagnies qui furent jadis propriété de tous les Québécois par le biais de l’État et de ses sociétés d’État comme la Caisse de dépôt et placement, la Société générale de financement, la Société de développement industriel devenue Investissement Québec, Dofor, Soquia, Soquem, etc. s’est multipliée au nom de dogmes creux comme la mondialisation, le libre-échange, l’État minimal non-interventionniste, les supposées lois naturelles du marché, l’adaptation, le modernisme et d’autres conneries du même genre.
LA LISTE EST LONGUE, LONGUE, LONGUE
Prenons le cas de quelques entreprises québécoises qui étaient détenues directement (contrôle légal) ou indirectement (contrôle effectif) par le gouvernement du Québec comme Biochem Pharma vendue en 2001 pour 5,9 milliards$ à l’anglaise Shire Pharmaceuticals; Provigo, le plus important détaillant et grossiste en alimentation au Québec, vendue en 1998 pour 2 milliards$ à l’Ontarienne Loblaw et à sa compagnie-mère George Weston; Cambior, le plus important producteur d’or québécois, vendue au mois de septembre 2006 à l’ontarienne Iamgold pour 1,3 milliards$, Domtar, la plus importante papetière québécoise, vendue au mois d’août 2006 à l’Américaine Weyerhaeuser pour 3,3 milliards$ et Sico, le plus important fabricant québécois de peinture, vendue au mois d’avril 2006 au néerlandais Akzo Nobel pour 288 millions$.
Faute d’espace, je n’aurai pas le temps de vous parler de plusieurs autres compagnies québécoises vendues récemment à des étrangers, comme Bombardier Capital, Bombardier Récréatif, La Senza, Maax, Softimage, Dollarama, Delisle, Vachon, Multi-Marques, Gadoua, UAP, Le Groupe Commerce, La Laurentienne Générale Assurances, Meloche Monnex, Bélair Direct, Ivaco, Unibroue, Sports-Experts, Réno-Dépôt, Urgel Bourgie, C-Mac, Sabex, Nova Bus, Prévost Car, Cinar, Sodisco, Culinar, Microcell et Fido, Télésystèmes Mobile, Intersan, Jean-Marc Brunet, Adrien Gagnon, Technilab, Celmed, Bauer, les Alouettes et le Canadien de Montréal, Molson, Corby, Seagram, les papetières Donohue, Stadacona, Alliance, Forex, Foresbec, Avenor, Repap, Cartons St-Laurent, Consolidated-Bathurst, Abitibi-Consol, etc. Et cette liste est loin d’être exhaustive.
JE LANCE UN DÉFI !
Je mets au défi tous ceux qui nous disent que les compagnies québécoises peuvent aussi acheter des étrangères de me préparer leur énumération. Il ne faut pas être une lumière pour comprendre qu’à ce petit jeu tronqué, les multinationales étrangères, qui sont mille fois plus grandes vont tout ramasser ce qui les intéresse au Québec dans le temps de le dire, incluant Van Houtte, Québécor, Jean Coutu, Rona, Métro, la Banque Nationale, Cogeco, Transcontinetal, Cascades et même CGI alors que les nôtres vont acheter de petites et moyennes entreprises ici et là.
Il ne peut y avoir de souveraineté politique, culturelle et linguistique pour quelque pays que ce soit sans une souveraineté économique digne de ce nom et encore plus pour des pays en voie de développement et des petits pays comme le Québec.
L'aut'courriel n° 234, 7 mai 2007


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