Le jeudi 3 janvier 2013, lors d’un direct avec les travailleurs de «Café Fama de América » transmis par la télévision publique, dans le bruit des machines, la chaleur et l’odeur forte du café, le vice-président Nicolas Maduro et le président de l’Assemblée Nationale Diosdado Cabello ont tracé les grandes lignes de la « zone économique socialiste » qui sera construite en 2013. «Fama de América» est tout un symbole.
Longtemps fermée aux caméras comme le reste des entreprises capitalistes, elle fut nationalisée en 2009 par le gouvernement Chavez à la demande des travailleurs en lutte alors que les patrons voulaient la mettre en faillite. Les travailleurs en contrôlent aujourd’hui la gestion avec l’État. Résultat : un café mieux payé aux petits producteurs et moins cher pour le consommateur. Augmenter la production nationale en fonction des besoins de la majorité, se libérer des intermédiaires privés qui exploitent les producteurs et spéculent sur les prix, relier directement les producteurs aux consommateurs : le succès de ce nouveau modèle productif dépend aussi, pour Maduro, d’une participation accrue des travailleurs :
«Nous devons avoir une classe ouvrière de plus en plus éduquée, de plus en plus cultivée, de plus en plus consciente, de plus en plus disciplinée, de plus en plus organisée, parce que dans le socialisme le travailleur doit prendre conscience du plan de production, savoir comment on administre l’entreprise, de quels investissements elle a besoin, quelle technologie il faut ajouter aux processus de production, discuter de manière collective les plans et les approuver. Le travailleur socialiste doit penser comment il peut contribuer au développement de la patrie, et du peuple qui est le coeur et la finalité de tout ce que nous faisons. »
Le Venezuela bolivarien a achevé l’année 2012 sur une rafale de succès économiques et sociaux :
le chômage poursuit sa baisse (6,4%), la croissance se renforce grâce aux investissements publics (5,5 % en 2012, 6% prévus en 2013). L’inflation poursuit sa courbe descendante des derniers mois, le cours du pétrole reste élevé (le baril a dépassé les 100 dollars en janvier 2013). Les statistiques montrent que le Venezuela est devenu le deuxième pays du continent après l’Argentine en termes d’immigration de chômeurs espagnols.
S’y ajoute une longue liste d’avancées sociales (1). Qu’on pense aux 346.700 logements populaires construits en 20 mois grâce à la nationalisation de la sidérurgie et du ciment (soit un logement construit toutes les trois minutes !) et aux 380.000 qui seront construits en 2013. Enfin, 2012 a été marqué par une double victoire politique : la réélection de Hugo Chavez à la présidence le 6 octobre 2012 fut suivie, le 16 décembre, en l’absence de celui-ci, d’une avancée historique des candidats bolivariens aux postes de gouverneurs conquérant 20 états sur 23 (2). Bref, les conditions sont réunies pour accélérer la révolution bolivarienne.
Les médias occidentaux qui enterrent le président Chavez et avec lui la révolution bolivarienne et la révolution latino-américaine, risquent de devoir attendre longtemps pour voir leurs désirs devenir réalité. Leur lecture de la politique comme pur cynisme, pur calcul et rivalité de personnes, leur réduction de l’Amérique Latine à une poignée de chefs d’Etat tombés du ciel, isolés, autocrates, avec les guerres de palais pour unique destin, ne tiennent pas debout. On ne peut éternellement rayer de la carte les populations, leur Histoire et leur participation, effacer les gouvernements, leurs réalisations et leurs programmes, nier les nombreux scrutins par lesquels les majorités décident de leur avenir et transforment leurs existences concrètes.
Exemplaire de l’autisme de la plupart des médias français ou belges, ce titre : « le Venezuela veut la vérité sur la santé du président Chavez ». Ce qui nous est présenté comme une information n’est que l’actuel slogan de la MUD (coordination de la droite vénézuélienne). La population connaît en détail la situation du président Chavez. Pas moins de 27 communiqués officiels ont été transmis à la radio et à la télévision. Le dernier, en date du jeudi 3 janvier 2013, explique qu’actuellement le président lutte pour surmonter une forte infection pulmonaire survenue à la suite du choc opératoire.
En décembre 2012 Chavez a rappelé au pays que s’il ne réussissait pas à vaincre le cancer et devait finalement renoncer à ses fonctions, il incomberait au peuple, comme l’exige la Constitution, de retourner aux urnes pour choisir entre le programme de la droite et celui des bolivariens. Dans cette hypothèse, le président Chavez a proposé aux siens de voter pour l’actuel vice-président Nicolas Maduro, un militant bolivarien de la première heure venu du monde du travail.
Face à cette clarté des bolivariens, une droite affaiblie mais armée de puissants médias privés n’a d’autre recours que d’annoncer que Chavez est déjà mort, cherchant à créer un climat de vide de pouvoir comme prélude à une guerre fratricide entre les leaders de la révolution, etc… tandis que les États-Unis parlent de « l’après-Chavez » et de «transition». C’est cette campagne que recyclent, à leur habitude, la plupart des médias français. Mais la majorité des vénézuéliens, attachés à l’institutionnalité démocratique, rejettent le mépris des médias pour leur vote, et réaffirment leur soutien au socialisme bolivarien (3).
L’Amérique Latine d’aujourd’hui n’est plus celle des années 80, qui voyaient les mêmes médias dépeindre la révolution sandiniste au Nicaragua comme un « totalitarisme en marche » tandis qu’elle faisait face, isolée, aux « contras » armés par Ronald Reagan. En 2013, le génie de l’unité latino-américaine est sorti de sa bouteille. Il n’est pas près d’y rentrer (4). Tout ne fait même que commencer.
Au Nicaragua le Front Sandiniste réélu sur la base de son bilan social poursuit le redressement d’un pays appauvri par 16 ans de parenthèse néo-libérale. La Colombie, cet Israël hyper-militarisé de l’Amérique Latine, entre dans un dialogue politique inimaginable il y a quelques mois encore, confirmant le bien-fondé de la stratégie de rapprochement avec ce pays lancée par le président Chavez.
En Bolivie, en pleine croissance économique, le gouvernement d’Evo Morales, toujours aussi populaire, vient de nationaliser deux filiales espagnoles d’énergie électrique pour faire place aux besoins de la population. La probable réélection du président équatorien Rafael Correa en février prochain – plusieurs sondages lui donnent 60 % des suffrages – signifierait l’approfondissement d’une révolution citoyenne qui a notamment fait reculer le chômage, élevé le salaire des travailleurs ou éliminé la sous-traitance.
Assemblée Nationale, les députés bolivariens et le peuple, 5 janvier 2013
A Caracas ce samedi 5 janvier 2013 la population s’est mobilisée autour de l’Assemblée Nationale qui votait pour renouveler ses autorités. Ce parlement qui fonctionnait avant la révolution bolivarienne en vase clos, négociant la répartition des postes de l’État entre partis et loin du peuple, est aujourd’hui un espace ouvert, où une majorité de député(e)s de gauche examine des projets de lois, notamment les projets d’initiative citoyenne.
En 2013 ceux-ci plancheront sur de nouvelles lois en faveur de la démocratie participative comme la création des conseils de travailleurs destinée à compléter la nouvelle loi du travail promulguée en mai 2012 (5), ou la loi de la communication populaire, qui permettra d’aller plus loin dans la démocratisation du droit à l’information.
Comme le dit un dicton populaire vénézuélien « Ponte alpargatas, lo que viene es joropo » qu’on peut traduire par : « Accroche-toi, tu n’as encore rien vu ».
Thierry Deronne, Caracas, 6 janvier 2013.
Venezuela Info
Notes :
(1) Pour une liste plus complète de ces avancées, voir « Les facteurs sociaux de la victoire de Chavez« http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/12/24/les-facteurs-sociaux-de-la-victoire-de-chavez-par-carles-muntaner-joan-benach-maria-paez-victor/
(2) « Quand s’éloigne le bruit de la pluie sur les toits de carton« , http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/12/17/quand-seloigne-le-bruit-de-la-pluie-sur-les-toits-de-carton/
(3) Maurice Lemoine, « Au Venezuela les électeurs ont confisqué la démocratie« , http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/10/11/photos-au-venezuela-les-electeurs-ont-confisque-la-democratie-par-maurice-lemoine/
(4) « L’Amérique Latine unie autour de Chavez« , http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/12/12/videos-et-photos-lamerique-latine-unie-autour-du-president-chavez/
(5) « La nouvelle loi du travail, un pas de plus vers la vraie vie », http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/05/04/nouvelle-loi-du-travail-au-venezuela-un-pas-de-plus-vers-la-vraie-vie/
Vénézuela : le vrai héros c'est le peuple et la Révolution Bolivarienne
Le Venezuela bolivarien en 2013 : « Accroche-toi, tu n’as encore rien vu ! »
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9 commentaires
Serge Charbonneau Répondre
13 mars 2013Sous l'article de Pierre Cloutier
Réponse à Martine Desjardins et Gilles Jean
http://www.vigile.net/Reponse-a-Martine-Desjardins-et
Vous dites ceci: (10e message sous l'article)
«Message à M. Pierre Cloutier
1-Cher Monsieur, j’ai été élu conseiller municipal puis maire, dans ma vie antérieure.
2-J’ai été membre d’un syndicat pendant 34 ans et j’en ai même été délégué syndical, vice président puis - président -.
Je n’ai pas de conseil à recevoir de votre part sur les assemblées délibérantes.»
Il n'a jamais répondu aux questions simples comme:
De quelle municipalité étiez-vous maire ?
De quel syndicat étiez-vous président ?
Sous mon article
La propagande annule l’intelligence et dissout les valeurs humaines
En réponse aux commentaires de Monsieur Gilles Jean.
http://www.vigile.net/La-propagande-annule-l
Vous affirmez ceci:
(16e message sous l'article)
{«…j’ai appris l’espagnol…
…je suis allé en Colombie. L’année suivante, suis allé au Vénézuél. J’ai passé une quinzaine de jours dans chaque pays, en vivant dans une famille. Depuis lors, je corresponds avec des bons amis, dans les 2 pays.»
Pourquoi ne répondez vous pas aux questions concernant votre "mairie" et votre "présidence" et pourquoi ne parlez-vous pas de mon invitation à débattre en espagnol devant la caméra loin de Google traduction.
Vous pourriez ainsi nous prouver que vous n'êtes pas un imposteur.
Savez-vous qu'un «troll» a pour mission de créer la confusion afin d'embrouiller les choses pour masquer la réalité.
Savez-vous que plusieurs services secrets dont la CIA utilisent des gens comme vous ?
http://occupycorporatism.com/cia-sponsored-trolls-monitor-internet-interact-with-users-to-discredit-factual-information/
http://www.youtube.com/watch?v=VpVUYGcgtjw
Il faut combattre ces «trolls» et démontrer leur fourberie.
Ce sont les alliés complémentaires aux soldats médiatiques se faisant appeler "journalistes".
Serge Charbonneau
Québec
Archives de Vigile Répondre
11 mars 2013M. Monty a écrit:"Comme le dit un dicton populaire vénézuélien « Ponte alpargatas, lo que viene es joropo » qu’on peut traduire par : « Accroche-toi, tu n’as encore rien vu ».
Finalement ce n'est pas tout à fait ça. Ce serait plutôt:"Mets-toi des espadrilles *, ce qui s'en vient c'est la fête". Le “jeropo” est la danse la plus ancienne du Vénézuéla.
Le dictionnaire traduit “alpargatas” par *“espadrilles” mais ce serait une chaussure avec semelle en cuir de boeuf ou en caoutchouc.Genre bottine de paysan.
Archives de Vigile Répondre
11 mars 2013Très jolie l’expression :"« Ponte alpargatas, lo que viene es joropo".
Traduction littérale: Mets-toi des espadrilles, ce qui s'en vient c'est la fête.
"joropo" : expression employée relativement à de la musique et de la danse vénézuéliennes. Mais ce qu'il y a de particulier, c'est que cette danse implique beaucoup de "tapage" de pieds. D'où la nécessité "d'espadrilles". "Tapage" de pieds synchronisé avec la musique.
En fait "joropo", comprend à la fois: la musique, la danse avec le "tapage" de pieds et la fête.Et ce serait une danse de séduction dominée par l'homme.
"Joropo" origine du Vénézuéla mais s'est étendu aux pays voisins. En fait, c'est une fête populaire!
Archives de Vigile Répondre
10 mars 2013Très jolie l'expression:"« Ponte alpargatas, lo que viene es joropo".
"joropo": expression employée relativement à de la musique et de la danse vénézuéliennes. Expression typique au Vénézuéla et qui s'est étendue aux pays voisins.
Alors la traduction littérale serait:" Mets-toi des
espadrilles, ce qui s'en vient c'est la fête".
Je souhaite de tout coeur que le Vénézuéla et l'Amérique latine continuent à se prendre en mains et puissent profiter de "joropo"!
Archives de Vigile Répondre
9 mars 2013Disculpen, por favor. Hablé del señor Coronne. Es mi error.
Se trata del señor Deronne.
De todo mi corazón espero que el señor Deronne tenga razón.
Seguro que el nuevo presidente va a tener zapatos grandísimos a calzarse. Espero que la transición se pase pacíficamente.
Deseo al pueblo venezolano lo mejor en el futuro.
«¡Ponte alpargatas, lo que viene es joropo ! »,¿ quizás ?
Archives de Vigile Répondre
8 mars 2013@ M. Fortin, merci pour ces bons mots mais l'honneur revient à Thierry Deronne et ses collaborateurs du site Venezuela info en lien dans l'article. @Jbouthill, Je fait toujours parvenir les articles sur la tribune libre de Vigile. Qu'il soit de moi ou pas, à ce moment je donne toujours la référence de la version d'origine et l'auteur. Je pense que la différence dans la qualité de l'écriture parle d'elle même dans le 'moi ou pas'(lol). Néanmoins, je croyait que les édimestres du site jugeant qu'un article devait être mis en valeur, privilégiait les auteurs originaux, avec raison. De plus j'ignore complètement faire autrement, quel sont les procédures? @ M. Jean, effectivement de bien grande chaussure à porter.
Archives de Vigile Répondre
8 mars 2013De todo mi corazón espero que el señor Coronne tenga razón.
Seguro que el nuevo presidente va a tener zapatos grandísimos a calzarse. Espero que la transición se pase pacíficamente.
Deseo al pueblo venezolano lo mejor en el futuro.
« Ponte alpargatas, lo que viene es joropo »,¿ quizás?
Archives de Vigile Répondre
8 mars 2013Quel article lumineux et empreint d'espoir. Rappel tout à fait pertinent à l'occasion du décès du grand homme.
Merci monsieur Monty de nous avoir signalé cet article de Thierry Deronne
Petite suggestion (mais non des moindres) : pourquoi, lorsque s'en présente ainsi l'occasion, ne pas passer par les édimestres de Vigile pour faire ressortir de tels articles ? Ils savent attribuer à chaque article l'auteur original et signaler la Source en fin d'article : http://venezuelainfos.wordpress.com/2013/01/06/le-venezuela-bolivarien-en-2013-accroche-toi-tu-nas-encore-rien-vu/
Oscar Fortin Répondre
7 mars 2013Merci M. Monty pour cette excellente analyse qui remet les pendules à l'heure quant à la nature et l'importance de la révolution bolivarienne au Venezuela et pour l'ensemble de l'Amérique latine. Les prochaines élections constitutionnelles à la présidence suite au décès de Chavez seront fondamentales pour marquer cette marche irréversible vers le socialisme du XXIe s. Il faut s'attendre à une offensive sans précédent de Washington et de la droite vénézuélienne pour empêcher l'élection de Maduro comme futur président du Venezuela. Les millions de dollars vont briller de toute leur splendeur et les stratégies de charme vont tout faire pour se gagner les votes de ceux et celles qu'ils appellent les plus modérés.
Encore une fois, merci d’apporter un éclairage consistant sur la révolution bolivarienne.