Une vision d’avenir en cette St-Jean ensoleillée

Chronique d'André Savard


La fête nationale c’est un jour de congé au cours duquel nous avons bien le droit d’avoir le cœur en liesse. C’est aussi le jour où plusieurs penseront davantage à la manière pour la nation québécoise de se propulser dans l’avenir.
Le débat sur l’indépendance du Québec se voit toujours alimenter par la situation mondiale. Aussi doit-on regarder la planète, y flairer le climat intellectuel afin d’envisager le tour qu’il prendra.
Partout dans le monde, les institutions politiques et financières ont accepté de suivre certaines tendances qui visaient à dépendre des régions les plus pauvres pour la main d’œuvre en laissant péricliter leurs propres industries et leurs propres infrastructures. Je reviens d’Europe où un employé polonais d’une agence de télémarketing payé à 500 euros par mois me racontait que son patron leur demandait des sacrifices pour demeurer compétitif.
On a mis en place dans tous les secteurs des industries volantes prêtes à plier bagages pour aller piller les régions de leur main d’œuvre bon marché. Pendant ce temps on laisse les industries et l’agriculture se détériorer dans les endroits les plus développés.
Aujourd’hui, les gouvernements nationaux se défendent de pouvoir assumer de grands projets collectifs. Le financement appartient à l’économie mondiale et celle-ci a été prise en main par des intérêts principalement financiers tels qu’exemplifiés par les fonds spéculatifs. On constate que la dépendance au pétrole n’a pas posé de problème pour les grands intérêts financiers mais qu’il en pose pour les nations.
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Le Québec est un des seuls pays qui peut faire confiance aux énergies plus douces mais il a laissé faire les intérêts canadiens dans cette affaire. Le gouvernement Charest qui ne veut pas être accusé de passivité vient d’annoncer en grandes pompes qu’il va tester des prototypes électriques et en légaliser l’usage sur certains périmètres routiers.
Évidemment, se borner à tester des prototypes nous laissera sur la touche. Il s’agit de faire avancer une technologie de pointe au lieu d’espérer que des prédateurs financiers vont finir par y trouver leur intérêt et investir massivement en recherche et développement. Si jamais le financement privé s’en mêle ailleurs, pour cesser de dépendre du pétrole comme combustible, ce sera dans le domaine du nucléaire. Ils penseront aussi aux possibilités de construire des combustibles synthétiques.
Au Québec nous avons nos propres sources d’approvisionnement. Comme les autres pays, nous souffrons d’une pénurie en technologie de pointe. Nos ressources indiquant que nous devons aller dans la direction du moteur à piles, le Québec devra se révéler comme un vrai gouvernement national capable d’articuler un vaste projet de recherches convergentes avec d’autres Etats-nations.
Le premier point souligné par le gouvernement Charest quand il a traité des prototypes électriques c’est leur prix élevé. La vraie façon d’abaisser les prix c’est d’utiliser de nouvelles technologies, plus efficaces. Cela ne signifie pas simplement des tests sur une technologie qui n’a pas abouti. Cela signifie une grande intensité scientifique, une grande intensité de capital, bref, une corvée collective comme l’écrivait Bernard Landry.
Les gens du monde entier se demandent si on ne devrait pas rétablir l’équilibre. N’avons-nous pas le droit de compter sur des gouvernements nationaux aptes à articuler des projets collectifs et sur des Etats voisins assez respectueux de notre souveraineté pour reconnaître le droit de nous gouverner nous-mêmes comme nation? Ce discours contre l’Etat-nation ne nous a-t-il pas fait faire un mauvais pas et sauter du pont?
Ne serait-ce pas les pays qui devraient se demander mutuellement quoi faire pour l’autre pays plutôt que de se livrer aux initiatives du capital sous prétexte qu’il est la principale force internationale. Il serait préférable de revenir à l’échelle de la nation naturelle, celle
qui se développe dans le giron de sa langue et de ses coutumes, respectueuse de ses propriétés sociales.
Le mot «souverainiste » est né au Québec. Il se propage à travers le monde alors que l’on craint de plus en plus la dépossession des parlements nationaux. Le rejet du traité de Lisbonne par l’Irlande participe à un certain degré de cette tendance. On s’inquiète en Europe par exemple de voir la privatisation, la libéralisation et la dérégulation devenir des articles de décret constitutionnel. Qu’adviendrait-il de la propriété sociale, se demande-t-on.
Ce souverainisme diffère du souverainisme québécois par la situation à laquelle il veut répondre. Nous sommes dans un pays réduit à l’état de province alors que le pays voisin le presse d’abandonner définitivement sa souveraineté. Pour les souverainistes européens, en ce siècle de menace écologique et alimentaire, on ne peut envisager de continuer sur les bases de la mondialisation. Celle-ci est aux services de conglomérats financiers dont la conscience ne siège nulle part et qui confond logique des marchés avec nécessité naturelle. Les parlements nationaux doivent au moins répondre de la volonté populaire selon eux
Pour ces souverainistes, on doit amener les états-nations à un mode de coopération où leur souveraineté est garantie. Ce principe débattu ailleurs aidera-t-il le Québec? Avec les échecs de la mondialisation, on devrait revenir au thème de la responsabilité des Etats-nations. On entendra de plus en plus des politiciens fédéralistes dirent : « Vive le Canada souverain ». En fait Stephen Harper l’a déjà dit mais son intention était plutôt de rendre les Québécois fiers de la souveraineté canadienne et de renoncer définitivement à la leur.

Le Canada comme Etat néo-colonial se rattache à la vieille formule. Le Québec, quant à lui, évolue vers une forme plus mûrie d’Etat-nation. Nous devons être prêts à nous aider les uns les autres en tant que nations sans abandonner sa souveraineté ou la souveraineté du voisin.
Pour les indépendantistes, la cause sera entendue quand ils auront démontré aux Québécois qu’ils seraient fiers de leur souveraineté comme les Canadiens, les Américains, les Mexicains sont fiers de la leur. Le Canada forme un horizon très fermé sur le Québec. Le débat n’y est pas abordé honnêtement car on se contente d’attaquer la soi-disant immoralité du Québec et de préciser que, souverain, le Québec deviendra un objet de vindicte.
« Il n’y a rien qui soit tant à redouter que la peur elle-même », disait Roosevelt. Nous devons faire quelque chose pour éliminer la cause de cette frayeur. L’ADQ proposait que le Québec ne fasse qu’un rapport d’impôts. Le Québec livrerait ensuite sa part au Fédéral. Ce serait un geste qui signifierait que nous, Québécois, ne vivons pas de pouvoirs alloués, d’un territoire alloué et d’argent alloué. Dans la situation actuelle sévissent beaucoup de sous-entendus perfides auxquels nous ne voulons pas remédier de crainte d’être illégitimes constitutionnellement.
Il faut des actes concrets qui répondent aux besoins de la population québécoise. Son principal besoin est, répétons-le, de devenir fière de sa souveraineté. Une citoyenneté québécoise montrerait que l’avenir du Québec doit se régler entre citoyens québécois et non pas entre citoyens canadiens comme le statue plus ou moins clairement l’abusivement nommée « loi de la clarté ».
Une Constitution québécoise ne devrait jamais se plier à l’état des fait actuel ni se contenter de baliser le fédéralisme canadien pour prévenir les abus. Si on adopte une Constitution qui n’affirme pas que la nation québécoise se possède et qu’elle possède son territoire, si on n’affirme pas la préséance de ses droits de crainte d’être illégitime, cela risque de passer comme une acceptation de l’état des faits. Les tribuns canadiens diront même que cette Constitution s’assujettit implicitement à l’encadrement de la Constitution canadienne de 1982.
Nous avons besoin d’un facteur d’optimisme, concret, valide, une base de soutien institutionnel pour la nation québécoise, une base qui ne soit pas une création canadienne et qui ne soit redevable que de la nation québécoise. Avant même que la population ne se décide, nous devons agir pour améliorer la situation nationale, sa représentativité. Si les fédéralistes viennent bloquer la reconnaissance concrète de la nation québécoise cela sera révélateur.
On dit, chez les fédéralistes, que la province peut bouger et qu’elle n’a pas à attendre d’être prise en main. En fait, le Québec ne bouge que dans le sens prescrit pour ne pas être accusé de provoquer des crises inutilement. Si le Québec ne peut rien instituer qui serve sa souveraineté sur son territoire, c’est que son gouvernement n’est pas pleinement responsable. Le Québec est gouverné par organes fédéraux interposés.
Face à ce système de gouvernement par organes, nous devons rappeler que nous, les souverainistes québécois, avons été parmi les premiers à vouloir démarrer un système d’Etats souverains. Le Parti Québécois mené par René Lévesque répétait qu’un système d’Etats nations était capable de coopérer et de faire bénéficier l’autre. Avec la crainte entourant le nivellement des différences nationales, la diabolisation de l’Etat-nation et du «nous » québécois devrait servir moins aux fédéralistes pour faire de l’obstruction.
Il est extrêmement important d’obtenir ce type de coopération en Amérique du Nord. Si nous restons enfermés dans notre carcan provincial, on ne parlera que des Etats-Unis, du Canada et du Mexique, comme si la nation québécoise n’existait pas.
Bonne St-Jean et meilleurs vœux pour l’avenir!
André Savard


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