Quiconque a suivi l'évolution des interprétations juridiques des deux chartes des droits depuis leur adoption, il y a plus de 25 ans, sait qu'à moins d'une révolution, on ne reviendra pas en arrière sur la plupart de ces «accommodements» que la Cour suprême a autorisés en les qualifiant de «raisonnables». Demander, aujourd'hui, de les interdire purement et simplement comme le font certains devant la commission Bouchard-Taylor est aussi absurde que de suggérer qu'on élimine un des droits fondamentaux.
Le Québec aura beau devenir un pays indépendant, adopter sa propre constitution et ses règles particulières d'accession à la citoyenneté, il est certain qu'il aura aussi sa charte des droits calquée sur celle que René Lévesque a fait adopter par l'Assemblée nationale avant Pierre Trudeau, à Ottawa.
Cela dit, l'avantage qu'aurait le Québec en se séparant serait de pouvoir amender sa constitution et sa charte, ce que Trudeau a rendu à peu près impossible dans le cas de la Constitution canadienne. N'étant plus prisonnier d'une négociation perdue d'avance avec les neuf autres provinces canadiennes, un Québec souverain pourrait apporter des amendements à ses lois fondamentales comme tout autre pays démocratique.
À la suite de nombreux témoignages entendus devant la commission Bouchard-Taylor, certains diront que Trudeau avait raison de mettre le contenu des chartes à l'abri du changement facile. Mais entre facile et impossible, il y a une marge qui s'appelle la volonté démocratique du peuple.
La Charte canadienne des droits n'a jamais fait l'objet d'un débat populaire avant son adoption. Elle fut le fruit d'un travail d'experts et d'intellectuels éclairés soutenus par un puissant premier ministre qui, tout en voulant garantir les droits des individus en position de faiblesse, tenait mordicus à limiter ceux de la forte minorité francophone du Québec, dont les aspirations collectives ne cadraient pas avec sa conception d'un Canada composé d'individus et non de peuples fondateurs.
Les chartes des droits ne sont pas vérité d'Évangile. Rien n'interdit de proposer des amendements, au besoin. Dans quel sens? La réponse est moins évidente!
Ce qui est certain, en revanche, c'est que le temps est venu de préciser ce qu'on entend par laïcité et neutralité de l'État, deux concepts mis à mal par les exigences de militants religieux de toute origine, y compris de chrétiens «de souche», et plus largement de définir les meilleures pratiques d'intégration des nouveaux arrivants à la société québécoise.
Parce qu'ils ne se sentent aucunement menacés dans leur langue et leur culture, les Canadiens anglais du reste du pays ont le droit de préférer le melting pot culturel et la non-intervention des pouvoirs publics en matière d'intégration des nouveaux arrivants. Les Québécois, pour leur part, ont tout autant le droit de rejeter cette conception de la vie communautaire qu'ils jugent anarchique. Adopter l'une ou l'autre approche ne changera rien au fait que ce sont les cours de justice qui auront à trancher en dernier recours chaque fois qu'un citoyen se croira lésé.
Les accommodements dont l'objectif est de permettre à un individu d'exercer un droit fondamental dans le respect des autres, sans nuire à l'ordre public et sans exiger d'aménagements extravagants de la part de la collectivité, sont donc là pour de bon. Et c'est bien qu'il en soit ainsi.
j-rsansfacon@ledevoir.com
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Rectificatif
Dans l'éditorial que j'ai signé samedi matin, intitulé Une société de droit, j'ai attribué par distraction la paternité de la Charte québécoise des droits au gouvernement du Parti québécois.
Évidemment, c'est le gouvernement libéral de Robert Bourassa qui a fait adopter cette loi à l'Assemblée nationale, en 1975. La Charte est entrée en vigueur une année plus tard, en juin 1976, et fut amendée sous un gouvernement péquiste pour prévenir la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle des individus. Toutes mes excuses.
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Une société de droit
Les chartes des droits ne sont pas vérité d'Évangile. Rien n'interdit de proposer des amendements, au besoin.
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