Grave dispute

Bourse - Québec inc. vs Toronto inc.

La guerre des mots s'intensifie entre Ottawa et le Québec au sujet de la réglementation des marchés financiers. Alors que le premier milite avec ferveur pour la création d'un unique organisme de contrôle à travers le pays, Monique Jérôme-Forget défend bec et ongles la formule dite du passeport mise au point par les provinces, à l'exception de l'Ontario. Pendant ce temps, un groupe d'observateurs avertis a proposé, mardi, dans nos pages, une troisième voie qui mérite attention.
Depuis des années, Bay Street réclame le remplacement des autorités provinciales de réglementation des marchés financiers par une structure nationale unique. À son avis, cela ferait économiser beaucoup d'argent aux entreprises et permettrait un meilleur contrôle des intervenants.
À l'heure actuelle, chaque province a ses exigences, ce qui n'est évidemment pas l'idéal. Or, depuis que Toronto a mis la main sur la plus grande partie du marché boursier, les joueurs de Bay Street en ont assez de devoir rendre des comptes aux provinces.
Mais voilà, aucune province autre que l'Ontario ne souhaite abandonner ses compétences au profit d'une organisation centrale (ontarienne... ). Pour concilier ces deux positions, elles ont adopté une approche dite «passeport», selon laquelle une entreprise qui aurait satisfait aux exigences d'une des provinces serait automatiquement autorisée à vendre ses titres dans les autres provinces.
Selon le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, ce système est moins efficace et plus coûteux qu'une commission nationale unique. Ce sont là des arguments que réfute Mme Jérôme-Forget. D'ici quelques semaines, un comité d'experts nommé par Ottawa remettra un rapport qui ira nécessairement dans le sens souhaité par son commanditaire. Mme Jérôme-Forget avertit déjà Ottawa qu'il serait très mal venu de faire appel à la Cour suprême, comme le veut la rumeur, pour entériner une intervention unilatérale qui irait à l'encontre de la volonté des provinces.
Mme Jérôme-Forget a raison. Le Québec, pour un, a déjà cédé trop de terrain à Toronto en acceptant, il y a dix ans, la fin des transactions de valeurs mobilières à la Bourse de Montréal. Pas question d'abandonner cette fois une compétence aussi importante que le contrôle réglementaire. Au contraire, il faut renforcer les pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers, dont la réputation d'enquiquineur bureaucratique de première à l'endroit des petites organisations l'emporte largement sur celle de police efficace contre les fraudeurs et les manipulateurs du marché.
Cela étant, à l'instar de la [Coalition pour la protection des investisseurs->9592] qui a publié une importante analyse dans nos pages, cette semaine, il faut aussi se demander si le Québec ne pourrait pas purement et simplement laisser le reste du pays adopter la formule fédérale, et faire cavalier seul après avoir signé des accords de réciprocité avec d'autres organisations de qualité équivalente ailleurs dans le monde. Contrairement à la formule du passeport, qui comporte le risque d'adoption de la règle du plus petit commun dénominateur acceptable pour tous, dit la Coalition, cette approche permettrait au Québec de se doter des mesures les plus sévères, équivalant à celles des pays les plus avancés en la matière.
À cette étape des négociations, on imagine mal que le Québec laisse tomber les huit autres provinces avec lesquelles il mène la bataille contre l'Ontario et Ottawa. Mais, advenant une victoire fédérale, il ne fait aucun doute que le Québec devrait se tourner vers cette option.
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j-rsansfacon@ledevoir.com


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