La récente déclaration de M. Martin Mondou dans Le Nouvelliste, selon laquelle il n’hésiterait pas à recruter un candidat unilingue anglophone comme entraîneur-chef des Cataractes de Shawinigan en a surpris et choqué plusieurs. Mais, au-delà de la teneur de ses propos, ce qui est sans doute le plus significatif dans cet événement c’est le fait que M. Mondou n’ait pas hésité à faire publiquement une telle déclaration en sachant mieux que personne qu’une majorité de ses joueurs sont francophones et que les amateurs qui les appuient le sont aussi.
Cette initiative de M. Mondou est sans doute symptomatique de l’air du temps, d’une vision de la situation linguistique qu’on tente plus ou moins subtilement de nous imposer depuis quelques temps au Québec. Cette vision présente le fait de s’exprimer en anglais comme un gage de modernité, le signe d’une ouverture au monde et aux autres, une indispensable condition de réussite personnelle et sociale. Par contre on voudrait nous faire croire que la défense du français constitue un combat d’arrière-garde, une manifestation de repli sur soi et, pour tout dire, un réflexe tribal. On en vient dans un tel contexte à considérer tout à fait normal, dans un Canada prétendument «bilingue», qu’un unilingue anglophone puisse être juge de la Cour Suprême ou ministre fédéral tandis qu’un serveur ou une secrétaire francophones se doivent de parler anglais.
C’est comme si insidieusement on remettait en cause les objectifs poursuivis par les lois adoptées dans les années 70 soit la Loi sur la langue officielle (loi 22) et la Charte de la langue française (loi 101) pour revenir à la situation qui prévalait auparavant alors que l’anglais était la langue de l’économie et des affaires et que les francophones, bien que majoritaires au Québec, se devaient de s’exprimer en anglais pour accommoder leurs concitoyens anglophones unilingues.
Pour corriger cette situation les lois portant sur la langue adoptées dans les années 70 avaient comme objectifs de «faire du français la langue de l'État et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires.» Et si des progrès ont été faits, près de quarante ans plus tard, on est loin d’avoir atteint les objectifs poursuivis.
Charles Castonguay faisait récemment remarquer que : «Dans l’ensemble des douze villes à statut bilingue dans l’île de Montréal, 21 % des jeunes adultes francophones déclarent, en 2011, parler l’anglais comme langue principale à la maison.» Il ajoute que : «dans les mêmes villes, seulement 5 % des francophones et 8 % des allophones se déclarent incapables de converser en anglais, alors que 19 % des anglophones et 29 % des allophones ignorent le français.»
Prétendre dans ces conditions qu’il n’y a pas lieu de toucher à la loi 101 parce que la prédominance du français serait assurée c’est jouer à l’autruche et on s’étonne que les partis d’opposition qui prétendent appuyer les objectifs de cette loi s’objectent dès que des mesures concrètes sont avancées pour en assurer l’atteinte.
Il semble qu’on ait oublié que la période pendant laquelle les Québécois francophones ont fait le plus de progrès dans l’économie, les affaires et sur le marché du travail a coïncidé avec les années où leurs revendications en matière linguistique étaient les plus vives.
Mais dans les conditions actuelles on comprend que tant de parents aient fini par penser qu’il n’y a rien de plus important pour préparer l’avenir de leurs enfants que de leur faire apprendre l’anglais et qu’ils regimbent lorsqu’il est question de baliser l’apprentissage de cette langue.
Personne ne conteste qu’au Québec une bonne maîtrise de l’anglais soit utile pour l’ensemble de la population et indispensable pour une faible minorité dans certains postes ou certaines occupations qui l’exigent. Il ne s’agit donc pas de débattre s’il est pertinent ou non de favoriser l’apprentissage de l’anglais, ce dont tous conviennent, mais de déterminer dans quelles conditions cet apprentissage doit se faire pour que les autres aspects de la formation des jeunes, notamment une bonne maîtrise du français, n’y soient pas sacrifiés comme certains donnent l’impression d’être disposés à s’accommoder.
Le comité de protection et de valorisation de la langue française que je préside tenait à apporter un certain éclaircissement dans ce débat autour de la progression de l’anglais comme langue d’usage. Nous voulons à tout prix éviter une régression tranquille de notre langue maternelle.
Roger Kemp,
Président du Comité de protection et de valorisation
de la langue française à la SSJB Mauricie.
Langue commune au Québec
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2 commentaires
Marcel Haché Répondre
22 avril 2013De l’inconscience ? Sans doute. Mais beaucoup de mollesse et un peu de lâcheté derrière une pose progressiste servant d’alibi.
Archives de Vigile Répondre
22 avril 2013Encore le syndrome colonial. Les "maîtres" et la langue des "maîtres" sont "supérieurs" à nous.
Nous avons pourtant plus que fait nos preuves. Non seulement nous avons survécu envers et contre l'adversité: nous sommes devenus un peuple et avons construit les assises de notre propre État. Nous avons accompli des
réussites qui vont plus loin que nos "maîtres" mais
nous ne réussirons pas à convaincre nos incurables.
Eux appellent leurs comportemants de la "largeur d'esprit"
Je l'appelle de l'inconscience.
JRMS