Une nation «assiégée»

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Le PQ doit se réveiller s'il veut canaliser la colère qui gronde

Faut être fait fort pour patauger dans l’actualité politique ces derniers temps. C’est lourd. Très lourd. On comprendra ceux qui décident de « tout cri**er ça là! ».


Un ami m’écrivait hier qu’il avait l’impression de vivre un « siège », d’être « assiégé ». Le Québec est attaqué de toutes parts, ses fondements m’écrivait-il. Sa préférence laïque, sa langue, son filet social hérité de la Révolution tranquille, son patrimoine, ses frontières que l’on bafoue, ce fédéralisme prédateur...


L’année qui vient est cruciale en ce que le Québec se choisira un gouvernement qui pourrait bien le définir pour un bon bout de temps. On a l’impression d’être à la croisée des chemins.


La question linguistique


Déjà à la suite de l’élection de Valérie Plante à la mairie de Montréal, la question linguistique a refait surface. La mairesse n’a pas tardé à afficher sa préférence pour des communications institutionnelles bilingues, et ce malgré le fait que le Québec et sa métropole soient officiellement francophones.


Que dire de ce recours des Barreaux du Québec et de Montréal pour faire invalider les lois et règlements adoptés à l'Assemblée nationale. Selon eux, la Constitution canadienne exigerait que l'adoption d'une loi se fasse simultanément en français et en anglais. Le tout financé par un programme du fédéral.


Ah? Primo, le Québec ne l’a jamais signé cette constitution. Deuxio, je me demande si les parlements provinciaux ailleurs au Canada adoptent leurs lois en bilingue. La langue officielle du Québec est le français et la minorité anglophone au Québec est fort bien traitée merci.


Mais n’en doutez pas, dès que le Québec baisse la garde dans son combat de la défense de la langue, il s’en trouve pour passer à l’attaque afin d’imposer le bilinguisme.


On lira avec intérêt le texte Les colonisés du Barreau de ma collègue Josée Legault.


Les questions identitaires


La prochaine campagne électorale sera, encore, le théâtre de batailles identitaires qui risquent d’être assez déplaisantes. C’est déjà bien amorcé. Les ministres Carlos Leitao et Stéphanie Valée ont montré qu’ils ne rechigneraient pas à patauger dans le caniveau en la matière.


La petite intelligentsia montréalaise emboitera le pas pour appuyer de toutes ses forces les militants d’un Québec multiculturaliste. Il aura suffi qu’un élu montréalais lance le bal en requérant que les policiers puissent arborer leurs préférences religieuses de façon ostentatoire pour que le tout s’emballe.


Et on accusera ceux qui défendent les principes des institutions laïques d’être contre la « diversité » (cet euphémisme qui remplace le mot multiculturalisme), d’être intolérants.


On lira avec intérêt le texte du sociologue Rachad Antonius sur la question :


« Mettre une norme religieuse au coeur du fonctionnement des institutions publiques qui ont un pouvoir coercitif n’est absolument pas une mesure d’ouverture antiraciste.


En effet, le hidjab ne peut être réduit au statut de symbole. Les courants religieux et politiques qui en font la promotion le présentent, en situation de migration, comme un symbole qui est librement choisi. Il signifierait simplement qu’on a une identité musulmane, au même titre que d’autres signes, tels que le nom que l’on porte par exemple. En tant que symbole, sa régulation relèverait d’une intrusion indue de l’État dans la façon dont les femmes choisissent de s’habiller.


Mais dans les sociétés à majorité musulmane, ce n’est pas du tout en tant que symbole qu’il a été propagé. C’est plutôt en tant que norme de comportement, qui est porteuse de valeurs. »



L’envahissement migratoire


Il est périlleux de discuter de cette question sans risquer de se faire accuser de « souffler sur les braises de l’intolérance ». C’est ainsi que les défenseurs du multiculturalisme au Québec tentent de tenir au silence ceux qui critiquent l’idéal diversitaire.


Pourtant, ce qui se passe actuellement dans la gestion de la crise migratoire est franchement scandaleux et mérite d’être dénoncé. L’an dernier, alors que les migrants franchissaient la frontière canadienne de manière « irrégulière » en de multiples endroits, les services frontaliers ont colmaté les brèches, au Manitoba et en Colombie-Britannique notamment.


Faire respecter la frontière était dans la norme et les citoyens du Canada anglais l’exigeaient. Mais pas au Québec.


Ainsi, le problème des passages irréguliers est devenu, essentiellement, un problème « pelleté » dans la cour du Québec.


Dans son texte Le fédéralisme impérial, Fatima Houda-Pepin résume clairement l’injure :


« Il y a quelque chose d’indécent à voir le gouvernement du Québec à genoux devant le ministre fédéral de l’immigration, quémandant des fonds auxquels il a droit, pour avoir rempli, par substitution, le rôle du gouvernement fédéral. [...]


Il y a une limite à l’arrogance


Or, il s’agit ici d’une crise humanitaire sans précédent et d’un flux qui est loin de se tarir. C’est une situation exceptionnelle qui exige une réponse exceptionnelle.

On parle ici de 25 000 migrants irréguliers qui ont afflué au Québec, l’année dernière seulement, soit une hausse de 700 % par rapport à 2016. Et, déjà, dans les premiers mois de 2018, leur nombre a atteint les 5700.


Le gouvernement du Québec demande le remboursement de 146 millions de dollars pour couvrir « la totalité des sommes encourues pour la prise en charge des demandeurs d’asile ayant traversé la frontière de façon irrégulière ».


C’est une demande tout à fait raisonnable dans le cadre d’un fédéralisme respectueux des compétences des différents ordres de gouvernement. Le Québec ne devrait même pas le demander. Ça devrait aller de soi, sachant que le dossier est de responsabilité fédérale.


Et que répond le ministre canadien de l’Immigration, Ahmed Hussein ? Le gouvernement fédéral a « déjà fait beaucoup ». Ainsi, le gouvernement Trudeau refile la facture aux Québécois pour l’accueil de milliers de revendicateurs de statut de réfugiés, dont bon nombre ne resteront même pas ici.


Est-il normal que le Québec assume seul le fardeau financier de 50 % de tous les migrants irréguliers qui ont franchi la frontière canado-américaine, alors qu’il s’agit d’une compétence clairement fédérale ? »


Le filet social québécois


Quelques mots en terminant sur la distinction claire dans l’offre politique qui est en train de se dégager en matière de services à la population. Lors de la prochaine élection, les Québécois auront devant eux deux partis fédéralistes clairement à droite.


Le Parti libéral, dont le bilan est teinté par les politiques d’austérité et la réduction –voire la suppression – de services à la population.


Et la CAQ, qui a inspiré le Parti libéral, et qui compte dans ses rangs un économiste comme Youri Chassin, celui qui fait passer les Carlos Leitao et Martin Coiteux pour des gauchistes. Un grand défenseur des privatisations de service, du moins d’état possible. Un adversaire de l’état au service du « bien commun ».


Au cours des cinquante dernières années, le Québec s’est bâti un filet social qui agace beaucoup la droite fiscale. Ainsi, il s’en trouve pour proposer de privatiser la Société des alcools, Hydro-Québec, de passer l’éponge sur les CPE afin de privilégier le privé en matière de service à l’enfance...


Ces deux visions diamétralement opposées seront clairement incarnées lors de la prochaine élection.


La droite fédéraliste a montré ce qu’elle pense du Québec issu de la Révolution tranquille. Que ce soit la CAQ ou le PLQ, ce qu’elle propose c’est son ratatinement, son démantèlement.


Le Parti québécois proposera son rétablissement.


Oui, lors de la prochaine élection, les Québécois auront un choix à faire. Le climat est lourd en ce moment, et ceux qui espèrent que le Québec capitule sont à l’œuvre afin de le faire rentrer dans le rang. Afin de tout faire pour qu’il accepte, enfin, d’être une province comme les autres...