La Cour suprême du Canada a tranché qu'une loi provinciale sur les services essentiels qui restreint le droit de grève des employés du secteur public est inconstitutionnelle et a aussi déterminé que le droit de grève est protégé par la Constitution canadienne.
Dans un jugement 5-2 rendu vendredi, le plus haut tribunal du pays a ainsi bouleversé l'état des relations de travail au pays et l'équilibre des forces employé-employeur.
Les syndicats remportent ainsi une importante bataille, eux qui tentaient depuis de nombreuses années d'obtenir une protection constitutionnelle pour le droit de grève.
En invalidant cette loi de la Saskatchewan sur les services essentiels, la Cour suprême a tranché que «l'interdiction de la grève par la loi entrave substantiellement le droit à un processus véritable de négociation collective et contrevient donc à l'al. 2d [liberté d'association] de la Charte».
Droit de grève
Quant au droit de grève, il «jouit de la protection constitutionnelle en raison de sa fonction cruciale», écrit la majorité de la Cour sous la plume de la juge Rosalie Abella.
Les deux juges qui ont formulé une dissidence sont plutôt d'avis que la Cour suprême ne devrait pas s'immiscer dans l'équilibre délicat établi par les élus en constitutionnalisant le droit de grève.
«Comme les autres protections que la loi accorde aux travailleurs, le droit de grève d'origine législative rend compte de l'équilibre complexe établi par les législateurs entre les intérêts respectifs des employeurs, des salariés et du public. Protéger constitutionnellement le droit de grève a pour effet [...] de limiter le pouvoir des législateurs en les privant de la souplesse nécessaire au maintien de cet équilibre», écrivent les juges dissidents Richard Wagner et Marshall Rothstein.
La loi qui a fait l'objet de l'étude attentive de la Cour suprême était celle adoptée par la Saskatchewan en 2008. La province soutenait que sa loi protège la sécurité de la population en cas de grève.
La Cour suprême a aussi suspendu la déclaration d'invalidité de la loi pour un an, donnant ainsi du temps à la Saskatchewan pour rédiger une nouvelle mouture de sa loi.
Cette loi de la Saskatchewan a limité le droit de débrayage en créant une méthode dite de «grève contrôlée» qui encadrait le nombre de salariés qui ont le droit de refuser de travailler en cas de grève. Ces salariés désignés devaient continuer d'exercer leurs fonctions conformément aux conditions établies par la convention collective la plus récente. Nul mécanisme véritable n'était prévu pour dénouer l'impasse des négociations collectives.
Plusieurs contestations
De nombreux syndicats et de fédérations de travailleurs avaient contesté la constitutionnalité de cette loi, soutenant qu'elle portait atteinte aux droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, notamment la liberté d'association et la liberté d'expression.
De grandes entreprises comme Air Canada sont intervenues dans les procédures et les gouvernements de plusieurs provinces, notamment Québec, ont aussi fait valoir leurs arguments, sentant leurs propres lois sur les services essentiels menacées.
En première instance, le juge a tranché que la loi était invalide. Cette décision a été renversée en Cour d'appel, qui s'est jugée liée par la jurisprudence établie selon laquelle la liberté d'association ne comprend pas le droit de grève.
De son côté, le gouvernement du Québec était en faveur du statu quo.
Il avait plaidé devant la Cour suprême que «la définition statutaire de la grève est susceptible de différer d'une législature à l'autre, ce qui rend sa constitutionnalisation hasardeuse» et qu'en plus «les avantages pour la société [d'une loi sur les services essentiels] l'emportent sur les inconvénients subis par les travailleurs en particulier, s'il en est».
Le régime législatif des relations de travail au Québec est différent de celui qui existait en Saskatchewan. Malgré cela, la décision rendue par la Cour suprême vendredi ne sera pas sans impact: le Québec aussi a une loi sur les services essentiels et a déjà usé de lois pour forcer le retour au travail des employés du secteur public.
COUR SUPRÊME
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