Une grave accusation

Par Guy A. Lepage

17. Actualité archives 2007



Dans [une lettre ouverte dans La Presse de samedi dernier, Victor Lévy-Beaulieu m'a traité de fasciste et de Grand Inquisiteur,->2276] m'accusant d'utiliser mon plateau de télévision tel un bûcher.
En tant que féru du Moyen-Âge, je sais que le Grand Inquisiteur avait une mission, confiée par le Roi ou le Pape, et devait donner apparence de justice tout en servant ses maîtres. Je n'ai pas de maîtres cher Victor, Dieu vous en déplaise! Je suis un contractuel, engagé annuellement par des patrons qui ne peuvent rien d'autre que me congédier s'ils ne sont pas satisfaits de moi, et c'est un scénario qui ne m'effraie pas du tout car je me verrais mal poursuivre un travail dans la contrainte et les contrariétés.
Je suis privilégié d'animer une tribune qui permet à des gens d'émettre des opinions et à d'autres, d'y réagir. À la suite d'une entrevue, que l'invité sorte grandi ou diminué ne changera strictement rien pour moi si les sujets incontournables ont été abordés car j'aime mieux être surpris agréablement par un invité dont je ne partage pas les vues, que réconforté (puisque les mots médiévaux vous fascine tant) par un vassal obséquieux.
À ce Machiavel que j'ai lu au cégep et auquel vous m'associez, je vous répondrai qu'au contraire, je suis plutôt instinctif et pragmatique. Je déteste les gens qui calculent, qui manigancent et qui complotent. J'ai un tel mépris envers ce genre d'individu qu'aucun d'eux n'a le droit de travailler avec moi. Si quelqu'un de mon équipe disait " On va se payer VLB ", par exemple, il serait immédiatement congédié.
Mener Guy Fournier au bûcher, m'accusez-vous? Quelle idée saugrenue! Pour un moqueur comme moi, quel plaisir de voir le président du Conseil d'administration d'une télé publique parler de bestialité libano-hétérosexuelle ainsi que du plaisir jouissif de faire caca. Je trouve ça, à la fois immensément rigolo et immensément provocateur, et pour moi ce sont deux belles qualités. C'eût été Jacques Languirand qui en aurait parlé dans son émission de radio, ou Jean-Claude Germain dans une chronique que le sujet serait déjà clos. Ce sont les éditorialistes, les journalistes politiques et les politiciens qui ont condamné Monsieur Fournier, pas nous! Nous, on s'est juste bidonné! Que faire d'autre devant tant de surréalisme?
Au Moyen-Âge, le Grand Inquisiteur voulait gagner ses causes. Je n'en ai pas ou si peu. Je suis un séparatiste qui ne milite dans aucun parti. En attente d'un pays éventuel, je vis dans un autre pays quand même fort agréable. La politique ne m'attire pas, je n'ai pas l'esprit compétitif, ma morale est élastique et je déteste l'injustice. Voilà vous savez tout de moi. Je sais aussi que Dany Turcotte n'est pas un imbécile, loin de là, c'est un homme d'une grande vivacité et d'une grande humanité et je n'aime pas non plus que vous méprisiez les téléspectateurs qui regardent mon émission.
Divagation coutumière
M'accuser de fascisme est beaucoup plus grave. Des avocats se régaleraient de vous si je leur en donnais la possibilité, ce que je ne ferai pas évidemment. Puisque je revendique le droit de dire ce que je veux et que je laisse mes invités dire ce qu'ils veulent sur mon plateau sans jouer le rôle de censeur, car j'exècre le baîllon, je vais donc vous laisser proférer ce que vous voulez avec votre divagation coutumière.
Cependant, je vais vous rappeler qu'un fasciste est un partisan de l'autorité conservatrice (!), réactionnaire (!), qui impose son pouvoir. Puisque le fasciste est associé directement au nazi, au phalangiste et autre despote, et qu'à mon sens rien de cela ne me convient, je tiens juste à préciser qu'il n'y a rien de plus pathétique qu'un écrivain qui ne connaît pas le sens des mots.
Personnellement, je crois qu'on m'a offert les guides de Tout le monde en parle parce que je suis non-aligné. Les individus m'intéressent plus que les causes, les dissidents plus que les conformistes. J'anime cette émission et en assume le montage avec souci et respect, cherchant à ne jamais trahir les propos de l'invité et en lui donnant toujours la chance de boucler son argumentaire.
Je l'ai fait depuis le début avec équité, autant avec Hubert Reeves et Véronique Cloutier, que Raël et Alfonso Gagliano. Incidemment, il n'y a que ceux qui ont refusé de passer à notre émission qui se plaignent du montage. Les 370 invités qui ont accepté notre invitation par le passé n'ont pas encore manifesté leur déception en public. Bizarre non?
Notre émission vous déplaît? C'est votre droit et j'aime que les gens manifestent leur dissidence. Cela dit, cher Victor, continuez à nous faire parvenir vos nouveaux ouvrages, en plusieurs exemplaires, comme vous le faites assidûment depuis maintenant deux ans. Mais si ce n'est pas pour être invité sur notre plateau, pourquoi le faites-vous donc?
L'auteur anime l'émission Tout le monde en parle. Il réplique ici à un texte de Victor-Lévy Beaulieu intitulé Du fascisme publié le 30 septembre dans La Presse.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mars 2007

    Ailleurs, on ne demande pas aux auteurs de «All My Children» ou de «Days Of Our Lives» de pontifier leur opinion médiocre sur la politique de leur pays, surtout pas pendant une campagne électorale. Pourquoi n'avons nous pas cette rigueur, au Québec?
    Victor Lévy-Beaulieu devrait se concentrer sur sa prochaine banale saga-savon à saveur d'inceste et de secret familial, et laisser les esprits adéquats investir les tribunes.
    A. De La Gardelière