Une femme bousculée

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?



Elle a traversé toutes les tempêtes. Elle a soufflé sur la flamme chaque fois qu'elle a senti que la flamme faiblissait. Elle a joué le jeu de la politique selon les règles établies. Elle a mené des dossiers difficiles avec succès malgré les critiques et les jambettes qui visaient à la faire tomber. Elle a même souri aux journalistes qui la bousculaient souvent. Elle a cherché comment elle devait se présenter devant son peuple pour y trouver les appuis dont elle avait besoin et l'approbation qui lui a toujours fait tellement défaut.
Elle a tout essayé. Elle a travaillé sans relâche depuis trente ans au mieux-être d'une population qui la juge quand même trop bourgeoise ou trop nantie pour la représenter. On lui a même reproché ses foulards choisis avec goût et peut-être lui a-t-on même reproché un mari qui avait eu la mauvaise idée de faire fortune sans réaliser que ça pouvait nuire au succès de son épouse. À travers tout ça, elle a aussi élevé très convenablement quatre enfants. Cette femme a été examinée mur à mur. Elle est blessée profondément.
Elle ne le dira jamais et c'est pourquoi je vais le dire à sa place. Elle a dû avoir souvent l'impression d'être responsable d'une garderie dont les garçons, en culottes courtes, veulent prendre le contrôle. Les petits empereurs en mènent large. La question m'a été posée cent fois au cours des dernières semaines: «Que feriez-vous, vous, à la place de Pauline?»
Je ne peux pas répondre à cette question. Pas vraiment. Car la vérité, c'est que je serais partie depuis longtemps. Je n'aurais jamais accepté de me faire traiter comme on l'a fait avec elle et je crois profondément qu'aucun métier au monde ne mérite qu'on se soumette à un tel châtiment. Je le dis franchement: je n'ai ni la patience ni le sens du devoir que Pauline a démontré à travers ce qu'elle vit. J'aurais claqué la porte bien avant elle.
D'ailleurs, elle l'a fait elle aussi. Je me souviens parfaitement de son adieu à l'Assemblée nationale (cette noble enceinte qui m'a tellement déçue en mon temps) et qui est devenue encore pire à supporter aujourd'hui qu'autrefois. Pauline avait dit qu'elle partait «parce que le coeur n'y était plus». Je sais qu'elle disait la vérité. Elle venait de vivre la défaite devant André Boisclair et ses larmes nous avaient arraché le coeur. Logiquement, elle n'aurait jamais dû revenir. Elle ne l'a fait que parce qu'on est allé la chercher en la suppliant de revenir sauver ce parti qui a toujours été d'une cruauté incroyable avec ceux et celles qui le servent le mieux.
Que peut-elle faire maintenant? Que veut-elle là où elle se trouve? L'espace dont elle dispose est mince entre ce que les journalistes décrivent déjà comme la lutte entre sa résilience et son entêtement. Elle risque de manquer d'air tellement elle pourrait se retrouver à l'étroit.
Elle a beaucoup fait avancer les femmes vers la compréhension de la politique des hommes. Elle a toujours eu le souci de ne pas marcher seule sur ce terrain miné. La bataille qu'elle livre maintenant est une expérience qui manquait encore aux autres femmes, celles qui pourraient envisager de suivre son exemple dans un futur pas si lointain. Son départ, si c'était son choix, en fera fuir plusieurs qui se diront que leur désir de changer le monde peut se réaliser ailleurs qu'en politique et qui ne voudront pas s'exposer à revivre ce que Pauline aura vécu. Elles espéraient tant que Pauline leur ouvrirait la porte du pouvoir jusqu'au sommet dans ce monde si macho auquel les hommes ne veulent rien changer. Ils continuent d'y traiter les femmes comme des étrangères, des fatigantes ou comme un mal nécessaire.
Qu'elle reste ou qu'elle parte, Pauline Marois nous aura permis de comprendre à quel point l'égalité, surtout quand il s'agit de la tête de l'État, suscite encore une réaction semblable au poil à gratter. Ce sont les femmes qui détiennent le secret de «faire de la politique autrement» et c'est pour ça qu'elles dérangent tant.
Quand le coeur n'y sera plus Pauline, la décision de rester ou de partir t'appartiendra. Tu as toujours mené ta vie comme tu l'entendais. Quoi que tu choisisses, tu auras magnifiquement servi les intérêts des femmes et les intérêts du Québec. Tu pourras partir la tête haute en refusant de porter toute seule les erreurs et les caprices du PQ que tu légueras soigneusement à celui qui prendra ta place. Ils sont si nombreux à en rêver...
Je peux t'assurer qu'il y a une vie après la politique. Elle t'attend. Tu vas retrouver du temps, de la sérénité, le goût de rire. Tu seras un jour grand-mère et je t'assure qu'il y a une grande douceur à jouer ce rôle, surtout quand on «revient de guerre» et que la famille vous accueille et vous ouvre les bras.
Ta décision sera la bonne. De moi à toi, avec toute mon amitié.


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