Ils devaient être 70 ; or, ils sont depuis jeudi matin plus de 100 groupes du Québec à s’opposer au projet de loi antiterroriste C-51, estimant que leurs droits de s’exprimer, de manifester et de s’opposer sont ainsi brimés.
« La lutte contre le terrorisme doit viser les terroristes, non pas les adversaires politiques du gouvernement fédéral », ont lancé à l’unisson certains représentants de ces groupes, qui ont rencontré la presse jeudi à Montréal pour exposer leurs doléances face au projet de loi antiterroriste.
À leurs yeux, la définition de ce qui peut être considéré comme une menace à la sécurité nationale, une menace au Canada ou à son développement économique dans ce projet de loi est beaucoup trop large et pourra mener à des dérapages. Des actions et des manifestations comme le blocage d’une route, d’un projet de pipeline, un sit-in ou une grève qui ne respecterait pas les balises du Code canadien du travail pourraient être interprétées comme une entrave au fonctionnement d’infrastructures essentielles, donc visées par la future loi.
Le représentant d’un des groupes d’opposants, Dominique Peschard, de la Ligue des droits et libertés, a fait un parallèle avec la Gendarmerie royale du Canada, qui avait brûlé des granges et volé les listes de membres du Parti québécois dans les années 1970 au nom de la sécurité nationale.
Certains de ces groupes pourraient même emprunter la voie juridique pour contester le projet de loi, au nom de leur liberté d’expression, protégée par la Charte canadienne des droits et libertés.
« Le premier geste qu’on pose aujourd’hui, c’est un geste de mobilisation des groupes de la société civile, un geste de mobilisation citoyenne et, surtout, de conscientisation de la population par rapport au phénomène. Mais par rapport aux voies légales, c’est bien évident qu’il n’y a rien qui est exclu pour nous », a prévenu le président de la CSN, Jacques Létourneau.
Les communautés autochtones également se sentent ciblées par le projet de loi C-51. « Nous, ce qu’on fait, c’est souvent des mobilisations pour un blocus économique sur nos territoires. Donc, on se sent totalement visés par ce projet-là. Et oui, c’est sûr qu’on va aller en cour. Présentement, l’article 35 de la Constitution canadienne reconnaît nos droits ancestraux, nos droits issus de traités. C’est le plus gros levier qu’on a, sauf qu’économiquement, on n’est pas les plus riches. Et aller en cour, ça prend de l’argent, ça prend des ressources », a commenté de son côté Melissa Mollen Dupuis, de l’organisation autochtone Idle No More.
Odette Sarrazin, du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec, croit que même les simples comités de citoyens qui s’opposent au gaz de schiste, à un pipeline qui passe dans leur communauté, pourraient être visés par C-51, au nom du développement économique du Canada.
Le projet de loi prévoit « des mécanismes qui pourraient aller beaucoup plus loin que de viser les groupes à caractère terroriste », estime Jacques Létourneau, de la CSN. « Ceux qui sont devant nous à Ottawa, ce sont des gens qui n’aiment pas les groupes de pression, qui n’aiment pas l’opposition, qui n’aiment pas les syndicats et les groupes environnementalistes. Dans ce sens-là, C-51, à plusieurs égards, c’est extrêmement inquiétant », a opiné le dirigeant syndical.
Blaney réplique
À Ottawa, le ministère de la Sécurité publique, Steven Blaney, s’est défendu de vouloir nuire aux droits et libertés des citoyens avec C-51.
« Nous rejetons l’argument selon lequel chaque fois qu’il est question de sécurité, nos libertés sont menacées. Les Canadiens comprennent que leur liberté et leur sécurité vont de pair. Les Canadiens attendent de nous que nous les protégions, et c’est exactement ce que font les mesures de précaution contenues dans le projet de loi », a-t-il fait valoir. Il a ajouté que les mesures proposées « protègent spécifiquement les activités licites de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord ».
PROJET DE LOI C-51
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