Ainsi donc les vautours ont pris leur envol. Du haut des airs, ils vocifèrent et crachent leur fiel aux quatre vents. Ils abandonnent précipitamment les épinettes rabougries poussant au milieu du champ de ruines où ils s’étaient piteusement réfugiés à l’issue des tempêtes passées. Pour mieux s’élancer maintenant, leurs becs crochus et leurs serres acérées droit devant, vers une proie qu’ils croient potentielle. Ils veulent se repaître enfin de la carcasse d’une cheffe exemplaire qui a commis une seule faute: celle de s’éloigner de la stratégie aplaventriste de Gilles Duceppe. Martine Ouellet, elle, préfère bomber le torse face à nos adversaires. Elle veut libérer le Québec enfin et elle prend les moyens pour y arriver. Crime de lèse-majesté grave s’il en est un quand on est bloquiste, il faut croire!
J’ai voté pour Martine Ouellet partout où elle a voulu faire rayonner cette pensée forte. Et je revoterais pour elle, demain matin, et avec grand enthousiasme qui plus est, s’il le fallait. Je la trouvais solide par le passé. La voir aujourd’hui manoeuvrer face à tous ces requins voraces, opportunistes de leur état passé et encore présent semble-t-il, me la fait admirer encore davantage. Là où Mario Beaulieu s’est effondré – et je dis cela en tout respect pour M. Beaulieu-, elle, cette femme exemplaire, résiste! Parce qu’elle est femme, de petits personnages à cravate tentent de la faire passer pour une folle hystérique qu’on devrait ligoter et pousser dans le coin, bien à l’abri des regards. Alors qu’elle ne fait que se défendre, avec l’énergie du désespoir, face à des cagoulards nouveau genre qui ne prennent aucun répit lorsque vient le temps de lui faire des misères. Son attitude force l’admiration sans faille. Quelle grande dame de notre Québec quand même!
Aujourd’hui, le gang à Gilles Duceppe signe une lettre hypocrite dans les pages du Devoir. Ils opposent les stratégies attentistes et déterminées en affirmant, grosso modo, que seul l’attentisme peut porter des fruits. On est étonnés! Il demeure que la stratégie déterminée n’a à peu près jamais été mise en branle dans la “famille” souverainiste, hormis sous le règne de Jacques Parizeau, en chemin qu’il était vers 1995. Et M. Duceppe a beau prétendre que l’attentisme est encore la bonne façon de parvenir à notre but à nous, Québécois, en 2018, il se trouve que c’est cette même approche qui l’a contraint à rentrer dans ses terres en 2011, la queue entre les jambes. Son échec est dû au fait qu’à la moindre occasion où un NPD parle de respecter le Québec le moindrement, le Bloc attentiste n’a plus aucune raison d’être. Car il est trop semblable à ce même NPD. On a pleinement compris à cette époque que l’attentisme peut être très néfaste lorsque employé dans certains contextes. Et il est démontré, de mille et une façons, que cette approche ne conduit de toute façon pas au pays. Vouloir aujourd’hui, en tant que bloquistes, employer une autre stratégie pour parvenir à nos fins est intelligent et la chose à faire; il faut quand même être un peu dur de comprenure pour vouloir toujours répéter les mêmes erreurs d’un passé plus ou moins lointain.
Et de toute façon, quoiqu’on pense de la position de Martine Ouellet ou des idées politiques de Gilles Duceppe, il n’en demeure pas moins que Mme Ouellet devrait avoir le droit d’appliquer son programme puisqu’il en va du souhait même des membres du parti qu’il en aille ainsi, eux qui ont accepté de bon coeur qu’elle les dirige. Elle devrait pouvoir faire son travail exigeant et difficile sans que des hordes de l’ombre manigancent sans scrupules contre elle. Un moment donné, on est pour la démocratie ou est contre. Et ceux qui sont contre, comme on le sait tous, portent des étiquettes fort peu respectables; voire honorables.
Tout ceci étant maintenant dit, il y a un passage dans le texte de M. Duceppe – là où je repère plus particulièrement l’hypocrisie – qui m’a fait sursauter plus que tout le reste. C’est lorsqu’il écrit, mièvrement: “nous comprenons tout à fait le départ des sept députés”. J’espère bien que Gilles Duceppe comprend le départ de ces députés puisqu’il y travaille, avec l’appui de son clan, depuis des années maintenant! Le retraité Gilles Duceppe refuse obstinément que le Bloc devienne franchement indépendantiste et il prend tous les moyens, en coulisses, pour y parvenir. Il faut se souvenir que Gilles Duceppe a tout fait pour bloquer Mario Beaulieu lorsqu’il marchait vers la chefferie du Bloc. Il a oeuvré à sa chute disgracieuse une fois que cet ancien président de la SSJBM fut parvenu au sommet; pour prendre sa place, qui plus est, le temps d’une campagne électorale au cours de laquelle il fut rossé encore une fois. Gilles Duceppe réserve aujourd’hui le même traitement à Martine Ouellet. Il veut sa tête. Comme il a eu celle de M. Beaulieu. Et il prend tous les moyens pour y parvenir.
Est-ce qu’une telle attitude de Gilles Duceppe me surprend? Pas le moins du monde! Il y a des lustres qu’il se comporte ainsi à l’égard des indépendantistes. Dans une autre vie, je luttais pour l’indépendance aux côtés du courageux et flamboyant cinéaste que fut Pierre Falardeau. L’organisation que nous avions ensemble mise sur pied et qui nous permettait d’atteindre la place publique avait un style bien à elle. Lorsque venait le temps de promouvoir la liberté du Québec, nous n’avions pas la langue dans nos poches, c’est le cas de le dire. Et cela ne plaisait pas à Gilles Duceppe. Il a conséquemment manigancé contre notre maison d’édition, il a fait du chantage à l’égard de notre journal pour que nous mettions Falardeau à la porte (se faire congédier d’un poste bénévole, la belle affaire!), il nous a condamnés publiquement et il a fait par la suite grande pression sur les organismes indépendantistes qui osaient m’inviter à prendre la parole sur une tribune ou une autre pour qu’ils me retirent des menus des soirées. Pour le dire plus clairement: Gilles Duceppe a tout fait pour nous faire disparaître, moi, l’organisation du “Québécois” ainsi que son illustre porte-parole Falardeau. Il l’a fait si énergiquement, et en plus avec le soutien des anciens sbires à Lucien Bouchard (François Leblanc pour ne pas le nommer), que Jacques Parizeau lui-même dut intervenir en notre faveur. C’est dire!
C’est triste quand on y pense deux minutes. Gilles Duceppe a des qualités indéniables, mais il les a mises de côté trop souvent pour s’investir dans des combats malsains contre des militants indépendantistes. Je suis certainement un grand naïf de le croire, mais il me semble que nous devrions tous nous investir dans cette lutte devant mener le Québec à la liberté dans la fraternité et la solidarité, sans que des patriotes parmi nous soient obligés en permanence de surveiller leurs arrières afin d’éviter les tirs amis, tirs qu’ils reçoivent dans le dos allègrement parce qu’ils sont pressés d’arriver enfin au pays du Québec. Et c’est ainsi que notre beau rêve de liberté sombre sur les écueils des luttes fratricides, luttes qui persistent malgré les époques qui se succèdent les unes aux autres.
En s’opposant à Martine Ouellet, les troupes de Gilles Duceppe perpétuent un tel héritage empoisonné. Ils se mobilisent encore une fois contre les indépendantistes déterminés, desservant de ce fait la cause qu’ils prétendent pourtant servir. Leur odieuse cabale dure depuis trop longtemps maintenant. Il est grandement temps que tous ces gens acceptent la douceur de la retraite et laissent leurs successeurs indépendantistes agir à leur guise, de la façon intelligente dont ils sont pleinement capables. Gilles Duceppe et les siens doivent comprendre que la formule “après moi, le déluge” est peut-être sympathique et rassurante lorsqu’elle s’incruste dans nos petites têtes de moineau, mais ça demeure quand même une formule aussi fausse que les diamants du Canada!