l’illusion de la démocratie électorale bourgeoise

Une autre commission d'enquête pour préparer les élections

Quand une telle commission d’enquête (Commission Charbonneau) est instituée c’est le signal que la grande bourgeoisie s’apprête à donner congé à l’un de ses partis de pouvoir, pour le retourner momentanément dans l’opposition, et appeler l’autre parti d’alternance à la barre de gouvernance.

Corruption politique


UNE AUTRE COMMISSION D’ENQUÊTE
Les politiciens déchirent leur chemise sur la place publique à propos des pots de vin, back chiches, trafic d’influence et pillage des crédits gouvernementaux qui a cours dans l’industrie de la construction à la faveur des grands travaux publics – supers hôpitaux universitaires et sièges sociaux d’organismes para gouvernementaux – réfection des réseaux d’aqueducs, d’égouts, des ponts et chaussés du Québec. Ces pratiques mafieuses sont récurrentes mais chaque fois les médias et la bourgeoisie font des éclats et jurent qu’ils ne savaient pas (alors que ce sont ses représentants politiques, ses contracteurs et ses bureaucrates qui organisent ces prévarications) et ils exigent une commission d’enquête qui refera toute la lumière sur ces pratiques frauduleuses, évidemment les mêmes exposées par les commissions antérieures.
Quand une telle commission d’enquête (Commission Charbonneau) est instituée c’est le signal que la grande bourgeoisie s’apprête à donner congé à l’un de ses partis de pouvoir, pour le retourner momentanément dans l’opposition, et appeler l’autre parti d’alternance à la barre de gouvernance.
Présentement au Québec la situation politique est particulièrement compliquée. Au moment même ou le Parti Libéral se voit imposer la tenue de cette commission d’enquête, qui mettra au jour ses frauduleuses méthodes de financement électoral, la commission devrait également éclabousser le parti d’alternance, le Parti Québécois, qui était au gouvernement quelques années auparavant et bénéficiait de ce frauduleux mode de financement.
Qui plus est, au PQ le torchon brûle entre l’aile souverainiste et l’aile pragmatique, consciente que la seule façon de revenir aux affaires et de tremper son chignon dans le chaudron gouvernemental, consiste à mettre l’option au placard et à se laisser porter par la vague des « indignés ».
Il est aisé d’observer que le Parti Québécois n’est plus le second choix de pouvoir de la grande bourgeoisie québécoise. C’est ici qu’apparaît une nouvelle vieille option, la Coalition pour l’Avenir du Québec (CAQ) du duo Legault-Sirois, la troisième voie du puzzle électoral québécois. Pourquoi l’apparition de ce parti champignon dans la couche politique provinciale ? Nous y reviendrons dans la dernière partie de cet écrit, au préalable, revisitons l’histoire de la politique nationale pour voir ce qu’on nous présente d’original.
RAPPEL HISTORIQUE
Après l’enquête du Comité des comptes publics de l’Assemblée législative dénonçant les prévarications du gouvernement d’Alexandre Taschereau (1920-1936) le Parti Libéral se scinda en deux et l’Action Libérale Nationale (ALN) vit le jour. L’Union Nationale de Maurice Duplessis, nouvellement formée des reliquats du Parti Conservateur, absorba l’ALN et s’empara du pouvoir en 1936. Ce fut le premier mandat de Duplessis, que le grand capital réinstalla au Parlement de Québec entre 1944 et 1959, période que la petite bourgeoisie intellectuelle appellera plus tard « La grande noirceur ». Le programme politique de Duplessis se résumait à ceci : « Ramenons notre butin d’Ottawa ».
En 1960, l’Union Nationale, coupable de trafic d’influence caractérisé (scandale du Gaz naturel puis Commission Salvas), fut retournée sur les bancs opposés par ses grands patrons et le « nouveau » Parti Libéral du Québec, dirigé par Jean Lesage et son « Équipe du tonnerre » fut placé à la tête de l’État provincial afin d’enclencher la « Révolution tranquille des Maîtres chez-nous », un vaste programme de modernisation des conditions de reproduction et d’exploitation de la force de travail au Québec. En très peu de temps furent mis à niveau les services médicaux, les services sociaux, l’assurance chômage pour l’armée de réserve, le système d’éducation et de formation aux métiers industriels. Les infrastructures publiques, dont électriques, furent portées au diapason pour une exploitation efficiente des ressources naturelles et des ouvriers par l’impérialisme américain et la grande bourgeoisie canadienne, comprenant sa section québécoise en expansion.
Puis ce fut Daniel Johnson de l’Union Nationale (1966) dont le slogan était « Égalité ou indépendance ». Égalité dans le repartage des taxes et des impôts ainsi que de l’usufruit de l’exploitation des ressour-ces naturelles et du prolétariat québécois ou alors « menace et chantage à l’indépendance nationale ».
En 1976, après la Commission d’enquête Cliche sur l’industrie de la construction, le gouvernement Libéral de Robert Bourassa fut balayé et remplacé par un nouveau Parti porté par la grande bourgeoisie, le Parti Québécois de René Lévesque, un transfuge nationaliste du Parti Libéral répudié par ses maîtres. Le Parti Québécois aggloméra les restes de l’Union Nationale en décrépitude, du Ralliement Créditiste décadent et du Rassemblement pour l’Indépendance Nationale déclinant. Ce dernier parti, bien que droitiste et chauvin, s’avérait trop irrédentiste dans ses visées indépendantiste pour constituer le choix du grand capital québécois qui souhaitait bien le chantage à l’indépendance mais sans jamais la réaliser.
Après une suite d’échecs à commencer par le premier référendum (1980), puis le référendum sur l’accord de Charlottetown, puis le second référendum nationaliste (1995), mené par une section dissidente de la moyenne et de la petite bourgeoisie, le gouvernement péquiste de Parizeau – Bouchard – Landry (1994-2003), compromis dans des scandales politico-financiers, fut retourné dans l’opposition et remplacé par le gouvernement Libéral qui poursuivit la politique de repartage des revenus et des redevances recueillis de la spoliation des ressources naturelles, de la plus value ouvrière, des taxes et des impôts (ALENA, repartage de la péréquation fédérale et des revenus de la TPS-TVQ harmonisée.
LA CRISE ÉCONOMIQUE COMMANDE LE PRAGMATISME
La grande bourgeoisie canadienne – y compris sa section québécoise – à mesure que s’approfondit la grave crise économique qui ébranle la structure du capitalisme monopoliste atlantiste (OTAN-FMI-Banque Mondiale) face à son concurrent chinois (Alliance de Shanghai), n’a que faire de ces batailles d’arrières gardes à propos du partage des oripeaux nationaux. C’est sa survie en tant que classe dominante et le salut de son système économico-politique qui la préoccupe grandement. La classe impérialiste canadienne – comprenant sa section québécoise – n’a plus besoin d’un parti indépendantiste pour mener le « chantage à l’indépendance » qui risquerait d’affaiblir la structure d’État canadienne au milieu des tempêtes systémiques qui s’en viennent.
La question nationale et le « chantage à l’indépendance » ne sont plus à l’ordre du jour ni pour l’impérialisme américain, ni pour la grande bourgeoisie impérialiste canadienne, ni pour sa section québécoise qui se rallie et abandonne le Titanic péquiste-souverainiste. Ce que la grande bourgeoisie impérialiste canadienne recherche c’est un parti politique qui aura pour objectif de réduire tous les programmes publics de service à la population et de soutien à la reproduction de la force de travail – main d’oeuvre qualifiée inutilisée puisque l’industrie est déjà délocalisée vers les pays émergents aux salaires de misères – cette grande bourgeoisie a besoin d’un parti de pouvoir qui redirigera les crédits ainsi détournés directement dans les poches des entrepreneurs en construction et en direction des banquiers affamés dont les profits sont secoués et dont le capital financier est mis à mal par les crises économiques en rafales.
Le Parti Conservateur de Stephen Harper accomplit déjà cette tâche au fédéral, et si la situation se corse davantage le Nouveau Parti Démocratique sera appelé à la barre comme chaque fois que la grande bourgeoisie a besoin des sociaux-démocrates pour démobiliser les ouvriers.
Quel parti bourgeois jouera ce rôle à l’Assemblée nationale ? La commission d’enquête sur les prévarications dans l’industrie de la construction devrait exposer le Parti Libéral aussi bien que le Parti Québécois et les repousser tous les deux dans l’opposition puisqu’ils se montrent, l’un comme l’autre, incapable de mettre en place un programme d’austérité et de compression budgétaire à la mesure des besoins de la grande bourgeoisie d’affaires et de réorienter ces fonds publics spoliés dans les goussets des banquiers.
Le Parti québécois, depuis quelques mois, organise l’exfiltration des irrédentistes de son aile « indépendantiste » – une suite de fragments de l’arche péquiste, encore accrochée au fantasme autonomiste n’ayant pas compris que la tactique du « chantage à l’indépendance » est surfétatoire et terminée – ; alors que ce parti consolide son aile des – « bons gestionnaires » – dirigée par Pauline Marois, qui n’aspire qu’a reprendre le contrôle de la moulinette à contrats et à gouverner. Voilà pourquoi trois groupuscules séparatistes s’agiotent présentement pour récupérer les nostalgiques du rafiot souverainiste (bureaucrates syndicaux, aristocrates ouvriers, petite bourgeoisie intellectuelle et professionnelle, affairistes et colonie artistique) et à raviver le mythe chauvin du Québec inc. ce dont les pontifes péquistes se réjouissent grandement.
Mario Dumont n’ayant pas réussi l’exploit en 2008, cette fois la tâche a été confiée au trio Legault – Deltel – Sirois, les « sondages orientés » et la couverture médiatique des « puissances d’argent » feront le reste. L’appareil médiatique des riches (Quebecor-Gesca-Radio-Canada) est à l’œuvre depuis un an environ, annonçant la progression de son canasson dans les intentions de vote de la population. Chaque sondage conforte cette mystification, si bien que les électeurs finiront par déclarer leurs intentions de voter Legault sans rien connaître de ce bedeau.
La seule manière pour le Parti Libéral et pour le Parti Québécois de s’accrocher au pouvoir, de s’accaparer le contrôle de l’assiette au beurre gouvernemental et de sauver leur peau de sous-fifres politiques, sera de piller le programme électoral de la CAQ et de proposer de le réaliser en lieu et place de cette clique (Coalition pour l’Avenir du Québec).
Chers électeurs et chères électrices bientôt vous aurez le choix entre trois partis bourgeois au service des riches et aux programmes identiques, ou encore, entre trois partis politiques souverainistes sans solutions à vos problèmes économiques et ne risquant nullement de former le prochain gouvernement. C’est cela l’illusion de la démocratie électorale bourgeoise.
Salutations.
Robert Bibeau


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