Un terrible dilemme

Le PLQ a vécu bien des péripéties dans sa longue histoire, mais le congrès de la fin de semaine, qui suscite un intérêt très inhabituel, marquera peut-être un tournant.

PLQ - congrès d'octobre 2011



Le militant libéral Martin Drapeau a connu son heure de gloire l'an dernier au conseil général de Lévis, quand il a vainement tenté de soulever un débat sur l'opportunité de tenir une enquête publique sur l'industrie de la construction. Incapable de trouver un coproposeur parmi les 600 délégués présents dans la salle, il est devenu le symbole d'une omerta qui a nui considérablement à l'image du PLQ.
Visiblement, M. Drapeau a apprécié cette expérience médiatique, mais il fait le jeu du premier ministre Charest, cette fois-ci, en présentant l'opposition à la «patente» concoctée par le gouvernement comme un test de son leadership.
Sa sortie teintera inévitablement la résolution d'urgence que certains tenteront de présenter ce matin au congrès afin de donner des dents à la commission qui sera présidée par la juge France Charbonneau.
Les délégués ne peuvent qu'être ébranlés par la condamnation presque unanime des restrictions imposées à la commission, en particulier par le blâme du Barreau. Le verdict de la population que traduit le dernier sondage Léger Marketing-QMI est sans appel et il y a fort à parier que cela se répercutera sur les intentions de vote.
Les militants libéraux ne sont cependant pas disposés pour autant à désavouer M. Charest. À la différence du PQ, la loyauté au chef fait partie des valeurs fondamentales du PLQ, même quand celui-ci s'entête dans l'erreur, et les pressions qui seront exercées pour les maintenir dans le droit chemin seront très lourdes.
En mai 2006, il était manifeste que le gouvernement s'était fourvoyé en voulant privatiser le mont Orford. Peu importe, les délégués au conseil général réunis à Trois-Rivières avaient rejeté massivement une résolution émanant de l'Estrie qui lui demandait très respectueusement d'explorer d'autres avenues.
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La perspective de céder un parc national à des intérêts privés avait suscité une réprobation quasi unanime, mais elle n'avait pas atteint le niveau de la colère que provoque ce qui est perçu depuis deux ans comme un refus systématique de s'attaquer à la gangrène de la corruption parce que le PLQ aurait trop à y perdre.
Il est difficile de dire dans quelle mesure M. Charest croyait que sa commission bidon réussirait à apaiser la grogne, mais ce n'est clairement pas le cas. Jusqu'à présent, il a toujours tablé sur le passage du temps: tôt ou tard, l'opinion publique finirait par se lasser et par passer à autre chose. Sauf qu'il reste de moins en moins de temps d'ici les prochaines élections.
Sa dernière initiative place les militants libéraux devant un dilemme cornélien. Ou bien ils s'écrasent en appuyant une mesure que la population rejette presque unanimement et c'est le PLQ tout entier qui subira l'opprobre, ou bien ils se rebiffent au risque de compromettre irrémédiablement le leadership du premier ministre.
Il y aurait sans doute moyen de trouver un artifice procédurier pour empêcher le dépôt d'une proposition d'urgence, mais l'effet serait encore plus désastreux. L'idéal serait que M. Charest ravale son orgueil et se ravise, comme il l'avait fait en l'espace de 24 heures dans le cas des subventions aux écoles juives, quand il s'était rendu compte qu'il s'était enfermé dans un cul-de-sac. On peut toujours rêver...
Aussi bien Pauline Marois que François Legault se sont engagés à redonner à la commission Charbonneau les pouvoirs prévus par la loi. S'il y a des choses désagréables à découvrir au PLQ, elles le seront donc de toute manière.
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Mon collègue Yves Boisvert rapportait dans La Presse d'hier le malaise que M. Charest a créé à la Cour supérieure en utilisant une de ses juges à des fins politiques, comme il l'avait fait avec Michel Bastarache. C'est le prestige de toute l'institution qui risque d'en pâtir, craint-on.
Le PLQ est lui aussi une institution séculaire, dont M. Charest est simplement le fiduciaire. Un jour ou l'autre, plus tôt que tard, il devra passer le relais à un(e) autre. Dans quel état laissera-t-il le parti des Godbout, Lapalme, Lesage et Bourassa? Le «bâtisseur» sera-t-il plutôt le fossoyeur?
D'une élection à l'autre, les libéraux ont toujours pu compter sur leur clientèle anglophone et allophone, qui leur assurait un minimum de circonscriptions, même dans le cas d'une vague contraire. Faire élire un député péquiste dans la moitié ouest de l'île de Montréal était mission impossible.
L'entrée en scène de François Legault pourrait bien changer une situation apparemment immuable. Le récent sondage Léger Marketing-Le Devoir crédite son futur parti de 24 % des intentions de vote chez les non-francophones.
Cela demeure nettement inférieur aux 55 % recueillis par le PLQ, mais cela pourrait être suffisant pour permettre à M. Legault de lui arracher quelques-unes de ses forteresses à forte proportion allophone. Plus que jamais, il en serait réduit à n'être que «le parti des Anglais».
Le PLQ a vécu bien des péripéties dans sa longue histoire, mais le congrès de la fin de semaine, qui suscite un intérêt très inhabituel, marquera peut-être un tournant.


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