Un siècle pour restaurer 700 sites miniers

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Les promoteurs ont disparu avec les profits en nous laissant les factures

Au rythme actuel des investissements consentis par l’État, le Québec mettra près d’un siècle pour venir à bout de la restauration environnementale des 700 sites miniers abandonnés de la province, a constaté Le Devoir. Et pour le moment, le ministère des Ressources naturelles n’a toujours pas de plan formel pour mettre un terme à cet héritage toxique.

De nouvelles données obtenues auprès du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) indiquent que le gouvernement du Québec a dépensé près de 103 millions de dollars au cours des huit dernières années dans la gestion du « passif environnemental minier ».

Ce montant équivaut à une moyenne annuelle de 12,8 millions de dollars depuis que Québec a inscrit ces sites abandonnés aux comptes publics, en 2007. Après avoir dépassé les 15 millions de dollars par année entre 2011 et 2013, les dépenses pour la restauration ont chuté à 10,6 millions l’an dernier.

Or, la facture totale chiffrée par le MERN en mars 2013 précise que l’État québécois devra injecter 1,2 milliard de dollars de fonds publics pour compléter la restauration des 700 sites disséminés sur le territoire. En supposant que le gouvernement décide de maintenir la moyenne annuelle actuelle des montants dépensés, il faudra un total de 93 ans pour venir à bout de cet héritage, fruit de décennies de négligence environnementale.

En calculant les redevances minières perçues par l’État et celles estimées pour la période 2012-2017, la facture totale pour la restauration des sites miniers orphelins équivaut en outre à se priver complètement de redevances pendant une décennie. Ce montant est également similaire à ce qu’il faudrait investir pour régler les problèmes de qualité de l’air des écoles de Montréal, selon la Coalition pour des écoles saines.

Fait à noter, la facture connue à l’heure actuelle pourrait devoir être revue à la hausse. Par exemple, l’automne dernier, la mine Québec Lithium a fermé prématurément ses portes, et ce, avant même d’avoir versé un sou de la garantie financière censée permettre la restauration du site minier. Or, cette garantie avait été fixée à 25,6 millions de dollars. Et en plus de devoir assumer la facture, les contribuables pourraient devoir faire une croix sur des aides financières totalisant 65 millions accordées par Investissement Québec.

Par ailleurs, on ne sait pas, à l’heure actuelle, si d’autres projets miniers n’ont toujours pas versé la garantie financière pour la restauration de leur site d’exploitation, une fois le minerai tiré du sol. En théorie, la loi oblige les exploitants à déposer une garantie financière couvrant 100 % des coûts de restauration.

Exception notable, les fosses à ciel ouvert sont exclues de cette mesure. Or, les principaux projets en développement au Québec à l’heure actuelle sont justement des mines comportant de gigantesques fosses à ciel ouvert. Cela signifie que les fosses de mines comme Osisko, à Malartic, resteront bien présentes dans le paysage pendant au moins plusieurs décennies.

Aucun plan

Même si la restauration des sites miniers abandonnés, entièrement assumée par le trésor public, nécessitera des investissements substantiels pour plusieurs années, le gouvernement du Québec n’a aucun plan formel pour encadrer la mise en oeuvre de ces dépenses.

Le MERN a confirmé au Devoir qu’aucun plan d’action n’existe. Une mesure inscrite dans le budget 2012-2013 indique simplement que la mise en place d’un « plan de réhabilitation » est envisagée dans le but de réduire le « passif environnemental » réel (880 millions) de 50 % sur une période de 10 ans devant se terminer en 2022. Cela voudrait dire que le gouvernement aurait dû faire passer les investissements annuels à quelque 40 millions, et ce, depuis déjà deux ans. Cela n’a pas été fait.

Selon les informations publiées par le MERN, 198 des quelque 700 sites abandonnés sont d’anciennes mines ayant connu une exploitation. Au moins une cinquantaine de ces sites ont besoin de travaux de décontamination qualifiés de majeurs par Québec. Des travaux de restauration ont d’ailleurs été entrepris en priorité sur ces sites problématiques, dont certains contiennent d’importantes quantités de résidus miniers acides.

Plusieurs sites sont situés en Abitibi-Témiscamingue, une région où l’industrie minière est très présente depuis plusieurs décennies. Dans certains cas, des métaux lourds doivent être récupérés, notamment pour éviter davantage de migration de la pollution. Bien souvent, de l’équipement a été laissé à l’abandon, ou encore des camps miniers entiers.

L’État doit aussi décontaminer un total de 488 sites d’exploration minière. Seulement au Nunavik, on compte 275 de ces sites, dont 18 sites ont été classés « majeurs ».

Pour régler le cas des sites orphelins qui sont à la charge de Québec, la Coalition Québec meilleure mine a déjà proposé l’adoption d’une redevance spéciale d’environ 1 % pour financer un fonds de restauration des sites miniers abandonnés au Québec. Cette proposition a été rejetée non seulement par l’industrie minière, mais aussi par les gouvernements libéral et péquiste.


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