Un Québécois de souche sur six a tenu des propos intolérants

«Il faut prendre les résultats avec un grain de sel. Ça permet seulement de dégager des grandes tendances»

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et les autres pas-de-souche?...

Un Québécois de souche sur six a tenu des propos intolérants
Les analystes ont étudiés les propos tenus lors de 22 forums entre le 10 septembre et le 13 décembre. (Photo François Roy, La Presse)


Laura-Julie Perreault - Un Québécois de souche sur six qui a pris la parole lors des très médiatisés forums de la commission Bouchard-Taylor a tenu des propos racistes, hostiles ou stéréotypés, révèle une nouvelle étude rendue publique hier. Et contrairement à ce que beaucoup croyaient, les Québécois des régions n'ont pas été plus intolérants que les Montréalais.

Trois experts indépendants, embauchés par la commission Bouchard-Taylor, ont passé en revue tous les propos tenus lors des 22 forums populaires, soit près de 1000 interventions. Jugeant par l'accent des intervenants, leurs noms de famille et la présentation que les gens faisaient d'eux-mêmes, les trois analystes n'ont gardé que les témoignages des «Québécois d'origine franco-canadienne» et les ont ensuite triés en cinq catégories, allant des propos les plus racistes aux plus tolérants.
Modérés majoritaires
Les spécialistes de l'analyse du discours Myriam Spielvogel, Mauricio Segura, Geneviève Letarte ont jugé que 14,51% des discours entendus en région étaient soit ouvertement xénophobes et racistes, soit négatifs car basés sur des stéréotypes et des préjugés. À Montréal, les propos comparables ont été tenus par 13,44% des intervenants entendus par le sociologue et historien Gérard Bouchard et le philosophe Charles Taylor.
La catégorie des modérés a cependant eu le plus d'adhérents. En région, 47,16% des participants aux forums qui ont exprimé leur opinion sur les accommodements raisonnables et sur l'intégration des immigrants l'ont fait de manière «balancé, nuancé», selon les analystes. À Montréal, les modérés représentaient un intervenant sur deux.
Les «pluralistes» sont arrivés juste derrière. Un Québécois sur cinq qui a réussi à prendre le micro s'est porté à la défense des immigrants.
Les deux coprésidents de la commission, qui ont réagi hier par communiqué de presse, se réjouissent des résultats de l'étude qui se veut un compte rendu sommaire de trois mois de consultation populaire. «Les forums de citoyens représentaient un défi de taille dont les risques étaient bien connus. Ils ont donné lieu, et c'était sans doute le prix à payer, à certains débordements. Toutefois, dans l'ensemble, cette expérience sans précédent, unique en son genre, s'est déroulée avec beaucoup de modération et de sincérité», écrivent les commissaires, répondant du coup aux commentateurs qui ont qualifié les forums populaires de séance de thérapie collective et de déversoirs de haine.
C'est aussi pour répondre à d'autres critiques, qui décriaient une vague de racisme parmi la population du Québec, que la commission a demandé d'isoler seulement les témoignages des Québécois de souche, a expliqué hier le porte-parole de la commission, Sylvain Leclerc.
«À prendre avec un grain de sel»
Le sociologue Rachad Antonius, qui a analysé les résultats de l'étude, met en garde ceux qui voudraient voir dans les nouvelles statistiques un portrait fidèle du Québec. Selon ce professeur de l'Université du Québec à Montréal, l'échantillon étudié, composé de volontaires qui ont fait l'effort de se déplacer pour participer au forum, n'est pas représentatif de la population en général. De plus, le système de classement des trois experts est approximatif.
«Il faut prendre les résultats avec un grain de sel. Ça permet seulement de dégager des grandes tendances», a dit hier à La Presse M. Antonius.
Cependant, le chercheur croit qu'il serait mal avisé de balayer sous le tapis les témoignages racistes qui ont été entendus au cours des derniers mois. «Il ne faut pas sous-estimer l'impact du 15% qui a tenu des propos intolérants. La classe politique doit envoyer un message fort et elle ne l'a pas fait jusqu'à maintenant», a dit hier M. Antonius.
L'analyse des trois spécialistes vient s'ajouter à la montagne de mémoires et d'avis d'experts que les deux commissaires ont en main pour écrire leur rapport. Le document doit être remis au gouvernement du Québec le 31 mars 2008. D'ici là, les deux commissaires tiendront un dernier forum national, le 3 février, à Montréal, organisé en collaboration avec l'Institut du nouveau monde.
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Cinq catégories
La Presse
Les trois juges devaient trier en cinq catégories les propos entendus lors des forums. Voici la grille qu'ils ont utilisée et des exemples qu'ils ont relevés.


> Catégorie 1: raciste. Propos ouvertement xénophobes, racistes, inadmissibles.
Exemple: «J'ai vécu parmi les musulmans. Je les ai endurés et là je m'aperçois que je suis obligé de les endurer encore.»
> Catégorie 2: négatifs. Propos maladroits, irréfléchis, pouvant blesser, qui manifestent de l'ignorance, reprennent des stéréotypes, des préjugés.
Exemple: «Si l'on ne veut pas s'intégrer et qu'on veut imposer son mode de vie, alors on doit repartir.»
> Catégorie 3: modérés. Propos balancés, nuancés, parfois critiques, relevant de grands principes.
Exemple: «En tant que peuple, notre identité est encore fragile. On veut vivre avec les immigrants, mais ils doivent s'intégrer à nos manières de faire.»
> Catégorie 4: pluralistes. Propos qui se portent à la défense des immigrants et des communautés culturelles; apologie des vertus civiques (accueil, entente).
Exemple: «On a beaucoup à apprendre des immigrants, leur culture enrichit la nôtre.»
> Catégorie 5: autres. Propos respectueux, mais qui ne portaient pas sur les thèmes abordés par la commission.
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Une modération discutable
Laura-Julie Perreault
La Presse
La méthodologie utilisée par les trois chercheurs qui ont analysé les propos tenus par les Québécois de souche pendant les forums de la commission Bouchard-Taylor ne fait pas l'unanimité. Le terme «modéré», choisi pour départager les individus qui ont tenu des propos «nuancés», inquiète notamment le directeur général de la table de concertation oeuvrant auprès des personnes réfugiées et immigrantes, Stephan Reichhold.



M. Reichhold a sursauté quand La Presse lui a lu hier soir la citation que les analystes ont retenue pour définir la catégorie des modérés, dans laquelle se retrouve 50% des Québécois d'origine franco-canadienne ayant pris la parole au cours des forums: «En tant que peuple, notre identité est fragile. On veut vivre avec les immigrants, mais ils doivent s'intégrer à nos manières de faire.»
Ce propos, soutient M. Reichhold, est peut-être modéré, mais il est loin de démontrer une ouverture à l'immigration. «C'est là que le bât blesse. Dans les soi-disant modérés qui sont proches des nationalistes, de l'Action démocratique. Le problème, ce n'est pas les racistes et les xénophobes qui sont très minoritaires, c'est la majorité silencieuse qui sent un malaise, qui a peur de se faire envahir, qui connaît mal l'immigration», a dit hier M. Reichhold. L'organisation qu'il dirige regroupe 127 organismes qui travaillent auprès des immigrants.
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