J’entends déjà les réactions des tenantes d’une certaine mouvance qui liront ce titre : « Encore un ! » ou « C’est reparti pour un tour ! » Eh oui, encore un père floué, un de plus parmi tant d’autres qui, selon elles, se plaignent sans raison. Un autre qui, diront-elles, souhaite un retour à un patriarcat ancestral où l’homme était soi-disant seigneur et maître. C’est bien mal connaître le Québec profond où l’homme dit Canadien français, sans instruction, travaillait six jours semaine comme une brute sous les ordres d’un « foreman » souvent anglophone, se faisait dicter à l’Église son devoir de citoyen et le parti pour lequel voter, avant de remettre l’intégralité de sa maigre paie à sa conjointe et mère de ses enfants, véritable reine du foyer, dans l’incertitude de gagner la pitance d’une famille qui n’en finissait pas de s’accroître. Le patriarcat a ceci de particulier qu’il reste le lot d’une minorité de dirigeants, et que les hommes, au même titre que les femmes, vivent sous sa botte, idéologie radicale ou pas.
Dans l’un de ses nombreux élans de négationnisme, Micheline Carrier, éditrice du site Sisyphe, plate-forme de prédilection de ce genre de discours, prenait à partie en 2005 le péquiste Camille Bouchard qu’elle accusait de relayer « la propagande de certains groupes de la condition masculine sur la présumée discrimination à l’égard des pères ». Elle précisait : « Par ailleurs, M Bouchard ayant travaillé longtemps dans le domaine psycho-social devrait savoir que des études n’existent pas sur ce sujet parce que cette réalité n’existe pas. » Raisonnement d’une simplicité poignante. Ainsi les données sur l’exploitation des gaz de schiste faisant défaut, ces gaz n’existent pas. Cessons alors de couper les cheveux en quatre.
Mais la journaliste ne s’arrête pas en aussi bon chemin. Après avoir reproché au député d’avoir présenté le sujet à la toute fin de la période de question du 27 janvier 2005 à des porte-parole de la Table des groupes de femmes de Montréal, elle en remet : « Cependant, M Bouchard n’a pas réitéré sa question aux personnes les plus en mesure de lui répondre, c’est-à-dire les porte-parole du Barreau du Québec. Imaginez le dialogue. Camille Bouchard : « Avez-vous une attitude défavorable envers les pères, les déconsidérez-vous, comme leurs enfants, et provoquez-vous ainsi des démêlés judiciaires indus et onéreux qui les mettent sur la paille ? » Le Barreau : « Nooon, voyons ! » Micheline Carrier : « Vous voyez, M Bouchard, ils le disent eux-mêmes qu’ils ne sont pas injustes ! » Autant demander à un ponte du crime organisé s’il se livre à des activités de blanchiment d’argent, de proxénétisme ou de trafic de drogue : « Nooon, voyons ! »
Pourquoi M Bouchard aurait-il dû se fatiguer quand Claire L’heureux-Dubé, juge en chef retraitée de la Cour suprême, déclarait le 2 février suivant en commission parlementaire à Québec : « J’ai été 30 ans dans la magistrature et je n’ai jamais vu un juge avoir un préjugé quelconque en cette matière (contre les pères). » Imaginez le proprio d’une entreprise de voiture usagées qui ne connaît pas de concurrent véreux, un chef de police qui n’a jamais eu de policier violent sous ses ordres, un comptable qui n’a jamais eu vent qu’un collègue falsifiait des états financiers. Bonne retraite, Mme Dubé-L’heureux, vous serez plus à votre place sur la touche.
La palme de la négation, pour ne pas dire de la misandrie, revient incontestablement à Anne McLellan, ancienne vice-première ministre du Canada et ministre de la Justice de 1997 à 2002, qui déclarait, dans l’Alberta Advisory Council on Women Issues, cité dans l’essai 300 000 femmes battues, y avez-vous cru ? : « … un nombre croissant de spécialistes suggère aujourd’hui, que la garde partagée perpétuerait l’influence et le domination des hommes sur les femmes… » L’argument est si ridicule et biodégradable que je ne prendrai même pas la peine de le réfuter.
Des fils qui préfèrent Papa…
« Je vais vous raconter mon histoire. Je crois que personne ne s’en prendra à mes enfants, vu qu’ils sont tous majeurs. » Ainsi débute le récit de Jean-Charles (nom fictif), que ses quatre fils, étrangers aux préceptes des oracles cités plus haut, ont choisi pour les garder au lendemain de son divorce. « Si je m'exprime, c’est pour éliminer cette violence cachée et essayer de rétablir une justice pour que les enfants aient une chance de s’en sortir et que les pères ne soient pas tous traités comme des criminels. »
Après environ 20 ans de mariage, la relation entre Jean-Charles et sa femme, Thérèse (nom fictif) bat de l’aile. L’amour a fait place à la haine. L’épouse multiplie les gestes agressants, lui crie à deux pouces du visage, tente vainement de le pousser à bout pour qu’il la frappe, menace de le faire arrêter, multiplie les crises de larmes, l’accuse sans motif de la tromper, de lui cacher de l’argent, de la calomnier, tout ça parfois jusqu’aux petites heures. À deux reprises, la situation dégénère au point où notre homme doit appeler la police. Il suffit à Thérèse de prétendre qu’il est violent et père négligent, pour que Jean-Charles se voit menacé d’être incarcéré à Orsainville.
Le phénomène se reproduit quand il appelle la DPJ à la rescousse, devant le climat empoisonné du domicile familial. Les intervenantes ferment les yeux sur la déviance manifeste de la mère et le menacent d’aller vivre dans un petit appartement, de payer une grosse pension et de ne plus revoir ses fils. « Alors, pour ne pas perdre les enfants, j’endurais tout ça », écrit-il. Lors d’une crise plus violente que les précédentes, Jean-Charles appelle le 911. Thérèse est emmenée dans une maison d’hébergement pour femmes battues… « Lors du divorce, les plus vieux ont été obligés d’écrire une lettre pour dire que j’étais un bon père et un bon mari, afin que les plus jeunes puissent vivre avec moi, comme ils le désiraient. » On comprendra aisément leur choix quand, aujourd’hui encore, les fils disent à leur père : « On a vu des films de monstre, de guerre, d’horreur, mais jamais comme ce qu’on a vécu à la maison… »
Au lendemain de son divorce, ayant pu, en raison de l’âge légal des aînés et du désir de tous, obtenir la garde de ses enfants, Jean-Charles ne s’en voit pas moins obligé, en plus de subvenir à leurs besoins, de payer une pension de 325 $ par semaine à Thérèse. Pour arriver, il doit effectuer du temps supplémentaire, quitte à s’absenter le soir, afin de « gagner la vie d’une autre personne qui ne fait rien ». Il lui faudra attendre 2007 pour pouvoir remplacer son véhicule de 1993. Demander une révision de pension n’est tout simplement pas dans ses moyens.
Au moment de prendre sa retraite, il devra s’y résoudre pourtant, moyennant des honoraires d’avocat de 9 200 $. Après qu’elle l’eut copieusement « dénigré, calomnié et faussement accusé », aucun magistrat n’a ramené Thérèse à l’ordre. Elle a cependant vu sa pension réduite à 450 $ par mois, indexée à vie, un montant moins généreux que celui que Jean-Charles payait jusque-là. Peut-être songera-t-elle enfin à devenir plus autonome ?
Au-delà de l’aspect financier calamiteux, le père retient surtout le climat de violence institutionnalisée entretenu et ressenti : « Pourquoi notre système de justice bonifie-t-il la violence ? Quel intérêt y trouve-t-il ? Comment pourrons-nous arrêter la violence dans notre société si elle est approuvée et camouflée par notre système de justice, nos services sociaux et nos dirigeants politiques ? » Voilà autant de questions pressantes qui commandent des réponses immédiates.
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3 commentaires
Olivier Kaestlé Répondre
25 mars 2011Toute une leçon de vie, de dépassement de soi et de maturité que vous nous servez là, mon ami. Je suis persuadé que votre témoignage pourra aider de nombreux hommes, enfants et nouvelles conjointes à traverser cette véritable épreuve du feu qu'est devenu pour un trop grand nombre la judiciarisation des ruptures.
Vous devriez proposer ces texte aux tribunes d'opinion des quotidiens. Je suis sûr qu'il s'en trouverait pour vous publier, quoiqu'en pensent les ténors familialistes et féministes radicales. Encore merci d'avoir partagé ce message d'espoir. Soyez heureux, vous et votre famille.
Stéphane Sauvé Répondre
25 mars 2011Monsieur Kaestlé,
Je suis de tout coeur avec vous. J'ai été témoins à moultes reprises de ce type d'abus, ou l'homme en mangeait toute une.
Ce type de rupture dont vous parlez, ces accusation et ce contrôle sur les enfants sont crucifiants. Ce fut certainement l'épreuve la plus difficile de toute ma vie. Et fort de mon expérience, voici ce que j'ai appris:
"Nous attirons notre bourreau ou notre victime". Plus nous prenons responsabilité dans notre devoir de trouver et de garder la paix en nous (en dépit des accusations mensongères, des manipulations, des aliénations faites aux enfants, etc), moins nous devenons sujets à cette méprise par l'autre. Plus nous devenons libre.
Nous n'offrons plus de résistance et à un moment donné, l'adversaire s'épuise à ne plus avoir de réaction de l'autre. C'est probablement le message qu'a voulu nous transmettre ce grand maître lorsqu'il nous invita à offrir l'autre joue.
Avec la bonne approche, notre bourreau devient notre professeur du moment, jusqu'à temps où nous ayons enfin compris de quoi il en relevait. L'autre ne nous affecte plus.
Et puis oui, vous avez raison, c'est probablement l'un des plus grand défis qu'un être humain puisse vivre. Ne plus résister et enfin pardonner et aimer...pas évident, surtout dans un système qui se trouve à des millions d'années lumière de cette réalité.
Mes bonnes pensées sont pour vous, vos enfants, et surtout pour cette mère, qui est probablement profondément malheureuse, si elle ne s'est pas encore sortie de cette dynamique.
J'ai aussi été témoin de nombreuses injustices par la cour et le corps policier qui de facto, condamnaient le père suite aux fausses accusations de la mère. Dans un cas, c'était la violence, dans l'autre c'était la pédophilie (et oui!!), dans l'autre, la torture psychologique. Ces hommes furent complètement détruits. Certains n'en pouvant plus, ont mis fin à leur existence. Fort des statistiques sur le suicide des hommes au Québec, j'ose espérer que les juges prennent aujourd'hui des distances avec leurs réflexes initiaux.
Cela étant dit, je m'encourage de cette heureuse expérience avec ce juge qui m'a inspiré à rester dans l'honneur. C'est ce juge qui, dans son écoute et son affabilité, m'a permis de cesser de me considérer comme une victime et un indigné. Je me suis assumé peu importe ce que l'autre faisait ou ne faisait pas. Et c'est à partir de ce moment là, que j'ai commencé à respirer et devenir plus libre.
Sans un mot dire pendant des années, et à force de changer mes pensées noires par de plus lumineuses, je sentais bien que quelque chose se transformait dans ce mystérieux monde des événements. Et puis un jour, qui vois-je à ma porte ? Mes enfants ! Ils se rappelèrent ce qu'ils avaient vraiment vécu avec leur papa, et ils revinrent au bercail partager à nouveau de bons moments avec lui. Quelle joie je peux ressentir en écrivant ces lignes! Mais ce fut difficile, très difficile j'en conviens.
Toujours est-il, que ce système de justice est notre reflet, et que si nous voulons des changements profonds qui apportent la paix et surtout du bien pour les enfants, nous devons retourner à nous même et aux causes profondes qui ont permis que nous attirions ce bourreau ou cette victime dans notre vie.
Il est grand temps que les hommes puissent se donner les moyens de mieux partager entre eux autour d'autres choses que d'une bière dans une taverne. C'est peut-être une idée dont le temps est venu, sait-on jamais :)
Olivier Kaestlé Répondre
24 mars 2011J'oubliais d'inclure à mon texte l'hyperlien vers l'article où Micheline Carrier déploie son argumentaire. Le voici :
http://sisyphe.org/breve.php3?id_breve=271