Il n'y a pas que l'islam politique...

Qui rend Justin Trudeau «sikh»?

Tribune libre

En juin dernier, nous apprenions que la GRC, dont l’embarrassante incompétence avait probablement permis l’exécution du pire attentat terroriste canadien, était justement chargée, contre toute logique, de faire la lumière sur l’explosion en plein vol du Boeing d’Air India impliqué, entraînant en 1985 la mort de 329 personnes dont 80 enfants et 268 canadiens.

J’avais donné dans ce billet les détails de cet épisode catastrophique quant à l’efficacité et à la crédibilité de nos services de renseignements. Pourquoi donc ai-je l’impression que l’enquête sur les causes et les auteurs de cet attentat terroriste, qui dure maintenant depuis un bon 30 ans, va continuer à s’éterniser ?

Quand on sait que les terroristes étaient des sikhs revendiquant l’indépendance du Penjab en s’en prenant à des intérêts indiens, que le parti libéral du Canada regroupe une importante communauté sikh, et que notre distingué premier ministre, en plus de ménager cette clientèle, aime jouer la carte internationale d’un multiculturalisme harmonieux et respectueux de la richesse de sa diversité, on peut légitimement douter d’un dénouement prochain des recherches de la GRC. Moins il y aura de vagues, plus Justin sera content…

Un ministre désarmant…

En gage de cette ouverture sur l’autre dont se targue notre premier ministre, ce dernier a fait sensation en nommant le sikh enturbanné Harjit Sajjan, natif du Penjab, ministre de la défense. Il aurait pu le nommer à la Sécurité publique, responsable de l’enquête de la GRC sur l’attentat d’Air India, pourquoi pas ? Sa barbe et son turban, autant que ses états de service, il faut dire impressionnants, ont fait jaser, pour le meilleur mais davantage pour le pire. Après avoir passé 11 ans dans la police de Vancouver avant de joindre l’armée canadienne où il deviendra lieutenant-colonel lourdement médaillé, il a été le premier sikh à diriger un régiment canadien à Kandahar.

Malgré de tels états de service, le nouveau ministre a été loin de faire l’unanimité, provoquant même le départ de plusieurs cadres sikhs du parti libéral de Colombie-Britannique lors de son investiture à Vancouver Sud en 2014. Ces militants lui prêtaient des liens avec la fréquemment considérée comme extrémiste et séparatiste :

« Nous pensons que le parti libéral a été pris en otage par la WSO », a affirmé Rajinder Singh Bhela, un libéral de longue date et ancien secrétaire général du Ross Street Temple, le plus important temple sikh de Vancouver. Il faut savoir que le favori dans cette investiture, un important homme d’affaires du nom de Barj Dhahan avait été fortement prié de se retirer afin de laisser la voie libre à Sajjan, qui n’aurait jamais pu être élu sans ça. Interrogé par CBC sur les raisons de son retrait, Dhahan s’est borné à dire qu’il avait agi contre son gré.

Bien qu’étant le fils d’un membre important de la WSO, Kundan Sajjan, le nouveau ministre s’est exprimé ainsi, lors de sa nomination comme ministre, sur les ondes de CBC : « Je ne suis pas un membre de la WSO et je n'ai pas reçu d'ondes négatives de qui que ce soit », ce qui n’a pas empêché la branche canadienne de la WSO d’applaudir sa nomination ainsi que celle de trois autres ministres sikhs, dont une première femme. Il y a des amis, comme ça, qu'on préfère oublier… Le parti libéral a en outre fait élire 17 députés sikhs et le pendhabi, la langue du Penjab, parlée par une vingtaine de députés, sera la troisième en importance à la chambre des communes. Une percée...

Preuve que tous les sikhs ne sont pas des extrémistes, Kashmir Dhaliwal, ex-president de la Khalsa Diwan Society, fondée par des sikhs en 1902, a écorché son chef au passage : « Le parti libéral, particulièrement Justin, couche avec les groupes extrémistes et fondamentalistes. C’est pourquoi j’ai décidé de quitter le parti libéral. 4000 autres auraient fait de même.

Strange bedfellows…

Fondée en 1984, soit un an avant l’attentat d’Air India, la WSO, représentée par deux branches, l’une, américaine, l’autre, canadienne, s’est donné pour mission de représenter les sikhs, au plan mondial, et de défendre leurs intérêts ainsi que d’autres causes qu’elle considère sociales.

On pourra s’étonner que, en dépit de l’aura de suspicion qui entoure cette organisation, au point où certains l’associent même à l’attentat d’Air India, elle ait pu justement obtenir un statut d’intervenant au cours de l’enquête publique lancée par les conservateurs en 2007 sur cette tragédie, sans pour autant jeter de lumière sur ses nombreuses zones d’ombre...

Le kirpan à l’école, c’est eux. Tout comme le droit pour un officier de la GRC ou des membres de la ligue québécoise de soccer de porter le turban, des écossais d’arborer leur kilt et… eh oui, le droit pour une musulmane de porter son niqab lors de son assermentation de citoyenneté.

Il s’agit sans doute d’une coïncidence si Justin Trudeau a retiré l'appel porté à la cour suprême par les conservateurs en vue d'abroger la décision de la cour d'appel d'autoriser ce port. C’est à se demander si la WSO n’a pas eu aussi quelque chose à voir avec l’annulation de la loi des conservateurs retirant sa citoyenneté à tout immigrant reconnu coupable de terrorisme.

L’actuelle sur représentation des sikhs, tant au sein de la députation libérale qu’au conseil des ministres, fait jaser. Au-delà de la quantité, il y a la qualité. Plusieurs sikhs méritants ont déserté le navire, constatant une dérive imminente. Était-ce bien la chose à faire ? Une fois les marins partis, les pirates ne risquent-ils pas de mener le navire, avant qu’il ne sombre ?

Ah, et puis, pour le dénouement de l’enquête sur l’attentat d’Air India, vous anticipez quoi ? Faudrait pas trop croire au Père Noël. Bientôt, ce sera sans doute illégal...


Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Jean Lespérance Répondre

    30 avril 2016

    Je me suis intéressé à la religion sikh et j'ai voulu voir un maître sikh en Inde, alors je lui ai écrit. Voici une partie de la réponse de son secrétaire, Gurcharn Dass. There are certain basic prerequisites for taking up the holy Path which comprise of total abstinence from all meat, fish, fowl and eggs both fertile and infertile; and all alcoholic intoxicants and drugs. If you are already abiding by the same much better, otherwise please try to adapt yourself to this type of serene living in the larger interest of spiritual progress.
    With kind regards and blessings from the Master, Yours sincerely, Gurcharn Dass
    Son vrai Maître, Darshan Singh de l'ashram Kirpal Vijay Nagar Delhi-110009.
    Je regrette aujourd'hui de ne pas avoir fait un séjour dans cet ashram durant le temps où ce Maître vivait. Cela c'était en 1988. Donc, je sais c'est quoi un vrai sikh et je peux vous dire que ceux qui vivent au Canada connaissent très peu de choses sur leurs chefs spirituels. Pas plus que les catholiques en savaient sur Paul V1. Jamais et je dis bien jamais, un vrai chef spirituel aurait consenti à donner 9 millions au Parti libéral. Un peigne,(kangha), un bracelet, (kara) un kirpan (épée, maintenant poignard) et kush, un pantalon court, et kesh, les cheveux longs sont des signes distinctifs, mais les véritables obligations spirituelles sont d'un tout autre ordre. À une époque où il y avait des infestations de poux, le turban et le peigne étaient d'une grande utilité. Autant que le chapelet des musulmans prescrit à ceux qui passaient une grande partie de la journée à se tâter les couilles publiquement, ce qui était honteux. Il faut savoir s'interroger sur l'origine des coutumes religieuses, à défaut de le faire, on rend des jugements ridicules et nous sommes incapables de discerner les gens sincères de ceux qui ne le sont pas.

  • Jean Lespérance Répondre

    29 avril 2016

    Même si ça fait longtemps que l'attentat a eu lieu, je me souviens fort bien que les sikhs avaient donné 9 millions au Parti libéral du Canada. C'est une somme énorme, ils ont acheté le gouvernement. Celui-ci s'est traîné les pieds dans l'enquête. Le gouvernement a probablement reçu d'autres millions sans qu'on le sache. Alors il ne fallait pas s'attendre à ce qu'il y ait beaucoup d'accusés.

  • Jean-Serge Baribeau Répondre

    27 avril 2016

    Merci, Monsieur Kaestlé. C'est intéressant et éclairant...
    JSB