Dan Bigras, l’homme harcelé qui porte plainte

Tribune libre

Il ne s’agit pas d’une bombe médiatique, tout au plus d’un pétard mouillé. Ce n’est pourtant pas parce que l’incident n’a pas engendré de secousse notable sur notre sismographe médiatique qu’il doit être passé sous silence, ni commenté sans circonspection. La nouvelle est tombée ce 15 avril lorsque l’on apprenait que le chanteur et comédien Dan Bigras avait déposé une plainte pour harcèlement criminel au service de police de Sherbrooke contre Nadia Fortin, 31 ans, alors intervenante au Centre d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles (CALACS) de l’Estrie.
Les faits reprochés par l’artiste, également reconnu pour son engagement auprès des jeunes hommes sans abri de 17 à 24 ans, notamment par le biais de son spectacle annuel Le Show du Refuge, se seraient déroulés entre juin 2009 et février 2011. Dans un communiqué émis le 15 avril, Bigras explique : Le 25 janvier, j’ai reçu le premier d’une série de courriels de détresse émanant d’une petite fille de 11 ans affirmant se faire agresser sexuellement par son père. J’ai immédiatement communiqué avec la police de Montréal qui a fait suivre le dossier à la Sûreté du Québec, section des crimes sexuels, puis à la police de Sherbrooke qui a fait un travail exceptionnel pour retrouver la petite victime.
Il précise : Après vérification, il s’est avéré selon l’enquête que la petite fille en question n’existait pas et qu’une dame se faisait passer pour elle, imitant donc une petite fille qui se faisait agresser. Une plainte a donc été déposée contre elle. Il faut relever qu’à cette plainte Bigras a ajouté un deuxième grief pour harcèlement. Les gestes auraient été commis entre le 4 juin 2009 et le 9 janvier 2011, mais il est impossible pour le moment d’en savoir plus quant à leur nature. L’accusée devra comparaître devant la justice le 6 avril.
Malgré un manège qui durait depuis plus de 18 mois, Nadia Fortin travaillait au CALACS de l’Estrie depuis un peu plus de huit semaines quand les plaintes ont été déposées. Elle a été congédiée il y a un mois. Yenisse Alvarez, directrice générale de l’organisme explique : C’est une intervenante qui était encore dans sa période de probation. D’un point de vue professionnel, elle était très bien. Lorsque nous avons reçu l’information de la police, nous avons été surpris, mais nous avons réagi rapidement.
Munchausen ?
Voilà pour les faits connus, qui ont de quoi laisser méditatif quant à deux aspects : leur médiatisation, plutôt discrète, et surtout, les motivations de l’ancienne intervenante. Il est évident que Nadia Fortin nourrissait une sorte de fixation sur Dan Bigras, idée fixe dont la nature même reste énigmatique.
Cet événement n’est pas sans évoquer, en bien moins lourd de conséquences pour la victime, l’affaire Éric Lapointe, en 2003, quand une mythomane s’était inventé de toutes pièces un passé de violence conjugale avec le chanteur alors qu’elle ne l’avait jamais rencontré. Sa version des faits avait alors semblé crédible au point où le rocker avait été arrêté, en plus de voir son nom à la une de tous les quotidiens du Québec dès le lendemain. Heureusement pour lui, une enquêteuse minutieuse avait découvert le pot aux roses, notamment après vérification d’un alibi en béton.
L’accusatrice de Lapointe souffrait vraisemblablement d’une déficience appelée syndrome de Munchausen, qui la poussait à l’affabulation afin d’attirer sur elle l’attention. Le fait pour l’ancienne intervenante d’avoir inventé des fausses agressions vécues par une gamine qui n’existe pas pourrait bien relever de la même pathologie. Il n’aurait plus manqué que Dan Bigras soit accusé d’être un agresseur imaginaire…
Selon Michel St-Yves, psychologue judiciaire à la SQ, auteur et spécialiste en techniques d’interrogatoire, les personnes en proie au syndrome de Munchausen, souvent familières des services psychosociaux et des corps policiers, se trouvent régulièrement à l’origine de fausses allégations de violence et d’agressions sexuelles. Cette réalité est niée par les CALACS qui tentent de ne voir dans ce phénomène que préjugés sexistes et réducteurs. Devant les récents événements, leurs représentantes auront désormais matière à réflexion…
Et si c’était un homme ?
Il y a lieu de se demander quel impact aurait eu la médiatisation d’une pareille nouvelle si un militant de la défense des droits des pères avait harcelé une artiste connue et valorisée pour son engagement social. Vous voulez parier que l’on en parlerait encore, s’informant chaque jour du vécu de la victime, et scrutant à la loupe le passé de l’accusé, témoins à l’appui ?
Il faut saluer ici l’initiative de Dan Bigras, d’avoir porté plainte à un système policier et juridique beaucoup plus enclin à défendre les femmes que les hommes. Précisons que l’engagement social et la crédibilité de l’artiste militaient en sa faveur. Pas sûr qu’un quidam inconnu aurait été pris au sérieux, ni qu’un organisme aussi puissant qu’un CALACS aurait congédié son employée avant même la tenue de son procès. Faut dire que les découvertes de la police ne laissait aucune marge de manœuvre. Qui sait si, comme dans le cas de Nathalie Simard avant lui, la démarche de Bigras n’encouragera pas d’autres hommes aux prises avec des problèmes semblables à briser le silence ?
Le vrai scandale
Il serait par ailleurs trop facile de remettre en question le fonctionnement des CALACS parce que l’un d’eux a manqué de discernement dans l’embauche d’une employée. Il existe de bien meilleures critiques à adresser à ces organismes, dont leur fâcheuse tendance à la prolifération de clichés de type homme prédateur, femme victime, quand l’Institut de la statistique du Québec nous répète depuis des années qu’un garçon sur six est victime d’agressions sexuelles. Dans cette perspective, on pourrait également reprocher aux CALACS, alors qu’ils touchent plusieurs millions chaque année de quatre ministères, de ne pas investir un sou pour aider ces mêmes garçons qui, faut-il leur rappeler, sont des enfants et des adolescents, bref des mineurs.
Enfin, alors que ces groupes nient obstinément la présomption d’innocence en affirmant comme un mantra qu’une femme qui accuse un homme ne peut mentir, 9 800 hommes sont chaque année inutilement arrêtés puis relâchés dès le lendemain en vertu de la politique d’intervention en violence conjugale. Libère-t-on autant de coupables ? Leurs accusatrices, intouchables, ne sont nullement inquiétées. S’il existe un scandale à dénoncer chez les CALACS, ce n’est pas que l’un d’eux ait engagé une employée perturbée, mais que chacun d’entre eux propage une idéologie déviante, à même des subventions payées par le contribuable.


Laissez un commentaire



2 commentaires

  • Olivier Kaestlé Répondre

    23 mai 2013

    Que de procès d'intentions, et que de clichés réducteurs opposant femmes victimes, naturellement tournées vers le bien, à hommes prédateurs, viscéralement enclins à faire le mal - ou le mâle ? Franchement, je ne vois pas l'intérêt de vous répondre. Les gens de votre acabit ont toujours raison, même quand la réalité leur démontre l'étendue de l'erreur de leur pensée unique.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 mai 2013

    Vous avez vraiment le dont de tout mélangé...
    Faites-vous à l'idée : les femmes ne reculeront pas pour vous permettre d'avancer. Si vous jalousez la capacité d'entraide des femmes, leur empathie, leur sensibilité, cultivez ces vertus en vous-mêmes plutôt que de tenter de démoniser en bloc les féministes, voire toutes les intervenantes à la défense des droits des femmes.
    Vous voulez en finir avec l'image odieuse des hommes prédateurs et abuseurs, AIDEZ À FAIRE CESSER LA PRÉDATION ET LES ABUS. Tant que ça ne sera pas terminé, les femmes continueront de dénoncer ces crimes...
    Votre propos manque cruellement de nuance et mène à des amalgames indus. Un peu comme ceux que vous reprochez aux féministes. Est-ce vraiment une bonne façon d'aider les hommes à se prendre en main? Pas sûr...