Un pays paralysé

Élection fédérale 2009


Gonflé à bloc, Michael Ignatieff annonçait solennellement le 1er septembre qu'il retirait sa "confiance" au gouvernement Harper. Et son lieutenant Denis Coderre de ne pouvoir s'empêcher d'ajouter son grain de sel: "Les carottes sont cuites pour ce gouvernement!".
Ce qui, pour le moment, nous rapproche d'autant plus d'une possible troisième élection fédérale en trois ans...
Et ce qui, par conséquent, soulève la question à 300 millions de dollars, soit le coût d'une élection: POURQUOI les libéraux plongeraient-ils sans la moindre idée de ce qu'il en résultera?
Bien sûr, il y a la raison partisane: parce qu'ils veulent prendre le pouvoir! Pour les "faucons" libéraux plus pressés et fatigués de croupir dans l'opposition, attendre de devancer clairement les conservateurs dans les sondages avant de faire tomber le gouvernement commence à ressembler drôlement à la semaine des quatre jeudis. Et ils n'ont pas tort là-dessus.
LE "POURQUOI"
Pourtant, il reste qu'au-delà de la game politique, de l'impatience ou des calculs stratégiques du PLC, des tactiques de Stephen Harper ou des sempiternels sondages, il existe au moins UNE raison objective de retourner en élections.
Et une sacrée bonne raison, si vous voulez mon humble avis de politologue.
Cette raison est que sous M. Harper, le Canada se sclérose de plus en plus. Vu du monde extérieur, ce pays semble pour ainsi dire paralysé.
Mais attention. La paralysie ne vient pas du fait que son gouvernement central soit minoritaire. Après tout, en octobre 2008, le Canada se tapait son 11e gouvernement minoritaire depuis 1867.
La paralysie vient plutôt du fait que, contrairement aux gouvernements minoritaires précédents - lesquels ont souvent ouvert la voie à une bonne collaboration entre les partis et à de beaux menus législatifs -, le régime Harper refuse de bouger. En fait, il boude.
Il boude parce qu'il refuse de collaborer avec les partis d'opposition du moment où ils l'empêchent d'imposer sa vision ultraconservatrice. Il boude parce qu'il semble voir le Parlement comme une nuisance. Parfois, ça sent presque le mépris.
Deux exemples parmi d'autres. 1) L'an dernier, pour survivre, il a préféré faire carrément fermer le Parlement en pleine récession plutôt que de perdre le pouvoir aux mains d'une coalition PLC-NPD. 2) En mars, la plupart des analystes sont tombés en bas de leur chaise lorsqu'il a traité les partis d'opposition de "bureaucratie" pour la simple raison qu'il craignait ne pas pouvoir faire passer son plan de relance!
Obsédé par sa chasse à la majorité et son rêve de voir le Parti conservateur remplacer enfin les libéraux au titre de natural governing party du Canada, M. Harper refuse de gouverner s'il ne peut gouverner en majoritaire. Donc, s'il ne peut gouverner seul. Tout seul. Ce qui, petit problème, va à l'encontre d'un statut minoritaire...
M. Harper est certes le premier ministre fédéral le plus autoritaire et le plus contrôlant de l'histoire de ce pays. Mais son entêtement à vouloir gouverner seul va bien au-delà de ce trait de caractère. On dirait qu'il ne comprend ni la nature, ni le fonctionnement de notre système parlementaire. Ou, pis encore, que ça ne l'intéresse pas.
LE RISQUE
Mais provoquer une autre élection comporte un risque. Le risque qu'elle produise une troisième minorité conservatrice - une majorité étant une impossibilité autant mathématique que politique! Et donc, que le blocage persiste. Que la collaboration entre les partis demeure inexistante. Que les citoyens assistent, impuissants, à une autre ronde de stratégite aiguë à Ottawa pendant que le reste du monde bouge.
Pour certains nationalistes québécois, il y a un autre risque: la possibilité que le PLC reprenne le pouvoir. Par contre, que ce soit un gouvernement libéral ou conservateur, une chose est certaine: la fameuse reconnaissance de la "nation" québécoise est appelée à demeurer une coquille inexorablement vide.
Bien sûr, la "question nationale" donnera lieu à de bien beaux discours de la part du PC et du PLC. Mais leur vide abyssal fera que, même s'ils courtiseront le vote des Québécois, cette question ne sera pour ces deux partis qu'un enjeu mineur. Très mineur. Quant à Jean Charest qui, le 18 septembre, coprésidera le 25e anniversaire du premier gouvernement Mulroney, ce sera pour lui un dilemme fascinant. Quel habit porterait-il pendant une prochaine campagne fédérale? Son complet bleu-conservateur? Ou son complet rouge-libéral?
Nous verrons donc s'il y aura des élections cet automne. Et donc, si le PLC, le Bloc et le NPD tenteront de "débloquer" un Parlement de plus en plus sclérosé par l'entêtement d'un homme incapable de gouverner de bonne foi en bon chef de gouvernement minoritaire.


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