Je ne suis pas ingénieur et je ne saurais expliquer pourquoi nos routes donnent toujours l’impression d’être celles d’un pays connaissant depuis trente ans une pluie d’obus. Un ami qui s’y connaît m’a déjà expliqué que la situation était tellement désastreuse qu’on ne pouvait plus aujourd’hui faire grand-chose. Il faudrait tout reprendre à zéro, et on ne peut pas le faire. C’est la logique du patchage. Alors nous patchons.
Je le redis, techniquement, cela m’échappe. Mais ce que je sais, c’est que cet univers sinistré et exaspérant n’est pas sans effets sur la psychologie nationale.
Patchage
Je ne parle pas seulement du sentiment de frustration qui s’empare de n’importe quel automobiliste obligé de faire du slalom en bagnole sur Saint-Joseph ou Christophe-Colomb, à Montréal, avant de tomber dans un nid-de-poule de la taille d’une piscine olympique. Je parle plus largement du sentiment que si nous sommes collectivement incapables de faire des routes à peu près dignes de ce nom, alors nous serions incapables de grandes réalisations collectives.
Je vous raconte une conversation avec un ami qui s’entête à ne pas devenir indépendantiste. Vous me voyez venir. Dans une discussion enflammée, il y a quelques années, sur l’avenir de notre pays qui n’en est pas encore un, il me disait qu’il ne voyait pas comment il pouvait voter pour l’indépendance d’un peuple incapable de construire un trottoir qui tienne. Ce commentaire, je l’ai souvent entendu d’une manière ou d’une autre.
Médiocrité
Notre système routier nous donne collectivement un air de ti-counes. Il est devenu le symbole, pour plusieurs, d’une forme de médiocrité collective que nous ne parvenons pas à surmonter. On peine à faire confiance à un État qui n’est même pas capable d’accomplir ses tâches les plus élémentaires.
Je ne suis pas certain que cette théorie est absolument vraie. Mais elle ne me semble pas complètement fausse.