Peu ébranlée par les révoltes populaires du Printemps arabe de 2011, l’Algérie semble réagir cinq ans plus tard avec l’adoption, début février, d’une nouvelle Constitution censée démocratiser un régime dirigé depuis 1999 par le président Abdelaziz Bouteflika. Certains parlent d’un tournant historique, d’autres d’un simulacre de démocratisation. Qu’en est-il ? Réponse d’Islam Amine Derradji, doctorant en science politique à l’Université de Montréal.
Que contient cette réforme constitutionnelle ?
Il y a plusieurs révisions, présentées par les autorités comme des garanties d’avancement démocratique. La réforme prévoit notamment de limiter à deux les mandats présidentiels afin de favoriser une alternance du pouvoir. Les critiques rétorquent que cela était déjà prévu dans la Constitution de 1996, qui avait été abrogée pour permettre au président Bouteflika de briguer un troisième mandat [il en est à son quatrième]. Les autorités répondent à leur tour qu’il y a cette fois une clause d’intangibilité qui rend irrévocable cette règle réinstaurée.
On a également créé une instance destinée à surveiller les élections pour s’assurer que les différentes forces électorales sont équitablement traitées. Or, il reviendra au président de nommer les membres de cette instance, ce qui conduit l’opposition à douter de son indépendance.
La réforme prévoit aussi une séparation plus étanche entre les pouvoirs exécutif et législatif afin de réduire la capacité du président à diriger par décrets. Néanmoins, il peut continuer de légiférer de la sorte sur des questions urgentes lors de vacances parlementaires. Or, la définition de ce qu’est une urgence reste floue.
Les critiques sont en effet nombreuses. Cette réforme annonce-t-elle des gains démocratiques, ou n’est-elle que de la poudre aux yeux ?
Sur papier, le pouvoir reste fortement concentré entre les mains du président. Qui plus est, l’un des plus grands problèmes n’a jamais été les lois elles-mêmes, mais les pratiques concrètes d’exercice de l’autorité et les règles informelles qui régissent les rapports entre l’État et les citoyens. Des lois peuvent ainsi être véritablement démocratiques, mais contrées par des pratiques autoritaires.
Les réformes constitutionnelles antérieures (1989 et 1996) étaient aussi présentées comme des avancées démocratiques. Elles ont bel et bien libéralisé le système politique, mais ne l’ont pas démocratisé pour autant. C’est qu’en dépit du multipartisme et de la liberté d’association et de presse prévus dans les lois, le pouvoir n’est pas un lieu vide, pour reprendre Claude Lefort. Il a été investi et monopolisé par des clans, de sorte qu’une alternance au sommet de l’État est inimaginable sans leur consentement. À preuve, le président Bouteflika a été réélu trois fois avec des résultats mirobolants. La rente des hydrocarbures et la libéralisation de l’économie ont permis à ces clans de constituer des réseaux de clients qui les soutiennent et assurent la pérennité du régime. En dépit de l’organisation d’élections, il n’y a jamais de surprise à l’issue du scrutin. Les successions, lorsqu’elles sont nécessaires, sont négociées entre clans.
Dans la foulée du printemps arabe, comment le régime fait-il pour assurer sa stabilité alors que ses voisins libyen et tunisien ont été renversés par les révoltes populaires ?
D’une part, les personnalités politiques qui ont investi la rue pendant le printemps arabe n’apparaissent pas aux yeux de la majorité comme des choix politiques crédibles. En réalité, l’opposition était divisée et n’avait pas de base sociale suffisamment importante pour bâtir un rapport de force.
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir
ALGÉRIE
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé