Le populisme a le vent dans les voiles en Occident, de l’extrême-droite française (Front national) à la gauche radicale grecque (Syriza), en passant par la droite et la gauche américaine (Donald Trump et Bernie Sanders). Pourquoi cette poussée de fièvre populiste ? Réponses d’Éric Montpetit, professeur de science politique affilié au CÉRIUM et auteur de In Defense of Pluralism, Policy Disagreement and its Media Coverage (Cambridge University Press, 2016).
Le populisme a souvent une connotation négative et peut ainsi servir à discréditer une figure ou un courant politique. Mais au-delà de l’étiquette, qu’est-ce que le populisme ?
Il y a deux éléments fondamentaux à ce phénomène. Le populiste prétend d’abord parler au nom du « vrai » peuple, par opposition à un peuple réel, complexe et pluraliste. C’est une abstraction qui ne s’embarrasse pas des faits – des sondages, par exemple – qui viendraient contredire un supposé mouvement de masse.
L’autre caractéristique propre au populisme est l’opposition du « vrai » peuple à une élite, qui n’est pas, elle non plus, bien définie. C’est, par exemple, le « Washington corrompu » de Donald Trump.
Des partis populistes que l’on situe à gauche ou à droite empruntent des éléments de programme qui appartiennent aux deux catégories, estompant ainsi les démarcations idéologiques habituelles. Que peuvent bien avoir en commun un Bernie Sanders ou un Jean-Luc Mélenchon (du Parti de gauche français) avec un Donald Trump ou une Marine Le Pen ?
J’hésite à mettre Sanders et Mélenchon dans le même camp que les autres. C’est vrai qu’ils s’opposent à l’élite économique, mais ils ne prétendent pas parler au nom d’un peuple homogène qui exclurait bien des gens. Je pense que les deux reconnaissent que leur société est pluraliste et que s’y côtoient plusieurs points de vue légitimes.
Surtout, ils ne présentent pas une menace pour les institutions démocratiques. Sanders a accepté la défaite. Il milite maintenant pour Clinton. Trump n’aurait jamais fait cela pour l’un de ses adversaires lors de la primaire républicaine.
J’ai tendance à réserver l’étiquette de populiste aux leaders dont le discours remet en question des principes de base de la démocratie libérale. En parlant au nom du peuple, les leaders populistes se présentent en grands démocrates. Mais leur conception de la démocratie autorise la transgression des limites qu’imposent les constitutions libérales aux élus… Si ce sont eux qui sont élus, bien sûr.
Qu’est-ce qui explique l’émergence des partis populistes ?
Le terrain est fertile lorsqu’une part considérable de la population est en colère et vit une grande désillusion. Cela peut être justifié. On pense notamment à l’ouvrier du secteur manufacturier aux États-Unis ou en Europe qui voit les usines fermer les unes après les autres pour rouvrir au Mexique ou en Chine.
Or, le soutien aux partis populistes ne vient pas que des couches pauvres et peu éduquées de la population. Bien qu’il y ait peu de gens très riches et très éduqués dans ces rangs, on y retrouve aussi des gens de la classe moyenne qui ont fréquenté les campus universitaires.
Le sentiment de dépossession peut donc aussi reposer sur une crainte plus ou moins fondée. Aux États-Unis, Donald Trump dépeint un pays gangrené par la violence, alors que les données du FBI montrent clairement que la criminalité chute depuis le début des années 1990.
Que peut-il y avoir d’autre ? Cette colère et cette désillusion doivent bien s’enraciner dans quelque réalité ?
Le traitement médiatique des enjeux politiques joue un rôle à cet égard. Ce n’est pas ici un procès d’intention ou une critique de la neutralité des journalistes. Mais rapporter des phrases spectaculaires et provocantes lancées par les politiciens alimente la désillusion à l’égard de la classe politique.
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