Un parti propre au Québec

Depuis seulement 20 ans, le Bloc permet aux souverainistes - qui par le passé se trouvaient sans représentation - d'acquérir une crédibilité notamment dans les affaires étrangères, la politique monétaire, le droit criminel ou la défense.

Tribune libre

En 1867, le journal La Minerve, organe du Parti libéral-conservateur, affirma que c'est de Québec que seraient abordés les besoins de la vie quotidienne. Les Pères de la Confédération (sic), réunis à huis clos, attribuèrent cependant les fonctions les plus prestigieuses au gouvernement central. Les régions ou provinces - littéralement «pour les vaincus» en latin - ne représenteraient que de «grosses municipalités». Aucune ambiguïté n'existe à cet égard. Ainsi, sous le nouveau régime dirigé par le très centralisateur John A. Macdonald, il valait mieux être simple ministre à Ottawa que le Premier à Québec. La théorie du pacte entre deux peuples fondateurs ne fut qu'un mythe masquant cette domination. Elle fut employée après 1867 par nos élites, tout juste tolérée par les anglophones, avec le dessein d'aller chercher un bloc de 50 députés nécessaires à la formation d'une solide majorité au Parlement de la Puissance. C'est navrant, mais nos ancêtres canadiens-français en furent dupes. Rappelons à leur décharge que l'Empire britannique venait de les écraser lors des Rébellions et par l'Acte d'Union. Ils étaient réduits aux ornières de la survivance.
Un pays bâti sur la Conquête, c'est-à-dire le pompage systématique de l'identité québécoise par l'identité canadienne. L'assimilation progressive des francophones en imposant artificiellement d'un océan à l'autre - afin de contrer le nationalisme québécois - une seconde ruse: la Loi sur les langues officielles (1969). Or, les Québécois sont plus que des individus parlant le français. Notre présence infime et en déclin sur le continent exige une vigilance de tous les instants, un attachement à des institutions distinctes et un droit à l'autodétermination que nous refuse la gauche trudeauiste-NPD en avançant au coeur de la cité leur dernier cheval de Troie: le multiculturalisme. Fragiles, les Québécois ne peuvent admettre que des leurs les aient trichés. N'ayons pas le souffle court. «Riel, notre frère, est mort» (Honoré Mercier) et le rêve de reconquête du curé Labelle aussi.
Que le déplore les esprits chagrins et las, la lutte pour l'indépendance est longue. À l'instar de tant d'autres peuples sur la terre, elle nécessite courage et préparation. Alors que les boomers demeurent souverainistes, comment croire que les jeunes de 20 ans soient fatigués de la question nationale? Entre la mondialisation et leurs ambitions personnelles, ils n'ont jamais été amenés à y réfléchir sérieusement. Tôt ou tard une nouvelle crise éclatera. C'est lorsque deux nations s'opposent avec intensité qu'on peut mesurer combien elles existent.
La pertinence du Bloc québécois
Depuis seulement 20 ans, le Bloc permet aux souverainistes - qui par le passé se trouvaient sans représentation - d'acquérir une crédibilité notamment dans les affaires étrangères, la politique monétaire, le droit criminel ou la défense. Même si la participation au pouvoir n'est pas à sa portée, l'expertise récente du Bloc québécois - en dehors des ministères «patroneux» que nous concédaient traditionnellement la majorité anglophone (Travaux publics, Postes ou Agriculture) - sert à décomplexer l'ensemble des Québécois. C'est pourquoi, malgré l'humiliation subie le 2 mai, les bloquistes ont toutes les raisons d'être fiers du travail accompli. Personnellement, j'habite l'une des rares municipalités du Québec à avoir tourné le dos aux libéraux fédéraux dès 1972 et laissez-moi vous dire que pour se faire élire le jeune député bloquiste de ma circonscription n'a pas mené campagne de Las Vegas!
Si l'organisation du Bloc québécois voue à son ancien chef, l'autoritaire Gilles Duceppe, un fâcheux culte de la personnalité (prix Gilles-Duceppe entre autres), fait écho à un nationalisme édulcoré et envisagea une coalition impossible en 2008, cette formation porte toujours dans ses gènes une mémoire pertinente: celle du rapatriement unilatéral de 1982, de l'échec de Meech et, par là même, du fédéralisme renouvelé. Certes, le parti temporaire s'enracine et ne résoudera pas seul la question nationale, mais il ne peut être tenu responsable de toutes les hésitations de l'électorat québécois et des turpitudes du pouvoir canadien. Il y a un coût à se dire «Non» et celui-ci - la médiocrité provinciale - est autrement plus inquiétant que les cinq années de turbulences imaginées par Pauline Marois en 2005.
Avec sa constitution illégitime, le Canada se fait sans nous, malgré nous. En outre, le gouvernement Harper n'a pas notre confiance. Il est vrai que si l'avenir de cette monarchie constitutionnelle nous échappe, certains «Rhodésiens» - à l'exemple de Conrad Black - continueront à concevoir leur Belle Province en termes paternalistes. D'après eux, les insatiables Québécois seraient par essence des latins émotifs et corruptibles. Nous avons constamment des exemples de ce mépris sous les yeux. Le Bonhomme carnaval à la valise pleine d'argent sale à la une du Maclean's est tellement moins intègre que la haute finance mondiale et, du coup, plus ethnique voire tribal. En réalité, le fameux 1% décrié par les Indignés enferme notre nation dans une «réserve française». Ils pillent nos ressources naturelles. Les tenants de l'ordre établi achètent à coups de commandites et privent d'aspiration politique les Québécois sur la foi de postulats dignes des élucubrations ou «codes culturels» de Clotaire Rapaille!
Faire ce qu'on peut
Cela tombe sous le sens qu'il n'est pas nécessaire d'être souverainiste - ni même nationaliste - pour être Québécois. Mais, contrairement aux militants des partis fédéralistes, tous les bloquistes sont d'abord des Québécois. Le Bloc promet de défendre les intérêts du Québec avant tout alors que les autres finassent, cherchent sans cesse à les soumettre à la volonté de la majorité anglophone. Social-démocrate, le Bloc évite soigneusement la polarisation gauche-droite délétère pour les petites nations minoritaires. Bref, fin de cycle politique ou non, comme l'évoquait habilement son slogan de campagne en 2004, le Bloc demeure sur la scène fédérale le seul «parti propre au Québec».
Loyauté première au Québec, foyer de l'Amérique française. À ce titre, le parti de Daniel Paillé eut des prédécesseurs: la Ligue nationaliste, le Bloc populaire, le Ralliement des créditistes et le Parti nationaliste. Toutes ces formations ont répondu à un vide politique profond. Comme l'écrivait André Laurendeau: «À Québec on fait ce qu'on veut, à Ottawa, on fait ce qu'on peut». Cela doit inclure, au nom de la solidarité intergénérationnelle, notre relèvement national afin qu'un jour le Canada ne soit plus maître chez nous.


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7 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    28 mars 2012

    @ Caroline Sarah St-Laurent:
    «Alors que les boomers demeurent souverainistes, comment croire que les jeunes de 20 ans soient fatigués de la question nationale ?»
    Mais est-ce vraiment toujours le cas, concernant les boomers?
    La génération Y, semble avoir été élevée de manière telle, qu'elle est trop souvent apolitique, car elle en comprend tout simplement rien aux enjeux en présence.
    La génération X? Elle a été fort déçue par ce qui s'est passé en 1995, quand Lucien Bouchard a confirmé que le référendum nous avait bel et bien été VOLÉ... mais que lui et son gouvernement n'ont strictement rien fait à ce sujet... Pour nombre d'entre eux, je crains qu'ils aient vu la nation québécoise (on disait encore le peuple québécois, à l'époque), comme une équipe de hockey sur laquelle il valait mieux ne pas parier, pour faire une comparaison. Ils ont vécu une perte d'idéaux, sont devenus plus individualistes, moins politisés, si je me fie aux exemples vivants que je vois autour de moi.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    28 mars 2012

    On a vu que MADAME se frottait les mains de l'assassinat de Duceppe, en se faisant la grande opposante à Harper. Mais tout ça tombe à l'eau avec le renard orangé qui vient en force louer d'Ottawa le ramage des Québécois qui s'empresseront de lui laisser encore tomber leur fromage...
    Quand le cinéaste Denys Arcand lève le nez sur les Québécois parce qu'il les voit comme une tribu de vaincus trop faibles pour faire l'indépendance...(petite nation marginale condamnée par la Conquête à la médiocrité perpétuelle, selon Maurice Séguin)... il ne demanderait qu'à ce qu'on lui prouve le contraire! C'est pas ce que nous faisons depuis les référendums trafiqués... nous nous dispersons, et nous écrivons!
    Faudrait d'abord s'unir à Québec dans un projet de libération nationale. Au ROC de trembler ensuite!
    Quant à la génération montante, qu'on pourrait être en train de sous-estimer, observons donc leur détermination actuelle à confronter les Beauchamp, Bachand, Charest, petits chiens de la haute finance, qui veulent leur faire payer la note des cadeaux aux multinationales et à la corruption. Quand ils auront réglé cette cause d'injustice, ouvrons-leur les portes d'un parti qui s'affiche indépendantiste. Il y a là des leaders insoupçonnés qui se révèlent, qui pourraient servir... avant de se servir.

  • Claude Richard Répondre

    28 mars 2012

    Votre texte est plein de bon sens, madame Saint-Laurent.
    Je vois, comme il était à prévoir, que quelques jusqu'auboutistes vous houspillent. Malheureusement, leur position rejoint celle de La Presse et de nos bons fédéralistes qui vouent le Bloc aux gémonies. Comment peuvent-ils se réjouir quand 58 députés orange sont bien installés dans des circonscriptions québécoises, qu'ils pavoisent en rouge et blanc, qu'ils se servent de leur nombreux personnel politique pour faire avancer les politiques centralisatrices et pro-canadiennes du NPD, qu'ils laissent de leurs collègues voter pour l'abolition du registre des armes à feu sans dire un mot, qu'ils se soumettent à la ligne du parti dans l'affaire de la ligne d'électricité de Terre-Neuve, qu'ils ne disent rien ou presque devant l'octroi des 35 milliards pour les frégates à des entreprises hors-Québec, etc.?
    Nos jusqu'auboutistes ignorent le sens du mot solidarité alors qu'ils veulent rallier l'ensemble des Québécois derrière eux. Je suis très critique de Pauline Marois moi aussi. Mais sur la scène fédérale l'alternative n'est pas le PI ou l'ON mais les libéraux ou le NPD, deux partis tout ce qu'il y a de plus canadian. Et surtout, ne me parlez pas d'abstention. Il y a une place à occuper et elle l'est par nous, les indépendantistes (mous, demi-mous ou durs qui forment le Bloc), ou par nos ennemis. Qu'est-ce qu'on préfère?

  • Normand Paiement Répondre

    28 mars 2012

    Quelqu'un a-t-il déjà songé qu'on pourrait carrément boycotter les prochaines élections fédérales?
    Ou mettre sur pied une campagne visant à annuler purement et simplement nos votes?
    On a trois bonnes années pour s'organiser, dénoncer la Constitution actuelle, persuader la population (les fédéralistes mous, notamment), pondre des slogans (style "Le Canada? Non merci!"), etc.
    Ce qui reste du Bloc pourrait même jouer un rôle actif en ce sens.
    L'idée n'est plus de s'installer confortablement à Ottawa pour négocier une éventuelle sécession qui est sans cesse remise aux Calendes grecques, mais pour quitter définitivement ce pays qui n'est pas le nôtre!
    Avec l'Oncle Tom qui ne manquera pas de chercher à court-circuiter le projet indépendantiste, ne serait-il pas temps de faire preuve d'un peu d'imagination et de prendre l'initiative du match, au lieu d'attendre que nos adversaires fassent leur prochain "move" et de réagir après-coup comme nous l'avons trop souvent fait au fil des décennies?
    Nous avons les compétences nécessaires pour faire avancer le projet de pays.
    Ailleurs sur ce site j'ai déjà proposé un objectif, une date butoir et un moyen simple pour le réaliser (http://www.vigile.net/Objectif-INDEPENDANCE-2020).
    Qu'est-ce qu'on attend encore pour passer à l'action?
    Que JJC refasse le coup de la Baie James et des 100 000 emplois de feu le Tricheur avec son Plan Nord?
    Que la Dame de Béton réalise son rêve de devenir la première femme Premier ministre?
    Que JMA nous conduise vers la Terre promise dans 40 ans?
    Comme je l'ai écrit, un petit groupe de personnes déterminées peut accomplir de grandes choses... sans rien attendre de personne!
    Les Vigiliens forment déjà un noyau dur d'indépendantistes convaincus.
    Il suffit que nous cessions de polémiquer inutilement entre nous et que nous ramions tous dans la même direction.
    Est-ce si difficile? Est-ce trop demander?
    Pourtant, il en va de notre survie en tant que peuple, rien de moins...
    Normand PAIEMENT

  • Archives de Vigile Répondre

    28 mars 2012

    Avec tout le respect approprié à l'endroit de la députation actuelle du Bloc et de son chef, et de son histoire à la Chambre des communes, nous ne en sommes plus là.
    L'absence presque totale du Bloc est et sera bénéfique à la cause de l'indépendance nationale du Québec; car voyons-y très clair: nous n'avons plus rien à défendre dans ce parlement d'un pays anglais, royal et archi-conservateur pour ne pas dire rétrograde.
    Nos intérêts doivent être défendus au Québec et à Québec, dans le cadre d'un pays indépendant et totalement libre de son destin.
    Cessons de nous bercer d'illusion par rapport au Canada anglais et sortons-en au lieu d'espérer de le réformer!
    Comme le dit si bien Jean Charest "le fruit n'est pas mûr" pour une réforme constitutionnelle canadienne, car ce fruit est pourrit.
    De Soulanges,
    Normand Perry.

  • Archives de Vigile Répondre

    28 mars 2012

    ...et voila pourquoi Paillé ne foute rien depuis son élection.
    Ce n'est pourtant pas la matière qui manque avec "l'inutilité" ou mieux la nuisance de la présence des nuls conservateurs du Québec...Lebel,Paradis,Blackburn,Bernier et un autre obscur épais.

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mars 2012

    Le temps de cette annonce a été retenue et payée par......
    Avec le Bloc, on va être assuré d'avoir notre indépendance quand les poules auront des dents.
    Ils ne sont pas pressés, à 150,000$ par année + les avantages sociaux + les opportunités d'avancement de la carrière.
    Font.....
    Pierre Cloutier