Un milliard de dollars en fonds publics pour aider les régions affectées par la hausse du dollar, c'est beaucoup d'argent. En annonçant la création d'une fiducie de cette taille quelques heures seulement avant de rencontrer les premiers ministres provinciaux, Stephen Harper leur coupe l'herbe sous le pied. Mais ce qui dérange le plus, c'est le calcul partisan qui a conduit le premier ministre à rendre cet argent conditionnel à l'adoption du prochain budget.
Depuis que notre dollar a atteint la parité avec la devise américaine, les entreprises exportatrices canadiennes ont dû renvoyer des dizaines de milliers de travailleurs. Le mois dernier, cédant aux pressions, M. Harper a accepté de rencontrer les premiers ministres provinciaux pour en discuter, mais seulement en janvier, lors d'un souper privé.
Hier, à 24 heures de la rencontre, M. Harper a pris les provinces de vitesse en annonçant la création d'un «fonds en fiducie pour le développement communautaire» d'un milliard de dollars dans lequel les provinces pourront puiser. Cet argent servira autant à la formation des travailleurs qu'à des programmes de recherche et même d'infrastructures destinés à la diversification des économies locales. Ce milliard s'ajoute aux mesures d'aide et de réduction d'impôt contenues dans les budgets précédents ainsi qu'à celles qui ont été annoncées par les provinces.
Malheureusement, ce milliard sera réparti en fonction non pas des difficultés auxquelles les provinces font face mais du nombre d'habitants de chacune. Le Québec recevra 217 millions, l'Ontario près du double, le Nouveau-Brunswick 30 millions, etc. C'est dire que l'Alberta aura droit à la même somme par habitant que le Nouveau-Brunswick malgré un taux de chômage moitié moins élevé.
Voilà qui n'a aucun sens: des dizaines de millions seront ainsi consacrés à accroître l'avantage compétitif d'une province qui pompe déjà les ressources en main-d'oeuvre spécialisée des autres.
Autre incongruité: alors que les fonds devraient être disponibles dès maintenant, M. Harper les rend conditionnels à l'adoption de son prochain budget. Or le risque est élevé que ce budget d'un gouvernement minoritaire ne soit jamais adopté. Peut-être a-t-on évalué que les partis d'opposition auraient refusé de voter rapidement une loi autorisant cette dépense sans y ajouter leur gros grain de sel de quelques milliards. Il n'empêche que les électeurs se souviendront de cette histoire comme d'une tactique partisane et mesquine si, d'aventure, le budget n'est pas adopté.
Cela étant, fallait-il annoncer un programme d'une plus grande ampleur, comme le réclamaient l'opposition, les provinces et même les grandes entreprises? Rien n'est moins certain. Le Canada n'est pas en récession, pour le moment du moins, et l'inflation est loin d'être disparue. On ne peut pas demander à la fois une baisse des taux d'intérêt et une flambée des dépenses publiques alors que le chômage est à son plus bas et que l'inflation est au-dessus de 2 %.
En outre, le passé est riche de leçons en matière de gaspillage de fonds publics au nom du développement économique. Par exemple, l'industrie de l'automobile, Buzz Hargrove en tête, réclame des milliards en aide publique d'Ottawa pour contrer la force du dollar et la baisse de la demande. Qui croit sérieusement que GM et Ford méritent une telle aide?
À un milliard en sus des programmes existants et de ceux qui ont été annoncés par les provinces, la somme promise par Ottawa ouvre la porte à des centaines de projets prometteurs en région. Le problème sera même d'imaginer de tels projets de diversification économique pour éviter que l'argent soit distribué comme des bonbons à l'Halloween.
Un milliard... maintenant !
Mais ce qui dérange le plus, c'est le calcul partisan qui a conduit le premier ministre à rendre cet argent conditionnel à l'adoption du prochain budget.
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