Philippe Couillard s’est engagé à soumettre les finances de son parti depuis vingt ans à l’examen du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) si les chefs du Parti québécois et de la Coalition avenir Québec acceptent de faire de même. Un engagement qui ne porte guère à conséquence, mais qui permet aux libéraux de montrer qu’ils peuvent reprendre l’initiative.
Mercredi matin, au palais de justice de Québec, les avocats représentant sept coaccusés, dont les anciens ministres libéraux Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté, sont arrivés pour la divulgation de la preuve, amassée par l’Unité permanente anticorruption (UPAC), relativement à des accusations de trafic d’influence, de fraude et d’abus de confiance liées à du financement politique et à l’octroi de contrats publics.
Ce même matin paraissait dans les journaux de Québecor l’information — « d’une source haut placée au gouvernement » dont nous tairons charitablement le nom — voulant que Philippe Couillard soit disposé à laisser le DGEQ vérifier vingt ans de financement du PLQ si le PQ et la CAQ (et la défunte ADQ qu’elle a absorbée) se soumettent à pareil examen. Pris par surprise, Pierre Karl Péladeau et François Legault se sont empressés d’accepter. Après tout, cela faisait des semaines qu’ils s’acharnaient à dénoncer l’opacité de ce « parti de pourris », selon l’expression du chef caquiste, qui carbure à « l’argent sale » de l’ère Charest.
Ce matin-là, on a eu droit, d’un côté, à un rappel du gouvernement Charest avec la divulgation de la preuve contre sa vice-première ministre, Nathalie Normandeau, et, de l’autre côté, à la « transparence » et « l’ouverture » du PLQ nouveau, un concept que cherche à imposer Philippe Couillard. C’était l’effet recherché au gouvernement.
Surprise!
Le problème, c’est que la surprise a été tout aussi grande parmi les députés libéraux, qui ont appris l’offre de leur chef en lisant le journal. La « gang à Charest », ces élus qui doivent leur carrière politique à Jean Charest, a regimbé, craignant qu’on ne ternisse encore plus l’héritage de leur premier ministre. Il a fallu qu’on leur explique que la manoeuvre n’aurait aucune conséquence.
D’une part, le DGEQ peut entreprendre de telles vérifications sans demander de permission à qui que ce soit. D’autre part, les finances du PLQ ont déjà été passées au peigne fin. « La commission Charbonneau et l’UPAC ont fait du camping dans les bureaux du parti », illustre-t-on dans l’entourage du premier ministre. Rappelons la perquisition de l’UPAC au quartier général du PLQ à l’été 2013, perquisition dont Philippe Couillard n’avait révélé l’existence que trois mois après les faits.
Bref, le DGEQ ne pourra rien apprendre de plus que ce qu’il sait déjà, croit-on chez les libéraux. Même topo au PQ. Pierre Karl Péladeau a rappelé, mercredi à l’Assemblée nationale, que son parti avait fourni à la commission Charbonneau une vérification indépendante de son financement depuis 1996.
À la CAQ, et surtout à l’Action démocratique du Québec, la partie de pêche du DGEQ pourrait être plus fructueuse, espère-t-on chez les libéraux, le parti de Mario Dumont n’ayant pas subi d’examens aussi approfondis que les autres formations politiques.
À la CAQ, on compte continuer à frapper sur le clou du financement libéral, exigeant que le PLQ rembourse les sommes que Marc-Yvan Côté a récoltées entre 2006 et 2008 à titre de solliciteur du PLQ. On compte revenir sur le rôle occulte qu’a joué Marc Bibeau. Et on caresse l’espoir que l’UPAC porte d’autres accusations contre de gros bonnets libéraux. Les caquistes veulent démontrer que le PLQ nouveau n’est qu’une appellation vide de sens et qu’il est en réalité un parti usé qui aura été quinze ans au pouvoir en 2018, hormis l’éphémère passage péquiste.
L’intégrité
Au PQ, on dénoncera le manque d’intégrité du gouvernement libéral seulement si l’actualité amène le sujet sur un plateau d’argent. « En 2012, le Parti québécois a misé beaucoup sur la corruption et ça n’a pas donné des résultats bien inspirants. Et en 2014, ç’a été la même chose. » C’est le « triste héritage de Jean Charest » d’avoir discrédité l’ensemble de la classe politique et, en particulier, d’avoir déprécié la fonction de premier ministre, déplore-t-on.
Chaque fois que le sujet du financement politique est abordé, le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, régulier comme un métronome, accuse péquistes et caquistes de participer de la même ignominie que les libéraux.
Quant au procès de Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté et consorts, tout indique qu’il n’est pas prêt de commencer. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a choisi un procès commun pour les sept coaccusés, mais il n’est pas dit que les avocats de la défense, parmi lesquels on retrouve des criminalistes de grand calibre comme Me Jacques Larochelle, qui représente Marc-Yvan Côté, ne demanderont pas des procès séparés pour leur client et autant d’enquêtes préliminaires. Chose certaine, ce ou ces procès, qui seront avidement suivis par les médias, alimenteront les débats politiques, mais pas avant plusieurs mois.
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FINANCEMENT POLITIQUE
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