Cuisine alambiquée

Un étal de produits indigestes

Bordel, l’étal est plein de bouffe, mais on ne sait plus cuisiner!

Vigile

Le [sondage publié dans le Devoir de samedi (11 juin 2011)->38866] constitue un signal d’alarme peu banal : le PQ obtient 21% des intentions de vote, et QS 9%, pour un mirobolant 30% pour les deux partis souverainistes.
Qu’espérer avec une telle division? Trois-quatre députés, dont probablement Amir Kadhir, et autour de 120 députés fédéralistes sur 125 imbus d’idées de droite, nouvelles ou anciennes. Bonsoir les souverainistes, les socio-démocrates et la gauche socialiste. Les valent ce qu’ils valent, mais une tendance lourde s’affirme.
Peut-être faudra-t-il en arriver là pour comprendre qu’il faut procéder autrement et cesser de vouloir toujours pousser plus loin ce qui ne fonctionne pas. Voilà ce que nous promet une lutte à cinq, dans un système électoral uninominal à un tour.
Je l’ai dit dans un autre texte : nous venons d’entrer dans une nouvelle ère au niveau fédéral, ce qui signifie aussi qu’une nouvelle ère vient de commencer ici. L’idée de créer le pays ne semble plus être une préoccupation de premier plan pour les citoyens, même si cette idée obtient quand même 42%. Alors, que faire dans un contexte politique aussi parcellisé, où le mode de scrutin – je le répète – est de type britannique uninominal à un tour?
N’oublions pas que la partie se jouera à cinq, pas à deux. Trois partis fédéralistes de droite, un parti souverainiste de centre-gauche, un parti socialiste souverainiste. Sans oublier les Verts et le PI.
Tout ça m’apparaît clair : tant les souverainistes que les citoyens dont le cœur penche plus à gauche vont vivre des années difficiles, ainsi que la population en général. Ultraconcervatisme canadien au pouvoir au fédéral combiné à une droite fédéraliste québécoise plus forte que jamais, voilà ce qui nous attend, avec en prime une députation NPD québécoise qui peinera à se distinguer. De quoi virer fou.
Alors, que faire?
• Investir temps et énergie à reconstruire le Bloc en espérant un effondrement du NPD, alors que le PQ est dans tous ses états? C’est trop demander. Désormais, le repli stratégique est nécessaire. On peut ne pas être d’accord, mais la réalité est têtue : l’avant 1995 est loin derrière nous.
• Laisser aller, souhaiter des jours meilleurs, se contenter de la « gouvernance souverainiste » du PQ, en espérant que Kadhir accumule les gaffes et que la coalition Legault ne se transforme pas en parti? Triste perspective.
• Contribuer à accentuer la crise au PQ, œuvrer à la venue d’un sauveur charismatique au PQ, et ensuite foncer dans le tas? Ou sur un mur?

• Constituer une coalition tous azimuts dont le fer de lance serait le PQ et QS, rapatrier toute la connaissance acquise du Bloc et ses gens, préparer un programme commun résolument indépendantiste, imbriquer à cette démarche la mise sur pied d’États généraux pour l’indépendance et s’enligner pour la création d’une constitution québécoise provisoire (en attendant la mise sur pied d’une Assemblée constituante élue dès la proclamation de l’indépendance). Peut-être pourrions-nous ainsi faire élire un bloc substantiel de députés déterminés à faire avancer cette nation qui à chaque jour s’affirme un peu plus dans le « girouettisme », par désabusement, cynisme, volonté de changement ou je-ne-sais-quoi. Pas facile à réaliser, une telle coalition, compte tenu de nos traditions politiques, plutôt british, indeed, et de la compétition qu’entretiennent entre eux le PQ et QS, compétition qui vise avant tout à s’approprier le même électorat.

La liste pourrait s’allonger indéfiniment, les souverainistes étant devenus maîtres en termes de « diversité ». Pour ma part, une coalition disposant d’un programme commun pourrait peut-être faire le plein du vote souverainiste ET du vote pour « le changement », cela pour ne pas laisser le champ libre une droite « lucide » qui affaiblirait la nation de par sa gestion comptable provinciale et dont le nationalisme se déclinerait en teintes bâtardes.
Le problème, c’est que ce genre de coalition fait le plus souvent long feu et on se retrouve à la case départ, la mine déconfite, suite à des crises dictées par l’idéologie et/ou des divergences de fond sur la gestion de l’État. Éphémère, une coalition, et encore.
En serions-nous capables de la créer, cette coalition? Sincèrement, je ne crois pas, compte tenu qu’on commence à peine à réaliser que l’élan généré par la Révolution tranquille au début des années ’60 est plus qu’à bout de souffle. On remplace ça par quoi? Quel projet de société pourrait galvaniser le Québec?
***
Concevoir un projet qui nous permettrait de nous sortir de cette torpeur délétère qui à chaque jour mine davantage notre capacité collective d’agir est ce sur quoi nous devons nous attabler, un projet qui extirpera pour de bon les gènes du colonialisme qui nous empêchent toujours d’aboutir à notre achèvement.
Un projet rassembleur qui nous éviterait de nous éparpiller dans une confrontation gauche-droite classique qui ne saurait en aucun cas nous libérer de notre statut de provinciaux minoritaires, ce qui nous condamnerait à une médiocrité permanente.
Les citoyens, dans leur majorité, ne croient plus en la capacité du mouvement souverainiste actuel, et tel qu’il se définit aujourd’hui, de modifier durablement les choses. « Pelleter par en avant » ne contribuera qu’à accentuer l’avachissement de la nation. Peut-être que le PQ est sur la voie de « l’unionalisation ».
Ce parti a été créé pour agir, au départ, vers une confédération véritable, pour ensuite flirter avec l’idée d’indépendance. Serait-il arrivé au terme de sa vie active? Comme dirait un de nos ancêtres Normands, peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Mais moi je dis, et même si mon ancêtre arrivé ici en 1660 était Normand, qu’il faut reconstituer le mouvement en fonction de la réalité actuelle et adapter le projet en fonction des nouvelles réalités : contrer la braderie de nos richesses naturelles, construire notre indépendance énergétique, réduire la bureaucratie structurelle, instaurer la proportionnelle, élargir nos échanges commerciaux, recréer des alliances avec les Premières Nations, procéder à une décentralisation intelligente favorisant l’autonomie des régions et leur développement, renforcer le fait français, constitution québécoise et charte de la laïcité, et ainsi de suite.
Bordel, l’étal est plein de bouffe, mais on ne sait plus cuisiner!


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    22 juin 2011


    Et pourtant l'enjeu est simple:

    1. Le statut pleinement reconnu de Nation pour le
    Québec.
    2. Le statut d'État reconnu de jure comme de facto.
    3. Le retrait d'Ottawa de toutes les fonctions d'État.
    Toutes les assises sont déjà en place. Elles se sont
    mises en place au cours des 400 dernières années.
    Trop simple, voilà le problème. J'en ai fait la
    présentation sans difficulté aux États Unis, en
    Europe et au Canada anglais. Les auditoires ont
    compris, mais pas ici.
    René Marcel Sauvé, géographe et auteur de
    Géopolitique et avenir du Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 juin 2011

    Et voici peut-être (assurément, à mon avis, mais je me garde une petite gène) LE projet de société qui peut à la fois ré-intéresser les gens à la politique, faire un sérieux ménage (nécessaire) dans la gestion des choses de l'État, et d'effectuer une "séparation" d'avec le Canada traditionnel (j'utilise le mot "traditionnel" ici car il est évident que le monde entier est présentement en ébullition au niveau politique et économique : la Démocratie 2.0.
    http://www.vigile.net/Democratie-v2-0
    http://www.vigile.net/Du-choc-des-idees-nait-le-dialogue
    http://www.vigile.net/Economie-v2-0-1
    http://www.vigile.net/Economie-v2-0-2
    http://www.vigile.net/Economie-v2-0-3
    Et ce n'est là qu'unb léger effleurement en surface de ce projet. Vous pouveaz nous rejoindre sur Facebook pour plus d'informations sur ce mouvement au Québec, qui est en train de s'organiser de manière citoyenne à une vitesse comparable à celle avec laquelle notre système politique se déteriore.
    https://www.facebook.com/home.php?sk=group_191889037507507&ap=1
    Bien à vous.
    Adam Richard

  • Archives de Vigile Répondre

    11 juin 2011

    Dès que Parizeau aura, sur Le Devoir de lundi, retourné les jeunes vieux comme un gant (si vous voulez l'indépendance, dites-le) et que Marois comprendra que les démissionnaires ne reviendront pas mais sortiront avec un nouveau projet, le PQ devra parler avec QS, devant l'évidence du rêve perdu de Première Ministre.
    Le nom même de "Parti Québécois" s'est discrédité envers les jeunes autant que les impatients. Les médias sont irrémédiablement braqués contre les péquisses.
    Quel devrait être le nom de la coalition élargie?
    "CAP SUR L'INDÉPENDANCE".
    (pas d'équivoque, cartes sur table avant, pendant, après l'élection. Toutes générations confondues. Tous les assoiffés de changement, même ceux qui ont "slicé" le 2 mai)