Un devis rigoureux

Béton-tombe...


La création de la commission Johnson avait suscité un épouvantable tumulte l’an dernier. La polémique avait enflé jusqu’à l’absurde. Qui pourrait prétendre aujourd’hui que son travail a été inutile?


Pourquoi insister maintenant sur l’utilité de la Commission d’enquête sur l’effondrement du viaduc de la Concorde? Parce que bien des gens ont confondu la critique et le derby de démolition lorsqu’elle a été mise sur pied.
À peu près tout le monde avait reproché au gouvernement Charest sa précipitation. S’il avait attendu trois jours de plus avant de la créer, il se serait évidemment fait accuser de ne pas prendre cette tragédie au sérieux…
Non, rien n’allait. Le mandat était trop étroit, entendait-on.
Les chefs de l’ADQ et du PQ ont même contesté le choix de Pierre-Marc Johnson pour la présider. Plongeant dans une surenchère politicienne, André Boisclair était allé jusqu’à exiger la récusation de l’ancien premier ministre péquiste !
Nous avons déjà soulevé l’hypothèse que la colère de MM. Dumont et Boisclair a probablement contraint le conseil des ministres à adjoindre deux coprésidents à M. Johnson, Roger Nicolet et Armand Couture. Mais leur nomination a aussi été contestée…
Dans ce contexte, c’est un tour de force auquel est parvenue la Commission.
Elle a été à ce point utile que des experts de plusieurs coins de la planète ont suivi ses audiences publiques. Nulle surprise : les infrastructures routières accusent partout le poids des ans. C’est pourquoi de nombreux ingénieurs des États-Unis et d’ailleurs liront avec intérêt la version anglaise du rapport.
Ils savent qu’ils ne sont pas à l’abri d’un effondrement semblable à celui survenu à Laval le 30 septembre 2006. Cinq personnes sont mortes et six ont été blessées quand la structure sous laquelle elles circulaient s’est écrasée sur leur véhicule.
Lorsqu’un pont s’est écroulé à Minneapolis, en août, un responsable de la Chambre des représentants avait laissé tomber que son pays était confronté à un « problème national » en matière d’inspection et d’entretien des ponts et des viaducs.
Quelle expression faut-il employer chez nous, maintenant que l’on sait que le pourcentage d’ouvrages du genre souffrant de « déficience structurelle » est deux fois plus élevé au Québec que chez nos voisins, voire même quatre fois plus par rapport à certains États ?
La Commission a été si utile que le ministère des Transports a dû placer sous haute surveillance 135 ponts et viaducs dès le printemps.
Le gouvernement Charest s’est lui-même senti obligé d’aller au-devant des coups. Mais il lui reste à confirmer que ce sera bel et bien 500 millions $ annuellement au cours des 10 prochaines années qu’il dégagera pour les ponts et les viaducs.
Le rapport Johnson a été réalisé avec sérieux et rigueur.
Il doit désormais être considéré comme une feuille de route.
C’est particulièrement vrai au chapitre du financement de nos infrastructures.
Depuis cette tragédie, tout le monde se fait un devoir de réclamer des investissements dans ce domaine. Mais ce grand chantier devra finir par être financé. Tout le monde peut bien dire qu’il faut récupérer de l’argent en coupant ici ou là. Le problème est que personne ne dit jamais vraiment où.
Comme l’avance la Commission, il y a de la place pour des partenariats public-privé, pour des péages ou pour toute autre formule basée sur le principe de l’utilisateur-payeur.
Quand on songe à cette tragédie, on pense aussi à cet orphelin de 9 ans, Gabriel Hamel, qui a perdu ses parents ce samedi-là. Le gouvernement Charest doit trouver un mécanisme pour que lui et les autres victimes puissent bénéficier d’une indemnisation spéciale.
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