Trump, le candidat mandchou

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Plus que l'islamisme, la Russie demeure la grande ennemie des États-Unis

Depuis l’élection de Donald Trump, les détracteurs du nouveau président cherchent à miner sa légitimité. La plus grande trouvaille, à ce jour, est celle d’une ingérence russe dans le processus électoral. Le livre Fire and Fury. Inside the Trump White House du journaliste Michael Wolff, qui défraie la manchette depuis la semaine dernière et dont nous avons discuté vendredi dernier, jette de l’huile sur le feu en accréditant cette thèse. On spécule même que le livre pourrait offrir certaines pistes à l’enquêteur chargé de faire la lumière sur la question. La crédibilité de l’ouvrage et celle de son auteur ont cependant été largement remises en question. Parlons néanmoins de la question d'une potentielle ingérence russe dans le processus électoral américain.


Le Brexit ? C’est la Russie ! Trump ? Encore la Russie ! Le référendum catalan ? Toujours la Russie ! Qu’attendent donc les souverainistes québécois pour contacter Vladimir Poutine ? Blague mise à part, cette thèse est-elle fondamentalement plausible ? Excitant certainement beaucoup de gens, elle est cependant toujours avare de preuves tangibles.


Si ces ouï-dire font autant mouche, c’est qu’ils s’appuient sur une russophobie profondément ancrée dans la culture américaine. Cette dernière est l’héritage direct de la Guerre froide, où la paranoïa collective vis-à-vis de l’Union soviétique tournait au délire. Une commission, associée au célèbre sénateur Joseph McCarthy, était même chargée de débusquer les espions à la solde du communisme, dans tous les milieux, suscitant un climat de peur et de dénonciations. Beaucoup de carrières et de vies ont été ruinées. La purge a été particulièrement violente dans le monde du cinéma, où même Charlie Chaplin a été accusé.


Le fantasme de l’infiltration russe va cependant encore plus loin, se déclinant même dans la croyance que la Russie pourrait parvenir à placer son candidat à Washington, et qu’elle prendrait ainsi directement le contrôle de l’Amérique. Cette trame était celle du thriller politique à succès The Mandchurian Candidate de Richard Condon en 1959. L’histoire était qu’un bataillon militaire était capturé en Mandchourie pendant la guerre de Corée. Les détenus ont alors été l’objet de pratiques de programmation mentale afin de devenir de véritables soldats, activables au besoin, des services secrets soviétiques. Le livre avait été l’objet d’une première adaptation cinématographique par John Frankenheimer, avec notamment Frank Sinatra, en 1962. En 2004, Jonathan Demme en a réalisé une nouvelle version avec Liev Schreiber, Denzel Washington et Meryl Streep comme principaux acteurs.


Après la fin de la Guerre froide, la Russie est tombée, momentanément, dans le « camp des gentils ». On n’entendait alors plus parler, à répétition, des Russes, pendant qu'ils appliquaient religieusement et violemment les recettes économiques et politiques voulues par les États-Unis. Le résultat a été catastrophique : entre 1991 et 1998, la Russie a failli disparaître. La production s’est effondrée de moitié, la mafia et les oligarques ont obtenu une place prépondérante, et Boris Eltsine –l’ami de Washington- a dissout de manière anticonstitutionnelle le Parlement russe. Quand Moscou a décidé, au seuil du nouveau millénaire, qu’elle refuserait désormais de suivre cette voie assurée vers le désastre, la Russie est retombée dans le « camp des méchants ». Elle peut à nouveau être l'objet des phobies les plus irrationnelles.


Dans un pays habitué à la morale hollywoodienne, ça fonctionne bien


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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).