Histoire

Trudeau, manipulateur d'Octobre 70

La fable du gouvernement parallèle accentua la guerre psychologique menée par Trudeau, non pas contre une simple poignée de kidnappeurs, mais contre le seul adversaire réel: le Parti québécois.

Actualité du Québec-dans-le-Canada - Le Québec entravé




Trudeau et ses mesures de guerre
_ Guy Bouthillier et Édouard Cloutier
_ Septentrion
_ Québec, 2011, 322 pages
Lors de la Crise d'octobre 70, deux jeunes soldats surveillent, à Ottawa, la maison d'un ministre. Ils harcèlent de questions les enfants qui s'amènent: «Vous prétendez être une sorcière et non un séparatiste?» Ils oublient que le 31 octobre, c'est l'Halloween. Ils sont excusables: Trudeau appréhende une insurrection, a proclamé les mesures de guerre dans tout le Canada et entrevoit au Québec un gouvernement parallèle, lié au Devoir!...
Les faits sont aussi cocasses qu'authentiques. Eric Kierans, ministre à Ottawa de 1968 à 1971, rapporte le premier; Peter C. Newman, rédacteur en chef du Toronto Star à la même époque, raconte les autres. Les deux en rient et s'en attristent à la fois.
Leurs souvenirs consignés dans des livres, publiés respectivement en 2001 et en 2004, avaient retenu l'attention des politologues. Ils figurent parmi les textes d'une trentaine d'auteurs dans Trudeau et ses mesures de guerre vus du Canada anglais, traduction d'une anthologie présentée et commentée par Guy Bouthillier et Édouard Cloutier, ouvrage d'abord paru en 2010 en anglais.
Trompés
Enrichie, refondue et adaptée, l'édition française démontre avec encore plus d'éloquence à quel point plusieurs observateurs anglophones se sont rendu compte que Pierre Elliott Trudeau les avait trompés. Le témoignage de Newman reste le plus saisissant.
Marc Lalonde, alors principal secrétaire de Trudeau, le convoque, le 23 octobre 1970, à son bureau du parlement pour lui révéler que René Lévesque, Jacques Parizeau, Claude Ryan, directeur du Devoir, et d'autres personnalités québécoises «complotent pour remplacer le gouvernement dûment élu de la province». Devant la stupéfaction et le scepticisme du journaliste, Lalonde insiste: «Il n'y a rien de spéculatif là-dedans. C'est la vérité.»
Le futur ministre souhaite, bien sûr, que les médias de langue anglaise se fassent, par «devoir patriotique», l'écho de la conspiration... Retors, il prend soin de préciser à Newman: «Je ne peux rien vous confirmer officiellement.» Toujours incrédule, son interlocuteur téléphone à un ami: Trudeau lui-même. Le premier ministre du Canada lui répond: «Oui, Peter, je suis en mesure de le confirmer. Une conspiration est en cours, dirigée, entre autres, par Lévesque, Parizeau et Ryan.»
Comme Newman, Tommy Douglas, chef du Nouveau Parti démocratique en 1970, devine la raison cachée de la suspension des libertés civiles un jour AVANT, faut-il préciser, le meurtre de Pierre Laporte, otage du Front de libération du Québec: pour Trudeau, il s'agit d'«écraser le mouvement séparatiste et démontrer au Canada anglais qu'il était l'homme fort capable de mater le Québec». Le néodémocrate s'opposa, devant les Communes, à cette suspension.
La fable du gouvernement parallèle accentua la guerre psychologique menée par Trudeau, non pas contre une simple poignée de kidnappeurs, mais contre le seul adversaire réel: le Parti québécois.
***
Collaborateur du Devoir


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->