Travaux secrets à la commission Charbonneau

Malgré la campagne, les commissaires rencontrent des témoins sur le financement des partis

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Une bombe à retardement sur le point d'exploser

La commission Charbonneau s’intéresse déjà au financement politique des partis provinciaux… mais derrière des portes closes. Les commissaires Renaud Lachance et France Charbonneau interrogent des témoins potentiels, à l’abri des regards, afin de les convaincre de déballer publiquement leur sac, selon les informations du Devoir.

La procédure est inhabituelle, mais elle est permise en vertu des règles de procédures. Les commissaires peuvent en effet modifier leurs règles pour améliorer le déroulement de l’enquête ou pour toute autre raison. Ils peuvent même dispenser quiconque de l’application des règles aux conditions qu’ils déterminent.

N’empêche. La commission Charbonneau a suspendu ses travaux pour la durée de la campagne, parce qu’elle ne voulait pas être entraînée « dans l’arène politique ». La voilà qui poursuit ses efforts dans une antichambre à laquelle personne n’a accès.

Le financement illégal

Depuis quelques jours, M. Lachance et la juge Charbonneau entendent des témoins potentiels, en l’absence de toute autre partie. Les propos de ces témoins ne feront pas partie de la preuve.

L’opération a pour but de convaincre des témoins potentiels d’exposer publiquement l’étendue des stratagèmes de financement illégal au provincial, lors de la reprise des audiences après la trêve électorale.

La commission s’est gardé le meilleur pour la fin avec le financement des partis provinciaux. Elle espère notamment faire entendre Marc Bibeau, président de Schokbéton et grand argentier du Parti libéral du Québec (PLQ) sous Jean Charest. M. Bibeau est ciblé par l’enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) sur le financement illicite du parti en échange de contrats publics. Il a nié toute forme de malversation.

Selon les informations du Devoir, les témoins ne se bousculent pas au portillon pour aborder la question du financement des partis provinciaux, ce pour quoi les commissaires ont tenu des audiences en privé cette semaine. Ils en feront autant la semaine prochaine.

Pour le moment, aucune ordonnance de huis clos n’a été prononcée officiellement, ce qui place la commission dans un territoire juridique bien particulier.

Une commission d’enquête n’a pas à se dérouler en public à toutes les étapes. Le huis clos est possible, et il est parfois même souhaitable pour des témoins dont la sécurité pourrait être compromise.

D’aucuns estiment que la procédure est discutable puisque les parties n’ont pas eu la chance de faire valoir leurs arguments. La démarche n’est pas sans soulever d’importantes questions de droit.

L’avocate du Parti québécois, Estelle Tremblay, avait entendu « des rumeurs » sur la tenue de ces audiences, alors qu’elle se trouvait dans ses terres à Chicoutimi.

L’avocate de 36 ans d’expérience se dit préoccupée par les informations du Devoir. « Je ne peux pas imaginer que la commission siège à huis clos sur le financement des partis politiques. Ce que vous me dites là, ça ne se peut quasiment pas », a-t-elle dit.

Me Tremblay a joué de prudence dans ses commentaires, mais elle a semblé étonnée que les commissaires puissent discuter de financement politique en l’absence des parties intéressées. « Si c’est bel et bien un huis clos, les parties sont censées être convoquées. Le PQ, comme le PLQ, a un intérêt important et direct pour ce volet des travaux », a-t-elle dit.

L’avocate a réitéré la position du PQ, qui a toujours voulu aborder en public les questions de financement politique.

Le procureur de Québec solidaire, Alain Tremblay, comprend la stratégie de la commission. Le parti d’Amir Khadir et de Françoise David a salué la suspension du volet public des travaux de la commission, au début de la campagne, et il n’a pas changé d’idée. « Il y a tout un travail d’enquête qui n’apparaît jamais en public, a indiqué Me Tremblay. Il est tout à fait possible que les commissaires continuent d’interroger des témoins. Ce qu’on voit en public n’est que la pointe de l’iceberg. »


Avec Marco Fortier


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