Transferts sur l'immigration: Québec détourne des millions

Francisation des immigrants - où est passé l'argent ?


Le gouvernement Charest puise des millions de dollars dans les transferts fédéraux sur l'immigration pour financer des services qui n'ont rien à voir avec la francisation et l'intégration des nouveaux arrivants.

Québec dépense en effet quelque 10 millions de dollars provenant des fonds fédéraux pour financer un service et un fonds d'aide destinés aux revendicateurs du statut de réfugié. Or, cette dépense ne peut être couverte par les transferts d'Ottawa, puisque ceux-ci sont plutôt destinés à la francisation et l'intégration des immigrants admis.
Dans un rapport datant de 2000 et distribué par le Conseil du Trésor en début de soirée hier, Québec reconnaît lui-même que les dépenses relatives aux demandeurs du statut de réfugié «ne sont pas admissibles» en vertu de l'accord.
Le gouvernement devrait donc puiser dans ses coffres, et non dans les fonds du fédéral, pour offrir ces services qui relèvent du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Et pourtant, le gouvernement Charest - comme le gouvernement péquiste avant lui - prétend que tous les transferts fédéraux sur l'immigration (189,2 millions de dollars l'an dernier) sont utilisés à bon escient, c'est-à-dire pour la francisation et l'intégration.
Le directeur général de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, Stephan Reichhold, est scandalisé par la manoeuvre du gouvernement dont il connaissait déjà l'existence. «Le gouvernement prend une partie des millions du fédéral et les dépense ailleurs que dans l'intégration et la francisation. Ce n'est pas illégal, mais c'est immoral et indécent, surtout que les besoins sont criants», a-t-il affirmé à La Presse.
Hier, la présidente du Conseil du Trésor et ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a annoncé que ses fonctionnaires ont reçu le mandat de vérifier si les transferts fédéraux servent bel et bien à l'intégration et la francisation des nouveaux arrivants. Mais elle nie que son gouvernement détourne les transferts.
En 2001 et en 2005, le Conseil du Trésor a déjà fait des études à ce sujet, a plaidé Monique Jérôme-Forget. Aucun problème n'avait été relevé, selon elle. Or, la démonstration faite par La Presse prouve le contraire.
Les nouvelles vérifications iront plus loin, a ajouté Mme Jérôme-Forget. «Ce qu'on veut regarder, c'est: qu'est-ce que ça donne, les programmes? Est-ce que les immigrants parlent français après les cours de francisation?» La ministre n'est «pas certaine» que les mesures du gouvernement sont efficaces.
Questionnée sur l'utilisation des transferts fédéraux, la ministre de l'Immigration, Yolande James, a une fois de plus dirigé les journalistes vers le Conseil du Trésor.
En vertu de l'accord, Ottawa a versé 189,2 millions à Québec l'an dernier, selon le Conseil du Trésor. Notons que les chiffres varient quelque peu d'un ministère à l'autre. De cette somme, le ministère de l'Immigration en a reçu un peu plus de la moitié, 101,2 millions. Le Conseil du Trésor précise que d'autres ministères offrent des services aux immigrants et touchent donc des fonds fédéraux (Éducation, 57,4 millions; Emploi et Solidarité sociale, 19 millions; Santé et Services sociaux, 10 millions). Cela inclut toutefois des dépenses non admissibles, comme l'a constaté La Presse.
«Ces chiffres sont bidon, a lancé Stephan Reichhold. Les transferts vont dans le fonds consolidé et, après, ça disparaît dans la machine. C'est clair que tout ne va pas à l'intégration.»
Le député péquiste Martin Lemay demande au vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, de faire la lumière sur l'utilisation des transferts fédéraux. Au bureau de Renaud Lachance, personne n'a voulu dire si le vérificateur entendait faire enquête.
La critique de l'ADQ en matière d'immigration, Catherine Morissette, juge que le gouvernement donne l'impression de vouloir «cacher des choses». «On a demandé plusieurs fois d'avoir toutes les données, et on n'est pas capables de les obtenir. On va perdre patience.»


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé