Jean Charest : La descente aux enfers

Tout repose sur la valeur probante du témoignage de Marc Bellemare

Il y a maintenant matière à enquête criminelle

Chronique de Richard Le Hir

Comme j’en avais évoqué hier la possibilité, Marc Bellemare a profité de son deuxième passage devant la Commission Bastarache pour «en remettre une couche» et il n’y est pas allé de main morte. À l’en croire, Jean Charest l’aurait incité à ne rien révéler du trafic d’influence dans les nominations de juges et des liens de celles-ci avec le financement du PLQ. Les médias parlent très justement de « bombe », et dans une gradation de son pouvoir destructeur, celle-ci est plutôt du genre thermonucléaire !
La déflagration a été tellement puissante que la Commission a ajourné ses travaux à lundi prochain, dans un signe manifeste d’affolement devant la tournure que sont en train de prendre les événements. Toute sa stratégie est à revoir, elle ne peut plus désormais exclure la possibilité que Marc Bellemare, dans une variante aussi intéressante qu’inattendue du « strip-poker », ne choisisse de dévoiler progressivement tous ses secrets pour infliger un maximum de dommages tant au bon fonctionnement de la Commission qu’à Jean Charest et au PLQ, alors que le but de tenir une commission était justement de les minimiser.
Dans la perspective de ces derniers, à quoi bon offrir à Marc Bellemare la tribune pour qu’il les torpille. Et le fait qu’on en soit déjà rendus là constitue la meilleure indication de la panique provoquée par la sortie de Marc Bellemare le printemps dernier, et de l’improvisation à laquelle ils se sont retrouvés acculés. Plus mauvaise stratégie que celle-là, tu meurs.
Il est absolument inconcevable que ses conseillers n’aient pas prévenu Jean Charest, qui est pourtant lui-même un avocat et qui devrait savoir ces choses-là, que les règles de preuve invitent tout tribunal ou organisme quasi-judiciaire comme l’est une commission d’enquête à donner préférence à un témoignage positif plutôt qu’à un témoignage négatif.
En effet, selon les règles de la preuve au Canada (ils vont presque regretter qu’il existe !), le témoignage d’une personne qui affirme qu’une chose s’est produite est plus crédible, a plus de poids, que celui d’une personne qui nie qu’une telle chose ne se soit produite. Bien sûr, comme dans toute règle inspirée de la common law (le droit anglais), le tribunal peut toujours dans l'appréciation globale d'une preuve accorder plus de poids au témoignage qui nie l'existence d'un fait, en tenant compte notamment de la crédibilité respective des témoins.
Mais même si l’on pourrait penser a priori que Jean Charest pourrait jouir d’un préjugé favorable du fait des fonctions qu’il occupe, la partie est loin d’être gagnée pour lui en raison de l’obligation que tout tribunal ou organisme quasi-judiciaire aurait dans ce cas-ci d’examiner les conséquences pour Jean Charest de ne pas nier le témoignage de Marc Bellemare.
En effet, si Jean Charest devait ne pas nier les affirmations de Marc Bellemare, il y aurait matière à tout le moins à enquête criminelle, et possiblement à des accusations éventuellement suivies d’une condamnation ou d’un acquittement.
Comme dit l’autre, « On rit p’us ».
En droit criminel, personne n’est tenu de s’incriminer. Mais le parjure est un acte criminel. C’est pourquoi de nombreux accusés préfèrent éviter de témoigner quand la preuve laisse place à un doute raisonnable. Ici, nous nous trouvons devant une Commission devant laquelle Jean Charest a déjà indiqué qu’il témoignerait. Il n’a plus aucun espace pour manœuvrer, à moins que la Commission ne décide elle-même de suspendre ses travaux ou d’y mettre fin à ses travaux pour le motif que la poursuite de ses travaux dans le contexte actuel pourrait compromettre la tenue d’une enquête criminelle, soit sur le parjure éventuel de Marc Bellemare, soit sur la possibilité qu’il y ait eu du trafic d’influence dans la nomination des juges.
Évidemment, personne ne serait dupe, et tout le monde comprendrait que cette interruption temporaire ou définitive n’aurait que pour but d’éviter le pire à Jean Charest.
Joli cas de figure !
En attendant, les souliers de notre premier ministre - oui, car il est encore notre premier ministre pour des raisons totalement inacceptables - rapetissent à vue d’œil, et je ne voudrais pas me trouver à sa place.


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15 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    31 août 2010

    Derby de démolition Québec 2010
    http://ygreck.typepad.com/.a/6a00d8341c5dd653ef0133f36c81de970b-800wi

  • Archives de Vigile Répondre

    30 août 2010

    Le financement du Parti libéral du Québec.
    Les trois juges de la Cour d'appel du Québec force Me Bellemare à comparaître devant le Directeur général des élections pour faire la lumière sur ses allégations d'irrégularités dans le financement du Parti libéral.
    Selon son avocat, Me Jean-François Bertrand, son client ne pourra pas répondre aux questions du DGE,en raison de son serment de confidentialité à titre d'ex-ministre. L'affaire se retrouvera donc à nouveau devant les tribunaux, afin de déterminer l'étendue du serment.
    Le premier ministre Jean Charest n'a levé ce serment que pour la comparution de Me Bellemare devant Michel Bastarache, dans le cadre de la commission d'enquête sur le processus de nomination des juges.
    [ La commission Bastarache a refusé d’entendre les allégations de Me Bellemare sur les irrégularités dans le financement du Parti libéral Charest.L’avocate du gouvernement a fait objection.Ce n’est pas dans le mandat de la commission].
    Source ; Tommy Chouinard,La Presse,30 août 2010

  • Archives de Vigile Répondre

    30 août 2010

    Si les politiciens et leurs conseillers étaient si clairvoyants, l'industrie de la consultation et de la gestion de crise ne serait pas si florissante.
    Si M. Charest n'avait pas lui-même créé cette commission, il n'aurait pas, aujourd'hui, à répondre aux accusations de son ancien ministre. Puis s'il n'avait pas joué au petit tough de la cour d'école en mettant Me Bellemare au défi de vider son sac, il n'en serait pas là. Lorsque deux orgueilleux se mettent à se traiter de menteur devant tout le monde, généralement, ça finit mal.
    Les ministres, trop souvent, font ce que le «centre» décide et ils savent fort bien qu'ils risquent de perdre leur limousine s'ils se rebiffent. Thomas Mulcair, rare exemple contraire.
    Source ; Vincent Marissal,La Presse,30 août 2010

  • Archives de Vigile Répondre

    30 août 2010

    Bastarache, la fin.
    Rien ne sert de gaspiller l'argent des contribuables et le temps des avocats: la commission Bastarache est terminée. La population a tranché: Marc Bellemare dit la vérité, Jean Charest ment.
    Dans l'esprit des politiciens, les mots «commission d'enquête» rimeront désormais avec «suicide politique». Résultat: la tenue d'une enquête publique dans les cas où l'intérêt général l'exige, par exemple dans celui de l'industrie de la construction, deviendra de plus en plus improbable.
    Source ; André Pratte,La Presse,30 août 2010

  • Archives de Vigile Répondre

    30 août 2010

    Portrait Charest
    Le premier ministre est un politicien professionnel qui ne s'est jamais préoccupé outre mesure de principes et d'engagement profond, sinon celui de durer le plus longtemps possible.

    Les deux mains sur le volant, il est incapable de conduire en ligne droite.Ce navigateur astucieux est plus porté sur la lecture des vents et des courants que sur le souci de développer des politiques animées par une vision globale.
    On pourrait dire que c'est un caboteur de la politique, changeant de destination et d'objectif pour le bien de sa carrière.
    On sait que la vérité est le dernier de ses soucis, qu'il peut changer de parti sans état d'âme; c'est un homme qui n'a de fidélité en politique que pour lui-même.
    Sa tombe de la crédibilité, de la confiance et du respect est creusée.
    http://mediamanager.oc3.generationflash.com/client_utils/_resize_picture_portal.php?member=cp&w=581&h=392&img=051_8314_201183.jpg
    [ Charest s’en fout.Le Québec est le dernier de ses soucis.] jptellier
    Source ; Gil Courtemanche,Le Devoir,28 août 2010

  • Archives de Vigile Répondre

    29 août 2010

    Je pense comme M. Le Hir que Charest ne témoignera pas. Il sait fort bien que personne ne le croira. Et il sait aussi qu'il serait tout à fait ridicule quoique chez lui, le ridicule ne tue pas.
    Que nous prépare le mafieux en chef ?

  • Archives de Vigile Répondre

    28 août 2010

    Contradiction libérale ou le temps des bouffons.
    J'l'écoute pu! la Commission Bastarache (Nathalie Normandeau) à l'entrée du caucus libéral avant l'ovation à Jean Charest.
    http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2010/RDI2/24HeuresEn60Minutes201008261902.asx
    Partie 2/5

  • @ Richard Le Hir Répondre

    27 août 2010

    Réponse à Isabelle Poulin
    On va savoir la vérité...
    Ce qu'on sait pour le moment, c'est que le témoignage de Jean Charest est reporté aux calendes grecques. Pas la semaine prochaine, ni dans un avenir prévisible. Une variante sur le scénario que je décrivais hier. La vérité, c'est que Charest ne témoignera pas. Soit que les travaux de la Commission Bastarache seront interrompus ou prendront fin avant, soit qu'il démissionnera, et que la Commission Basatarache tombera dans les limbes jusqu'à ce qu'un autre gouvernement soit élu. Et alors on aura une autre Commission qui prendra la place de la Commission Bastarache, et ce sera la mère de toutes les Commissions, pour paraphraser feu Saddam Hussein. De cette commission-là naîtra la prise de conscience qui nous fera passer à l'ultime étape, celle de notre rendez-vous avec notre destin collectif.
    Richard Le Hir

  • Isabelle Poulin Répondre

    27 août 2010

    Ce serait du jamais vu, non les avocats sont prêts et on va savoir la vérité. Écoutez le juge Gomery, il a raison de dire qu'il est possible de départager les témoignages et de voir qui est crédible. Le train une fois parti ne peut s'arrêter sur un dix cens...

  • Archives de Vigile Répondre

    27 août 2010

    Le seul hic, c’est que le mandat de la Commission Bastarache doit porter uniquement sur le processus de nomination des juges et non sur le financement du Parti libéral ou des autres Partis politiques. Qu’il y ait certaines pressions politiques dans la nomination des juges, personne n’est assez naïf pour ne pas y croire? Mais jusqu’où s’arrête la limite éthique acceptable et où commencent les pressions politiques indues? Bien malin celui ou celle qui pourrait se vanter de connaître dans les détails les dessous du rouage de la nomination des juges qui règne depuis des décennies au Québec? Ne sautons pas trop vite aux conclusions? La seule chose dont nous sommes sûrs, c’est que cette Commission coûtera plus de 6 M aux contribuables québécois.
    Marius MORIN

  • Archives de Vigile Répondre

    27 août 2010

    Et pire , plus Charest va démolir Bellemarre avec ses 40 témoins collaborateurs plus Marc Bellemmarre va recevoir des appuis et Charest va perdre ce qu'il lui reste comme face.
    S'il n'était pas comme Charest un vulgaire fédéraliste d'extrème droite je voterais pour Bellemarre.

  • Fernand Lachaine Répondre

    27 août 2010

    La preuve est maintenant faite: Charest en transgressant une consigne émise par Bastarache à l'effet qu'il est défendu d'intervenir ou de commenter sur le déroulement de la commission démontre qu'il se fout totalement de nos lois et ses déclarations qu'il fera devant " ce piège à cons" ne fera qu'ajouter au manque de crédibilité que l'opinion publique a déjà envers lui.
    Sa sortie à la TV dès la première journée de la commission confirme qu'il n'a rien à son épreuve !!.

  • Archives de Vigile Répondre

    26 août 2010

    Bellemare n’est pas seul, tous les Québécois excédés de ce gouvernement de corrompus sont avec lui. On ne se laissera pas insulter par des manœuvres de diversion mafieuse sans réagir. Soyez-en assuré! Le jugement final se fera dans l'urne.
    Nosco

  • Archives de Vigile Répondre

    26 août 2010

    Attendons encore un peu, monsieur Le Hir. Je sais que Charest est dans la merde, que les libéraux sont dans la merde, que la FTQ est dans la merde, mais la machine à sous est puissante et Bellemarre est seul.
    Détruire la réputation d'un homme quand ces bouffons sont attaqués dans leurs privilèges ou fortunes. c'est à dire là où ça leur fait le plus mal, n'est qu'une sale opération de plus avec laquelle ils sont familiers.
    Attendons encore un peu, monsieur Le Hir. En fait, j'ai juste peur que le film finisse mal, ou qu'ils ne passent pas la dernière bobine.
    André Vincent

  • Archives de Vigile Répondre

    26 août 2010

    Bonjour M. Le Hir
    "La contre-offensive est amorcée. L'objectif prioritaire consiste à gérer les médias; il va falloir encore arroser pas mal de monde, mais on peut utiliser les fonds secrets mis en place à cet usage. Un ou deux éditoriaux bien sentis, une bonne affaire de moeurs au cul de cet ex-ministre de la justice. Le temps qu'il se dépêtre de ces calomnies, on pourrait repartir du bon pied..."

    Avec quelques modifications.
    Là où les tigres sont chez-eux.
    Blas de Roblès.