Tous les intégrismes religieux sont condamnables !

Chronique de Djemila Benhabib


Le texte de Mme Alexa Conradi, présidente de la Fédération des femmes du Québec, publié dans Le Devoir du 29 septembre dernier, laisse à penser que la thèse développée dans mon dernier essai Les Soldats d'Allah à l'assaut de l'Occident s'emploie à la seule dénonciation de l'islam politique au détriment de l'intégrisme religieux chrétien. Ceci est une interprétation totalement erronée; là n'est pas mon propos.
J'ai toujours affiché la même intransigeance à l'égard des fossoyeurs de la démocratie, peu importe leur coloration religieuse. Car la visée de ces derniers, sous couvert du culturel, est toujours politique. En effet, leurs efforts visent à changer les structures sociales et politiques de façon à asseoir leur hégémonie en exploitant le statut des femmes, la morale sexuelle et en faisant la chasse à l'esprit critique. En d'autres termes, ces nostalgiques du passé oeuvrent à miner le système éducatif rationnel et à aliéner les femmes pour mieux asservir la société. Dans ce contexte, le sexe devient une affaire politique et la sexualité un objet de fixation.
S'il y a bien un sujet chez les intégristes qui a traversé les siècles sans perdre de sa fraîcheur, c'est bien celui de la sexualité. À l'échelle internationale, les intégrismes se nourrissent mutuellement les uns les autres. Depuis la Conférence internationale sur la population et le développement qui s'est tenue au Caire en 1994, leur progression est fulgurante. Pour mettre en lumière les différents enjeux qui ont marqué ce rapprochement, je reviens sur cette rencontre en écrivant à la page 243 de mon dernier essai ce qui suit: «On a vu naître une alliance entre le Vatican et des États musulmans remettant en cause les droits des femmes dans le seul but de réinscrire les religions dans le champ politique.»
Tout au long des dernières décennies, cette proximité n'a fait que se confirmer et la dérive onusienne s'est poursuivie. La Commission des droits de l'homme des Nations unies, rebaptisée Conseil des droits de l'homme, n'a-t-elle pas accueilli des représentants de la République islamique d'Iran et n'a-t-elle pas été présidée par la Libye? L'Arabie saoudite n'a-t-elle pas gagné un siège au conseil d'administration d'ONU Femmes? Les conférences de Durban n'ont-elles pas servi de défouloir à des régimes intégristes pour dresser un implacable réquisitoire contre la contraception, la laïcité et le droit au blasphème?
Qu'on se le tienne pour dit, les intégristes ne s'en cachent plus, leur objectif est de faire adopter de nouveaux droits de la personne où les femmes sont subordonnées aux hommes, l'homosexualité criminalisée et le racisme et les violences institutionnalisés. Or, toutes ces victoires ont été rendues possibles grâce à l'Organisation de la conférence islamique (OCI), la seule organisation internationale au monde qui regroupe des États sur la base de leur caractère religieux. Cette conjoncture nous renvoie aux grands défis auxquels font face les musulmans.
S'il ne fait aucun doute que la confession musulmane, en Occident, a droit à l'égalité devant la loi quant à l'exercice du culte, elle n'est pas égale au regard de l'histoire avec le christianisme. La reconnaissance de la liberté de pensée et de conscience apparaît comme une nécessité brûlante tout comme la reconnaissance des droits des femmes. Le règne de la censure, des assassinats et de la lapidation doit cesser. Les fatwas qui rendent sataniques les livres et les écrivains doivent être abolies. L'interdiction de penser et de débattre doit être levée. La dénégation de l'individu et l'apologie de la tribu doivent être oubliées.
Tout ceci ne rend pas à mes yeux le fondamentalisme chrétien plus sympathique que le fondamentalisme musulman. Ces enjeux témoignent de l'exigence, sinon de l'urgence, de soutenir dans le monde arabe et musulman ces femmes et ces hommes qui, aujourd'hui, revendiquent la séparation entre les pouvoirs politique et religieux. C'est ce que la Fédération des femmes du Québec et Québec solidaire tardent à faire.
***
Djemila Benhabib - Auteure de l'essai Les Soldats d'Allah à l'assaut de l'Occident (vlb éditeur)


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->