Syrie: puisqu’on vous dit que le gouvernement nous dit que c’est prouvé…

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Frappes atlantistes en Syrie : un mensonge gros comme le bras

Une semaine après la probable attaque chimique de Douma, la France bombardait donc la Syrie. Depuis le temps que nos médias attendaient cela : joie dans les rédactions.


Nous avons l’habitude: quand ce sont les méchants qui font la guerre, il y a des morts, c’est sale, c’est moche. Les photos sont insoutenables. Quand ce sont les gentils, ou plus encore, quand c’est nous, c’est propre. Du moins ne nous montre-t-on pas les victimes. Cette fois-ci, il semblerait que notre intervention ait réellement été idéalement propre puisqu’elle n’a fait aucune victime.


Le duc de Broglie disait déjà, en 1883: « aujourd’hui, définir la guerre est devenu presque impossible: on bombarde des villes sans être en guerre avec leurs possesseurs ». Encore heureux que nous n’ayons tué personne : il eût été peu glorieux que cet acte de guerre sans déclaration de guerre préalable (n’est-ce pas la définition même du terrorisme ?) fasse des victimes, potentiellement parmi les civils. Mais cette innocuité de notre intervention est aussi apparue au fil des jours comme la preuve de son caractère éminemment et strictement symbolique, autant dire de son inefficacité absolue. Grosso modo, depuis que BHL a décrété, un beau jour de printemps arabe que Bachar devait partir, nos journalistes veulent du sang, du sang syrien. L’épisode libyen (comme on dit) n’aura pas servi de leçon.


L’épisode irakien non plus. Nous sommes sommés de croire sans réticence ni restriction à la thèse concernant les attaques chimiques. Dire « j’attends qu’on nous en dise plus pour me faire une opinion » relève déjà du « complotisme ». Nous n’avons pas le droit d’être devenus méfiants, pas le droit d’avoir de la mémoire.


Je dis rarement que les médias sont les valets du pouvoir parce que, à la vérité, ils s’estiment tout simplement au-dessus des pouvoirs. Mais là, il faut bien reconnaître que, pour défendre leurs principes supérieurs (notamment celui selon lequel il faut abattre coûte que coûte toutes les dictatures), ils se font les avocats de l’indéfendable ou du difficilement défendable, au service de nos dirigeants.


C’était évident, ces derniers jours, dans le décalage qui se donnait à entendre entre la thèse médiatique et la parole des experts. « Pourquoi avoir autant attendu? » demandaient les journalistes, qui trouvaient qu’une semaine constituait déjà un délai excessif. « Pourquoi une telle précipitation? » répondaient les spécialistes de géopolitique ou d’affaires militaires, bien plus prudents.


« Le gouvernement publie les preuves ! » nous rabâchait-on sur un ton triomphal, comme si on allait enfin pouvoir rabattre leur caquet aux « complotistes », qui ne sont pourtant jamais que des sceptiques un peu échaudés par quelques supercheries médiatiques et comme tels, pas nécessairement des idiots.


Mais que les preuves fussent publiées après les frappes, cela ne gênait que les spécialistes, pas les journalistes. Ces derniers d’ailleurs, se contentaient fort bien de cette publication et estimaient, apparemment, que la lecture du document ne s’imposait pas. Il existait, et c’était déjà bien. J’ai même entendu : « c’est un document qui contient des textes et des images ». Merci !


Pour ceux que cela intéresse et qui ne l’auraient pas encore consulté, le rapport est disponible ici : https://www.defense.gouv.fr/content/download/528742/9123389/file/180414%20-%20Syrie%20-%20Synthe%CC%80se%20-%20Les%20faits.pdf


Les éléments médicaux semblent, en effet, accréditer la thèse de l’attaque au chlore mais le document en lui-même ne comporte pas de « preuve » au sujet, pourtant crucial, de l’origine des attaques. On eût attendu, et nombreuses, les émissions de « décryptage » de ces « preuves »…