Suis-je d'un autre siècle?

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Les espoirs d'un monde meilleur

Un récent sondage sur les choix politiques des jeunes du Québec me surprend et me laisse pantois. Non seulement une majorité rejette le Parti québécois et aurait voté NON à 69% à l'occasion d'un référendum sur la souveraineté, mais ils sont 34% de ces mêmes jeunes à adhérer aux valeurs du Parti libéral du Québec, un parti corrompu à l'os comme le démontre de plus en plus les derniers squelettes que la commission Charbonneau sort du placard du PLQ jour après jour.
C'est bien simple, je n'y crois pas. Je ne sais pas où s'est constitué l'échantillonnage de ces 500 jeunes Québécois mais je doute fort qu'il soit représentatif de l'ensemble des jeunes de 18 à 24 ans. Il y a deux ans à peine, des centaines de milliers d'étudiants avaient exprimé leur dégoût des politiques libérales de Jean Charest et bravé la police, tout en faisant preuve de beaucoup d'imagination. À tel point qu'une grande partie de la population, des parents de ces mêmes étudiants, entre autres, les ont appuyés et sont descendus dans la rue à leur côté. Rien n'a changé depuis, malgré le bref intermède d'un gouvernement minoritaire du Parti québécois qui n'a pas pu faire grand-chose en dix-huit mois.
Alors je doute et me demande si ce sondage n'avait pas pour but de nous faire oublier les perquisitions à répétition au siège du Parti libéral du Québec et chez des membres éminents de ce parti.
Je doute mais aussi je me questionne sur moi-même, sur mon demi-siècle de militantisme, d'appartenance sans faillir à un projet de société on ne peut plus noble, à courir, à crier, à souffrir en prison et en exil, à brandir des pancartes, à affronter les forces de l'ordre, à trébucher et à me relever. Pourquoi ai-je été et suis-je encore indépendantiste depuis cinquante ans? Qu'est-ce que ça signifie? Qu'est-ce que ça signifiait être indépendantiste en 1963? Suis-je carrément «à côté de la track» depuis tout ce temps? Suis-je buté ou obsédé par une chimère?
Pourquoi cette idée a-t-elle connu un essor considérable à partir des années soixante parmi les gens de ma génération, alors que nous bousculions l'ordre établi - le seul fait de se dire Québécois et non pas Canadien ou Canadien français constituait un crime, un scandale, un outrage - pour stagner maintenant et ne plus intéresser la génération des 18-24 ans? Le projet pourtant est toujours aussi noble: l'indépendance d'un peuple qui veut avoir le droit de décider de son destin par lui-même, en fonction de ses besoins, de sa culture, de son histoire, de sa langue, comme tant d'autres l'ont fait avant nous. Tous les autres partis politiques s'y opposent, y compris Québec solidaire qui joue sur les deux tableaux pour aller chercher des votes, un jour souverainiste, le lendemain fédéraliste derrière le NDP/NPD.
Dans le Québec des années soixante, nous risquions la prison pour nos idées, on nous matraquait, on nous ostracisait, on nous fichait et on nous marginalisait. Le film Les ordres, c'est de la petite bière en comparaison de la réalité. Aujourd'hui, en 2014, le projet indépendantiste a-t-il à ce point dégénéré qu'il suscite tant d'indifférence et de rejet? Tant que l'indépendance n'est pas faite, elle reste à faire, répétait sans cesse le poète Gaston Miron.
Pourtant, des jeunes s'affirment pour prendre la relève, comme Martine Desjardins et Léo Bureau-Blouin, entre autres. Au Chili, on a vu une figure charismatique des batailles étudiantes de 2011, la jeune Camila Vallejo, être élue aux dernières élections sous la bannière d'un vieux parti, le Parti communiste, qui représente encore les espoirs d'un monde meilleur.
Parfois, on me salue dans la rue, on me dit que je représente quelque chose à leurs yeux. Je ne veux pas être considéré comme un monument avec épitaphe et placé hors du temps. Je veux être de mon temps et non pas d'un autre siècle, sans mémoire qui flanche. Je me souviens, oui. Mais dans le feu de l'action.


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