Stéphane le mou

S. Dion et le Québec


Stéphane Dion ramollit! En une heure d'entrevue, hier, il a encore été impossible de lui faire casser du sucre sur la tête des souverainistes québécois. Il ne veut toujours plus prononcer le mot souveraineté. Au Québec, tout au moins.
Le parrain de la Loi sur la clarté référendaire cherche méthodiquement à faire oublier aux Québécois son rôle de pourfendeur de «séparatisses» durant la première phase de sa carrière politique, sous les ordres de Jean Chrétien. Il veut plutôt amener ses concitoyens à donner un vote positif pour le Parti libéral du Canada, sur la base de trois piliers de son discours: croissance économique et environnement conjugués dans le développement durable et justice sociale.
Confrontés aux grands enjeux modernes, les Québécois retrouveront la fierté d'être Canadiens, croit-il, et de ce fait, ils tourneront le dos au Bloc. Stéphane Dion aura toutefois beaucoup de difficulté à faire oublier son passé.
Déséquilibre fiscal
Il demeure par ailleurs toujours aussi froid sur l'existence d'un déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces, que Stephen Harper promet de combler dans le prochain budget fédéral. Pour le plus grand malheur de M. Dion, Jean Charest et les libéraux du Québec en ont fait leur cause et ils devraient mener leur prochaine campagne électorale sur ce thème. Si M. Dion s'avise de tenter de battre le gouvernement Harper aux Communes sur ce terrain, une dure confrontation s'annonce pour lui avec les libéraux québécois, dont il ne sortirait sûrement pas gagnant.
Le nouveau chef du PLC ne veut par ailleurs toujours pas placer la mission des Forces armées canadiennes en Afghanistan à l'avant-plan de sa propre campagne. Sa position est d'ailleurs ambiguë pour le commun des mortels: il donne un appui inconditionnel aux troupes appelées à se rendre sur place, mais il remet en question la mission, telle que conçue. Si jamais Gilles Duceppe fait plonger le Canada en élections sur ce thème, comme il menace de le faire, M. Dion aura des heures de plaisir à expliquer que le Canada devrait d'abord négocier avec ses alliés sur la lutte aux narcotrafiquants, la formation de la police afghane et un rôle plus important de l'ONU dans ce conflit par rapport à l'OTAN.
Le voisin américain
Sur la question des relations canado-américaines, devenues un enjeu majeur au Canada, il préconise de rallier des lobbys américains aussi préoccupés de la fluidité de la frontière pour des raisons économiques que le sont les Canadiens. C'est ce qu'il appelle une approche stratégique. Pas très percutant cela non plus en campagne électorale.
Bref, Stéphane Dion demeure l'intellectuel que les Québécois ont toujours connu (sauf sur la question de la souveraineté), peu préoccupé de son image et de la mise en marché de ses idées. Il a même fait le désespoir du photographe Jean-Claude Tremblay tellement il était statique. C'est son côté Claude Ryan, à qui mon collègue Donald Charette l'a déjà comparé. L'homme ne laisse à peu près jamais transparaître non plus des émotions ou des sentiments en entrevue, même lorsque vous évoquez les caricatures le dépeignant en rat et les chroniques qui en ont fait l'homme politique le plus haï au Québec. Cette prétendue insensibilité rappelle aussi la carapace qu'aimait se donner M. Ryan.
Stéphane Dion a en plus l'assurance de penser imposer ses thèmes électoraux, comme s'il était actuellement au pouvoir. Or, en réalité, il sera à la remorque au Québec, du Bloc et des conservateurs qui dicteront l'agenda. Il fait enfin trop bon marché de la mémoire collective au sujet du scandale des commandites. Son intégrité personnelle n'a jamais été remise en question, mais celle de Robert Bourassa ne l'avait jamais été non plus. La question est plutôt de savoir si cet intello a la poigne et un sens politique assez aiguisé pour garder tous les requins à bonne distance. À ce niveau, il ne fait pas seulement «ti-gars de Québec», il fait «ti-gars» tout court. S'il a été assez naïf pour ne rien voir des commandites alors qu'il était ministre responsable de la stratégie sur l'unité canadienne, ce n'est guère rassurant!
Les libéraux semblent se rallier présentement autour de lui, après les querelles internes des quinze dernières années qui ont beaucoup contribué à détruire leur parti au Québec. Les députés et les dirigeants du parti ont compris que les militants en avaient assez des guerres de clans et la perspective d'élections à brève échéance dicte ce soudain pragmatisme. Mais le PLC est à reconstruire complètement sur le terrain; il ne pourra compter sur la complicité active du PLQ de Jean Charest et nous n'oublierons pas que Stéphane Dion n'était pas le choix de ses collègues députés du Québec ni des militants du parti. Il a été choisi par la filière Chrétien et les grands médias anglophones du pays.
Sondages contaminés
Les derniers sondages sur sa popularité ont été contaminés par la publicité exceptionnelle entourant le congrès à la direction et son élection surprise. En 1998, Jean Charest a aussi été vu comme un messie et il a été balayé en campagne électorale quelques mois plus tard. Le ballon se dégonflera bientôt et commencera alors le véritable travail de reconstruction du PLC, à l'est du boulevard Saint-Laurent, à Montréal, jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine et dans toutes les régions du Québec profond francophone où agriculteurs, forestiers, mineurs, pêcheurs, propriétaires de PME, travailleurs autonomes et journaliers devront se reconnaître un peu en lui.
Des entrevues avec Stéphane Dion sont des défis intellectuels stimulants pour des journalistes, mais des élections se gagnent d'abord sur le terrain, face à la population, avec ses perceptions et son gros bon sens jamais démenti. Stéphane Dion n'a pas plusieurs cartes d'atout.


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