Star Accommodements 2007

Accommodements - Commission Bouchard-Taylor


Encore un débat sur l'identité québécoise? «Chus tanné», lançait Gaston Miron en 1987, appelé à s'exprimer dans le cadre de l'énième colloque sur l'avenir du français au Québec.



Vingt ans plus tard, à l'heure où on lance la grande tournée «Star Accommodements 2007», avec cette Commission de consultation «sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles», ce cri du coeur me semble tout aussi pertinent. Les traditionnels questionnements sur l'avenir du français ont beau avoir cédé leur place à de nouveaux débats sur les «accommodements», le terrain reste sensiblement le même. La forme a changé, le fond, non. On croit débattre, dialoguer. En fait, le plus souvent, on radote ou on tourne en rond. Ad nauseam...
«Tout ce que tu dis parle de toi; surtout quand tu parles d'un autre», observait l'écrivain Paul Valéry. Tout est là, il me semble. On invite les Québécois de partout dans la province à une séance de remue-méninges. On leur demande de nous dire s'ils sont «d'accord», «d'accord à certaines conditions» ou «en désaccord» pour que Joe ait un menu casher à la garderie ou que Fatima porte un foulard à l'école. On leur demande de nous parler de l'immigrant, de la meilleure façon de l'intégrer. On leur demande de nous parler du musulman, du sikh et du juif. Ce faisant, ils vont surtout nous parler d'eux-mêmes, de leurs craintes, de leur angoisse identitaire, de leur rapport à la religion. Ils vont surtout nous parler de cette société belle, paisible et fragile qu'est le Québec.
Nous voilà donc devant une majorité qui craint ses minorités, notait avec justesse l'historien et coprésident de la commission, Gérard Bouchard. Situation paradoxale qui n'a pas de raison d'être ou de fondement objectif. Sauf qu'à entendre la rumeur populaire, on a parfois l'impression que le Québec est conquis par une vague d'islamistes en niqab. Dans les faits, les musulmans constituent 1,4% de la population et la majorité d'entre eux ne veulent rien savoir des islamistes... Alors de quoi et de qui parle-t-on au juste? On croit parler des musulmans-qui-ne-veulent-pas-s'intégrer. En fait, on parle surtout de nous et de notre insécurité.
Si j'ai bien compris, la commission Bouchard-Taylor, qui veut avant tout donner la parole aux citoyens, sera un genre de défouloir officiel sous haute et sage surveillance. Un 110% multiculturel et policé. Une tribune téléphonique animée par deux intellectuels de renom. Une séance de thérapie collective à cinq millions de dollars.
Le solide document de consultation qui doit servir à encadrer la discussion (www.accommodements.qc.ca) prend bien soin de dissiper quelques malentendus. On rappelle par exemple que, contrairement à une croyance bien répandue, la majorité des demandes d'accommodements ne sont pas formulées par des immigrants. Reste à savoir si les gens vont prendre la peine de lire le document avant de livrer leur opinion...
La Commission veut s'atteler à «dissiper la part de désinformation et de confusion» entourant le sujet des accommodements «afin de le ramener à ses justes dimensions», lit-on dans le document de consultation. Sauf que le simple fait de mener ce vaste exercice donne déjà, il me semble, une dimension disproportionnée au sujet. En ce sens, Gérard Bouchard et Charles Taylor ont bien fait d'aborder leur mandat de façon plus large, pour réfléchir non pas simplement sur les «accommodements raisonnables», mais sur le modèle d'intégration québécois dans son ensemble.
Ce Star Accommodements 2007 nous mènera où? Au bout de l'exercice, le Québec saura-t-il un peu mieux comment ouvrir sa porte sans s'y coincer le pied? Saura-t-il un peu mieux qui il est? Ou sera-t-il seulement plus divisé qu'avant? Je n'en sais rien. Chose certaine, on s'aventure sur un terrain glissant. Glissera-t-on? Sans doute. Mais dans quelle direction?
On peut bien sûr espérer qu'il résultera de cette glissade des recommandations concrètes qui finiront ailleurs que sur une tablette. Mais à voir comment Jean Charest et Mario Dumont mènent leur partie de ping-pong politique sur la question de l'immigration, avouons que c'est mal parti.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé