La «pauvreté extrême» chez les enfants

Souffrance humaine et justice globale

Tribune libre

La Banque mondiale (BM) a récemment déposé un rapport dans lequel elle expose des données quant à la «pauvreté extrême» dans le monde qui renvoie aux individus disposant de 1,25$ US ou moins par jour. Selon le rapport de la BM, 400 millions d’enfants seraient dans cette situation; nombre qui constituerait le tiers des gens vivant dans ces conditions sur le globe (donc 1,2 milliard d’individus au total!). Si cette donnée suscite (avec raison) l’indignation, il faut toutefois noter que selon le même rapport, le nombre d’individus vivant dans une situation de «pauvreté extrême» aurait baissé de 721 millions de 1981 à 2010. D’un autre côté, le rapport indique que les 35 pays les plus pauvres – dont 26 se trouvent en Afrique – compteraient en ce moment 100 millions de pauvres de plus qu’il y a 30 ans. À cet égard, je pense qu’un plus grand nombre d’actions devraient être réalisées de la part des pays riches pour corriger une situation qui demeure inacceptable. En effet, le rapport de la BM pointe vers le fait que les pays les plus riches du globe se trouvent actuellement à la croisée des chemins par rapport aux problématiques de la pauvreté mondiale et des inégalités; deux dimensions d’une même réalité marquée par l’injustice qui rend nécessaire la formulation d’un projet clair et unifié de justice globale.
Notons d’abord que la pauvreté dans les différents pays du globe est une réalité qui ne suscite plus aucune surprise de notre part en tant qu’occidentaux et face à laquelle nous ressentons souvent un sentiment diffus d’impuissance et de désespoir. De telles impressions ne devraient toutefois pas nous paralyser, mais nous inciter d’une part, à prendre conscience du fait que la solidarité est une obligation et une responsabilité de l’occident envers le tiers-monde, et d’autre part, à faire pression sur nos gouvernements et sur les institutions transnationales contemporaines pour que cette responsabilité devienne effective à travers un processus de redistribution globale dans l’optique du don, de la générosité et de la gratuité (et non pas du prêt ou de la réciprocité) face aux plus démunis de la terre. Dans ce contexte, il faut s’assurer que l’aide apportée se fasse dans le respect des populations aidées, ce qui passe notamment par une reconnaissance de leur égalité avec nous en termes de dignité humaine. Il est clair que l’occident est susceptible d’éduquer les plus démunis de la terre dans plusieurs domaines, mais je pense qu’il est fondamental – pour que le processus d’aide soit efficace et se fasse sans sentiment de honte de la part des populations aidées – de reconnaître que derrière l’inégalité économique entre aidants et aidés se cache une égalité morale au niveau humain qui implique que nous en avons également à apprendre d’eux au niveau culturel.
Pour poursuivre dans la même voie, il est important de souligner que le processus d’aide internationale ne doit pas être ethnocentriste, mais bien centré sur le développement de l’autonomie et l’autogestion des populations assistées dans leur contexte national particulier. Une telle aide ne doit, en effet, pas être réalisée pour renforcer des intérêts économiques, géopolitiques ou géostratégiques particuliers, mais bien pour créer un support directement lié aux besoins réels des populations aidées. Dans cette perspective, je considère qu’il est souhaitable de poser un regard critique sur les différents organismes supranationaux contemporains afin de s’assurer que leurs manières de faire s’ajuste démocratiquement aux demandes des aidés, telles qu’ils le formulent. C’est pour cette raison qu’il faut favoriser le dialogue véritable, c’est-à-dire non paternaliste, entre les pays aidants et aidés, ce qui suppose une meilleure connaissance de la réalité de l’Autre de part et d’autre. Par ailleurs, de manière générale, comme le souligne le philosophe italien Francesco Fistetti : «[il] s’agit […] de déterminer concrètement les obligations auxquelles les États donateurs et les acteurs économiques devraient se tenir et, en outre, d’imaginer un réseau d’institutions chargées de mettre en place des politiques de justice redistributive. Il est également nécessaire de définir les conditions du contrôle de la mise en œuvre effective des politiques de solidarité afin d’éviter que les ressources mobilisées profitent aux dictateurs ou aux classes bureaucratico-politiques corrompues au lieu de bénéficier aux populations défavorisées.» (Théories du multiculturalisme. Un parcours entre philosophie et sciences sociales, Éditions La Découverte/Textes à l’appui, Série «Bibliothèque du m.a.u.s.s., Paris, 2009, p.167)
Somme toute, le problème de la pauvreté dans le monde nous concerne tous et c’est dans cette perspective que doit être mis sur pied un mouvement global de solidarité axé sur la redistribution de la richesse. Est-ce qu’un tel mouvement doit commencer par une annulation des dettes (et des intérêts accumulés) des pays pauvres envers l’occident? Par une augmentation des salaires des travailleurs du tiers-monde? Devrait-on arrêter de consommer les biens dont la production rime avec exploitation ou à l’inverse forcer une solidarisation du profit à l’avantage d’ouvriers que personne ne reconnaît, mais qui jouent un rôle crucial dans le système mondial contemporain de production et de consommation? Autant de questions difficiles et complexes qui convergent toutes sur la nécessité d’une réflexion quant à ce que signifie le confort occidental en termes de souffrance humaine.


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 octobre 2013

    "Somme toute, le problème de la pauvreté dans le monde nous concerne tous et c’est dans cette perspective que doit être mis sur pied un mouvement global de solidarité axé sur la redistribution de la richesse."
    Ce mouvement global de solidarité auquel vous référez, n'est-il pas justement la mondialisation?
    En abandonnant notre industrie du textile, nous avons en fait transféré des dizaines de milliers d'emplois dans les pays du tiers-monde.
    Pendant que nous on descend, eux, sont censés monter. À long terme, on se rejoindra. Tous égaux enfin! La question qui me turlupine toutefois, est de savoir à quel niveau nous nous rejoindrons. Si on se rejoint au milieu, cela pourrait être bien. Mais, si on fait du nivellement par le bas, alors personne n'y gagne (sauf bien sûr quelques oligarques, les nouveaux maîtres du monde).
    Est-ce de ce genre de "charité" dont vous parlez, M. Beaudoin-Guzzo?

  • Marius Morin Répondre

    14 octobre 2013

    Un article intéressant portant sur la justice, ce qui semble une de vos préoccupations principales. Il n’y a pas d’amour, de charité ni de philanthropie dans l’aide internationale. La BM, l’ONU et ses programmes comme UNICEF, le FMI, l’OMC, le GATT, etc. sont-là pour le pouvoir et l’argent, au nom de leur démocratie et de l’endettement colossal des pays. Même le Québec n’y échappe pas avec son indice de pauvreté qui augmente. Selon mon point de vue, tant et aussi longtemps que l’ONU ne sera pas démantelé et reconstruit sur de nouveaux rapports de force, le faussé entre les riches et les pauvres va se creuser davantage. Les pays riches semblent toujours généreux à première vue envers leurs futures esclaves domestiqués dans les pays colonisés et spoliés.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 octobre 2013

    Encore que le confort occidental n'est pas pour tout le monde en Occident.
    Tous les indices le disent: l'écart entre riches et pauvres n'a cessé de s'accroître dans les 30 dernières années ici en Occident.
    Les responsables de banques alimentaires et soupes populaires du Québec le disent: les besoins ne cessent d'augmenter.
    Il n'y a pas qu'au tiers-monde que l'on connaît désormais la pauvreté.
    Tout l'Occident, malheureusement, est en train de se tiers-mondialiser.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 octobre 2013

    Vous avez fait un bon article, M. Beaudoin-Guzzo.
    Mais, comment faire pour que l'argent que les occidentaux donnent, se rendent a la population qui en a besoin?
    Ces États disent; Nous sommes souverains et nous ne voulons pas que vous veniez gérer nos pays.
    Les missionnaires de l'Occident.
    Dans l'histoire, c'est L'Occident qui a fourni le plus grand nombre de missionnaires dans le monde au cour des siècles passés et des milliers de milliard de dollars y ont passé, pour aider les gens de ces pays a retrouver une dignité.
    Est-ce que vous trouvez que cela va mieux dans le monde présentement? NON
    Personnellement, j'ai un oncle qui est allé comme missionnaire en Afrique, dans les années 1950. Cet oncle vivant au Québec dans un pays de froid était enthousiaste avant de partir d'aller dans le continent Africain toujours a la chaleur, et se dit je vais apporter des graines pour montrer a des Africains a faire des potagers et qu'ils puissent faire pousser leurs plantes, pour qu'ils cultivent leurs propres légumes, ainsi ceux-ci n'en manqueront plus.
    Apres quelques années, il est revenu au Québec, savez vous ce qu'il nous a raconté: J'ai essayé de leur montrer a cultiver et faire leurs propres potagers, mais ils ne veulent pas, et encore plus, ils venaient voler mes légumes dans mon potager.
    En 2010, lors du sinistre en Haïti, les Haïtiens ont dit clairement; Donnez nous l'argent, mais ne venez pas nous dire comment faire!
    Malheureusement, il nous faut constater, que ce n'est pas toutes les personnes qui habitent sur cette terre, qui sont sensibles a la misère des autres qui les entourent, dans notre monde, et souvent l'argent que l'occident envoi sert a acheter des Mercedes aux dictateurs ou financer le terrorisme par certaines ONG.
    Un bon article a lire: "Aide Internationale; Un Racket".
    L'auteur a mis un lien dans son article, vous pouvez lire une parti du livre sur le web gratuitement.
    http://frontpagemag.com/2013/bruce-bawer/the-foreign-aid-racket/
    Infiltrer une association d'aide internationale reconnue est plus facile que d'essayer d'en démarrer une, et attendre qu'elle soit reconnue.
    Unicef est infiltré par des islamistes et l'argent provient en majorité des occidentaux et cet argent va pour entrainer des terroristes.
    Lorsque vous donnez des sous dans la petite boite orange, pensez y.
    http://www.debbieschlussel.com/15625/haiti-islamic-relief-the-scientologists/