Enseignement de l'histoire nationale au cégep

L'histoire comme responsabilité

Tribune libre


Comme nous l’avons appris en 2013 par la bouche du ministre de l’Enseignement supérieur Pierre Duchesne et celle de la ministre de l’Éducation Marie Malavoy, nous assisterons dans la prochaine année à un renforcement de l’enseignement de l’histoire nationale au cégep sous la forme d’un cours obligatoire pour tous à l’automne 2014. Malgré un délai considéré trop court par certains et une faisabilité mise en question par d’autres en raison de programmes auxquels il serait difficile d’ajouter des heures de cours, le gouvernement va de l’avant avec l’intention explicite de valoriser la mémoire collective québécoise. Il va sans dire que cette question a soulevé (et continu de soulever) de vifs débats sur les divers enjeux qu’elle implique.
Un de ces débats houleux concerne de façon générale la pertinence du cours d’histoire en question qui serait – selon la majorité de ceux qui s’y opposent – chargé d’idéologie souverainiste que le Parti québécois chercherait à entrer de force dans la tête des cégépiens. À titre d’exemple, selon Jocelyn Bordeleau, qui enseigne au collégial, dont le texte «Imposer l’histoire au cégep» a été publié le 8 février 2014 dans La Presse, l’ajout d’un cours d’histoire nationale viserait à laver le cerveau des étudiants et à véhiculer une propagande souverainiste menant à une compréhension «biaisée» et erronée de la réalité. Comme il le dit lui-même : «[a]près cette séance de «brainwashing» à saveur de victimisation collective devant l'oppresseur anglo-saxon, nos étudiants devraient naturellement épouser à leur tour les préceptes souverainistes comme seule et unique réponse aux maux de notre société.»
Monsieur Bordeleau a droit à son opinion, mais je pense sincèrement que ses fondements sont bancals dans la mesure où une telle prise de position témoigne d’un manque de respect et de confiance envers les étudiants qui sont considérés comme de simples éponges naïves et vulnérables que l’on pourrait manipuler avec un dessein politico-idéologique. Si tel était le cas, ce que je ne crois évidemment pas, je pense bien que l’éducation serait inutile puisqu’elle vise justement, à travers l’ensemble des acquis qu’elle génère (entre autres au niveau historique) à aiguiser notre perception du réel et à alimenter les débats susceptibles d’y émerger, notamment par rapport aux questions collectives. En tant que sujets réflexifs et historiquement ancrés, les étudiants devraient être pris au sérieux et mis en contact avec leur histoire nationale (ce qui, soit dit en passant, ne signifie pas l’histoire de la souveraineté) afin de prendre position de manière critique et éclairée dans l’ensemble débats et enjeux individuels et collectifs qu’elle implique. Ne tenons pas les étudiants dans l’ignorance, comme le défend monsieur Bordeleau, pour s’assurer qu’ils ne deviennent pas souverainistes : laissons-les juger et décider par eux-mêmes. De manière paradoxale, ce sont ses propos qui me semblent les plus partisans dans ce débat puisqu’il s’immisce dans la tête des étudiants pour leur dire quelle lecture de l’histoire est «La» bonne.
En poursuivant dans la même voie, je considère qu’il est simpliste de penser, comme monsieur Bordeleau, qu’une initiative d’un parti politique souverainiste en matière d’éducation se répercuterait inévitablement par la promotion de l’indépendance par les enseignants. L’ajout d’un cours d’histoire du Québec ne rend pas les enseignants souverainistes pour autant! Par ailleurs, il est malhonnête d’affirmer qu’une connaissance approfondie de l’histoire du Québec biaise notre rapport à la réalité. En effet, chaque individu humain s’inscrit dans un cadre national particulier dont il doit, à mon sens, connaître les divers enjeux socio-historiques pour arriver à comprendre son inscription dans le cours de l’histoire universelle, qui nous est également enseignée. À ce sujet, je pense que visiter notre histoire nationale au Québec ne veut pas nécessairement dire de se complaire dans la représentation de nous comme victimes et ne pas s’intéresser à l’histoire en général.
En définitive, je salue l’initiative du gouvernement Marois dans la mesure où je juge que la conscience historique de la jeunesse québécoise est un des éléments permettant de développer son regard critique à l’égard de la société d’aujourd’hui et de demain. Selon moi, si cette initiative est menée à bien, elle permettrait, à long terme, de favoriser l’amélioration de l’estime de soi pour le peuple québécois qui ressent encore parfois, malgré lui, un sentiment diffus d’ambivalence par rapport à sa propre identité. Il va sans dire que l’histoire n’est pas simple à aborder, mais je crois que c’est en visitant le passé et en favorisant la réflexion que nous serons le mieux outillés pour affronter les différents défis économiques, sociaux et identitaires du présent et ceux que nous réserve l’avenir. L’histoire n’est pas un choix, c’est une responsabilité!


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    10 février 2014

    L'histoire Nationale de la Nation québécoise existera que le jour de notre Indépendance du Québec .
    Avant l'indépendance nous devons nous contenter de l'histoire valorisant les collabos et les traîtres et les fédéralistes qui déprécient la Nation Québecoise et prennent soin qu'il en soit ainsi avec nos impôt fédéraux
    Pourtant notre véritable histoire de 1534 à 2014 est on ne peut plus glorieuse dans nos découverte, nos explorations, nos fondations , nos résistances et nos affirmations régionales, nationales québécoise et internationales .
    Vive mon pays le Québec
    MICHEL GUAY

  • Archives de Vigile Répondre

    10 février 2014

    Mon père disait que ce sont les voleurs qui ont toujours le plus peur d'être volé.
    J'ai appris l'histoire avec le manuel des frères des écoles chrétiennes que j'ai adoré. Leandre Bergeron m'en a raconté une autre que j'ai adoré aussi. Aujourd'hui la connaissance des historiens nous permet un histoire plus près de la réalité et elle doit être connue et enseignée.
    Noel