Sortir du champ de ruines

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C'est l'obsession référendiste qui tue le mouvement souverainiste


Au début de cette année, j’ai démissionné comme agent de Yves-François Blanchet auprès d’Élections Canada, je me suis retiré comme avocat des dossiers judiciaires du Bloc et j’ai refusé un poste au bureau national du parti. Depuis toujours, la politique ne m’intéresse que si elle fait avancer l’idée essentielle de l’indépendance du Québec.


La campagne du Bloc a été efficace et, comme prévu, le parti a obtenu un bon succès ; enfin, plus de députés. On cherche cependant encore un sens à cette victoire.


Je trouve toujours inadmissible que le chef d’un parti indépendantiste ne profite pas des débats télévisés, moments uniques et cruciaux d’une campagne électorale, pour faire la promotion de l’option fondamentale de son parti. Yves-François Blanchet n’a parlé d’indépendance qu’à la toute fin des débats, lorsqu’il en fut obligé et en se défendant presque d’être souverainiste. Déplorable.


Il aurait été pourtant facile de dire simplement que, si le oui l’avait emporté en 1995, nous ne serions pas à demander encore l’approbation d’une autre nation pour nos politiques, par exemple, de laïcité, d’immigration, de langue, d’aide médicale à mourir ou d’environnement. Nous serions plutôt à continuer de bâtir avec fierté une société riche, solidaire, donnant l’exemple par notre exploitation des énergies vertes.


Cette fine tactique des dirigeants du Bloc de ne pas parler d’indépendance devant les micros, mais plutôt seulement devant les assemblées partisanes a peut-être permis d’avoir quelques votes de plus, mais n’a certainement pas fait progresser l’idée première de notre engagement.


Cette stratégie allait d’ailleurs à l’encontre du programme de refondation du parti, voté par les délégués au congrès de mars 2019 après un long et difficile processus de refondation et de réunification. Ce programme prévoyait clairement que nos représentants parlent d’indépendance « à chaque tribune et à chaque occasion ». Il ne sera même pas mis sur le site du parti. On y verra plutôt une plate-forme électorale décidée par un petit groupe de professionnels de la politique. Le mot indépendance (en fait, indépendantiste) ne se retrouvera qu’une seule fois dans ce texte de 13 pages.


Le Bloc, nous a-t-on vendu, devait servir de porte-parole du Québec, donc de la majorité fédéraliste de l’Assemblée nationale auprès des fédéralistes d’Ottawa. Dans les faits, Legault et Trudeau s’en serviront bien quand ils en auront besoin, l’un pour mettre un peu de pression, l’autre pour conserver le pouvoir. Tout cela, pour le meilleur fonctionnement du Canada.


J’espère que les élus bloquistes arriveront à exprimer leurs convictions profondes et à agir en conséquence avec force. J’espère aussi que les membres du PQ n’accepteront plus cette façon de faire la promotion de l’indépendance en en parlant le moins possible. Cela a entraîné pendant trop longtemps le mouvement souverainiste à ressembler, comme le disait Jacques Parizeau, à un champ de ruines.


Les indépendantistes sont sortis de situations difficiles dans le passé. Je me souviens, par exemple, de 1988, où le même Jacques Parizeau devenait chef d’un PQ mal en point et ayant oublié sa raison d’être. Par la suite, nous nous sommes rendus à la porte de notre pays.









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