Petite réflexion politique du samedi matin. À propos de l'industrie des sondages.
Tous savent à quel point j'ai été critique de cette industrie dans le passé. Je le suis toujours. Récemment, j'ai fait part de discussions très animées entre sondeurs et ceux qui se servent de leurs données pour faire des projections de sièges, ceux qu'on nomme les «agrégateurs».
Déjà, au sein de l'industrie du sondage, il y a des sondeurs qui rebutent, qui sont franchement fâchés que les agrégateurs prennent leurs données, leurs résultats de sondages, pour les ploguer dans leur modèle afin d'en sortir des projections de sièges.
C'est simple, ces agrégateurs disent que les résultats de sondage sont «publics», certains sondeurs disent «wooo!» on ne peut repiquer un article dans le journal et le faire sien sans consentement de l'auteur! Nos sondages, c'est pareil! Demandez-nous la permission, faites entente avec nous au moins et montrez-nous vos méthodes!
Récemment, au moins une firme de sondage, Ipsos, amis une mise en garde visant spécifiquement les agrégateurs qui «piquent» leurs données.
Cette querelle continue. Pour ceux que ça intéresse, vu du Québec, Jean-Marc Léger a pris position, il loge plutôt du côté des sondeurs qui croient que leurs données sont publiques et laissent libre cours à la reprise de ses résultats de sondage.
Mais allons un cran plus loin.
On le sait, la campagne électorale approche, et dans cette industrie, il y a beaucoup de nouveaux joueurs qui veulent faire leur place. À titre d'observateur de cette industrie depuis très longtemps, cela m'étonne toujours de voir à quel point il pousse de nouveaux agrégateurs, de nouveaux sites de projection de siège.
Comprenons-nous bien, la business du sondage n'est pas différente des autres business; il y en a des bons, des moins bons, il y a des charlatans et aussi des nouveaux qui cherchent leur part du gâteau. Et une élection, c'est comme les séries éliminatoires. Ça se pousse pour s'y faire une place. On est aux portes des séries, mettons.
Ainsi, je tombe sur une conversation à laquelle participe un certain Quito Maggi, Vous souvenez de lui? Il a fait grand bruit au Québec lors de la dernière élection en 2018 par ses commentaires intempestifs... C'est le PDG et grand animateur de la firme Mainstreet.
Un citoyen sur twitter partage les résultats de projection de siège d'une firme, Advanced Symbolics, qui met de l'avant un outil d'analyse des tendances nommé «Polly» lequel semble être si efficace qu'il peut prendre en charge des tonnes de données et les analyser pour prévoir les tendances en éliminant les biais par exemple.
Cette firme se targue d'avoir été capable de prédire de manière précise les élections de Trump, Trudeau, Doug Ford, le Brexit, etc.
Le citoyen partage les résultats de la projection de siège de cette firme en particulier, en demandant à des ténors de l'industrie du sondage comme Maggi, Frank Graves (EKOS), Philippe J. Fournier (Qc125) ce qu'ils en pensent. C'est que ce site de projection, contrairement à d'autres, n'adhère pas à la tendance selon laquelle le NPD est en train de s'effondrer. Non, «Polly» voit le NPD à 34 sièges en moyenne et même à plus de 50 sièges dans un cas plus favorable!
Voilà qui est intéressant non?
La réponse de Maggi de Mainstreet a de quoi laisser songeur :
«Polly n'a rien prédit de ce que vous dites; c'est l'inverse en fait. Polly n'est pas meilleur, ni pire, que n'importe lequel agrégateur ou sondeur en ce moment... au double du prix et à vitesse plus lente.
Beaucoup de ... pas vraiment!»
Le quidam lit ça et se dit que l'un des deux est dans l'champ. Sur le site de Advanced Symbolics on trouve des résultats de projection concernant les élections mentionnées. Et des entrevues avec plusieurs médias concernant celles-ci.
Pourtant, la réaction, véhémente, du PDG de Mainstreet semble sans appel.
Le quidam devra se souvenir de ceci; l'industrie du sondage est une business comme n'importe quelle autre. Il y en a des bons, des moins, des charlatans.
Il y a aussi au sein de cette industrie des guéguerres, des conflits, des rivalités. Dans le cas qui précède, c'est l'évidence, quelqu'un est à côté de la track.
Le citoyen, lui, devra apprendre à considérer les sondages pour ce qu'ils sont, un produit de consommation comme un autre qu'il faut analyser pour en comprendre la valeur. Comme un grille-pain, ou une automobile. Doit-on prendre tout ce que le vendeur dit pour du «cash»?
Bien sûr que non.
Ce qui irrite dans le cas de l'industrie du sondage par contre c'est la place que ceux-ci occupent dans notre système démocratique. Le sondage c'est du fast-food pour analyste politique. Ça permet de faire du temps d'antenne «facile», ça permet d'analyser en fonction d'un portait trop souvent simpliste. Et surtout, peu d'analystes prennent le temps d'évaluer la qualité, la pertinence d'un sondage. Trop peu évaluent les paramètres essentiels d'un sondage, d'un site de projection de sièges : la méthodologie, qui commande le sondage, qui le publie, la relation entre sondeurs et celui qui publie, etc.
Dans le meilleur des mondes, l'élection fédérale qui s'en vient se fera moins sur les analyses faciles et simplistes de projection de sièges et de sondages et plus sur les programmes des partis, le bilan du gouvernement, l'analyse des promesses électorales et leur faisabilité, sur les candidats dans leurs comtés et pas juste les chefs de parti...
Ne retenez pas votre souffle cependant. Si l’industrie du sondage est une business comme une autre, la tenue d’une élection est aussi une formidable occasion d’affaires...
Et le processus démocratique n’est pas absout de se marchander comme on vend des grille-pains, des voitures ou sa vérité, celle de celui qui sonde... Car celui-ci ne se trompe jamais n’est-ce pas!